L’actrice américaine Rosario Dawson a cofondé au Ghana une marque 100% artisanale. Un projet pour allier prêt-à-porter et développement durable.

Un pied au Ghana et l’autre aux Etats-Unis. Studio One Eighty Nine (Studio 189), concentré de culture et de savoir-faire, est né de la conviction commune d’amies d’enfance, l’actrice Rosario Dawson et la styliste Abrima Erwiah, toutes deux nées à New York, mais bercées par des origines multiculturelles. Leur projet : créer une mode sociale ayant un impact positif sur toutes les sphères qu’elle touche.
C’est après un voyage organisé par l’Ong V-Day, qui lutte contre les violences faites aux femmes, qu’elles lancent en 2015 la plateforme collaborative Studio 189. Durant leur séjour au Congo, elles rencontrent tellement de talents enthousiastes que s’impose l’idée de mettre ces savoirs au service de la mode. «La créativité des femmes que nous avons eu la chance de croiser est incroyable. Tout ce qu’elles arrivent à fabriquer avec si peu de moyens ! Alors, nous avons imaginé ce qu’elles pourraient accomplir si elles avaient un soutien afin de développer leur savoir-faire», raconte Abrima.
Faute de partenaires, Rosario et Abrima décident de monter leur propre marque. Leur but est clair : que la mode devienne un moteur de changement éthique et social. «Bien trop souvent en Afrique, comme dans beaucoup de pays en voie de développement, les matières sont extraites sur place, mais leur valeur ajoutée se fait ailleurs. Ce que nous testons, expose l’actrice et activiste Rosario Dawson, c’est d’établir les bases pour que ces productions soient valorisées sur place et qu’elles profitent aux artisans locaux. Imaginez que le coton bio soit filé comme nous le faisons au Burkina Faso par exemple, puis envoyé à Accra au Ghana où il serait coupé et transformé en un magnifique vêtement ! Avec un tel dispositif, non seulement nous soutenons les artisans tout au long de la chaîne de production à travers la formation et la création d’emplois, mais en plus nous pouvons bâtir les infrastructures qui permettront l’émancipation et l’indépendance vis-à-vis des acteurs extérieurs.» Et les deux amies sont motivées. «Il y a cinq ans, j’ai quitté mon travail et je suis venue m’installer au Ghana», explique Abrima.
Derrière Studio 189 se cache une véritable volonté d’émancipation sociale. Pour ces créatrices, la mode est un outil très puissant permettant de toucher le plus grand nombre et créer du changement. Abrima complète : «Les gens accordent beaucoup d’importance à leur façon de s’habiller, peu importe d’où ils viennent, leur milieu social, l’éducation qu’ils ont reçue, s’ils sont riches ou pauvres, tout cela importe peu. Ce que l’on porte est une manière de s’exprimer, un moyen magnifique de dire qui l’on est, comme une peinture de soi que l’on présente au monde.»
De plus, ce désir de suivre toute la chaîne de fabrication permet également de garantir au final un produit éthique, en accord avec les convictions de la marque. «Combien de fois a-t-on vu un tee-shirt fait avec du coton bio, mais qui utilise des teintures ou des imprimés toxiques ?, s’emporte Abrima. Il ne faut pas oublier que l’industrie de la mode est le deuxième pollueur au monde, devant le transport aérien.» Et Rosario de rebondir : «Imaginez un peu que l’on produise nos vêtements en omettant l’impact sur l’environnement ! C’est pourquoi nous essayons de limiter la production de Co2, en réduisant le transport par exemple ou en utilisant des teintures naturelles.» Studio 189 évolue en partenariat avec l’Ethical fashion initiative, un projet qui bénéficie du soutien des Nations unies et qui cherche à mettre en relation des fabricants des pays en voie de développement avec des grands noms de l’industrie de la mode. Pour cette raison, Abrima et Rosario ont décidé d’établir leur marque au Ghana, afin de pouvoir être proches des artisans, des matières premières et de nouer des liens avec les personnes qui collaborent avec la marque. «Si Studio 189 se développe, c’est surtout grâce à ces communautés et à leurs talents», estime Abrima.
Les différentes communautés qui travaillent étroitement avec la marque ont chacune sa spécialité. Qu’il s’agisse de techniques de teinture, comme le batik ou l’indigo, ou de tissage, chacun détient un savoir traditionnel qui est valorisé à travers le vêtement. Cette dynamique permet de créer du travail, de faire vivre ces savoir-faire et de créer un cercle vertueux. Ainsi le travail permet une meilleure éducation et une indépendance économique. «Idéalement, on ne devrait pas avoir besoin de parler d’éthique ou de développement durable, ça devrait être la norme. Cependant, c’est la base de notre communication, car nous voulons que nos clients sachent que c’est bien plus qu’un vêtement qu’ils portent. Et que, à travers lui, il y ait le respect des artisans et de leur métier», conclut Abrima.
Parismatch