Suspension des extraditions avec la France : «UN CHANTAGE DIPLOMATIQUE»

Du Premier ministre à la ministre de la Justice, les positions ont été clairement affichées : le Sénégal a décidé de suspendre les extraditions avec la France pour protester contre un supposé refus de cette dernière de satisfaire sa requête à propos de Doro Guèye et, surtout, Madiambal Diagne. Alors que leurs dossiers sont toujours pendants après que la Justice française a demandé à Dakar des éléments complémentaires. Pour les avocats de M. Diagne, il s’agit surtout d’un «chantage diplomatique».
Par Bocar SAKHO – Après le flou, le temps de l’éclaircissement. Après les allusions du Premier ministre, la ministre de la Justice a mis les pieds dans le plat à l’Assemblée nationale, lors du vote du budget de son ministère adopté ce jeudi : le Sénégal suspend sa convention d’extradition avec la France. Une mesure extrême pour contester le refus de la Justice française de «renvoyer» deux cas sans les citer. Mais, tout le monde a su que la Garde des sceaux parlait évidemment de Doro Guèye et, surtout, Madiambal Diagne dont les avocats ont publié un communiqué pour «dénoncer un chantage diplomatique». Le Collectif des conseils du fondateur du Groupe Avenir Communication rappelle avant tout «que leur client, Madiambal Diagne, fait l’objet d’une demande d’extradition actuellement examinée par les juridictions françaises et dont ils demandent le rejet». Ils refont la genèse de la procédure devant la Cour d’appel de Versailles qui a demandé des éléments complémentaires à Dakar avant de donner son verdict le 3 février prochain : «Par arrêt du 25 novembre 2025, la Chambre de l’instruction de Versailles a fait une juste application des dispositions de la convention de coopération en matière judiciaire entre le gouvernement de la République française et celui de la République du Sénégal en date du 29 mars 1974. La juridiction a considéré qu’elle ne disposait, en l’état, pas d’éléments nécessaires pour se prononcer sur la demande d’extradition dont elle est saisie.» Parmi «les informations manquantes», la cour a relevé que «n’étaient pas indiqués dans le mandat d’arrêt, la période de temps ni le lieu dans lesquels aurait été commise chacune des infractions reprochées à Madiambal Diagne».
Selon les avocats de M. Diagne, «la présentation faite ne permet pas plus de comprendre précisément les faits. Il s’agit pourtant d’informations élémentaires. D’autres points précis ont été relevés». Par conséquent, rappellent-ils, «il appartient à l’Etat sénégalais d’apporter un certain nombre d’éléments parfaitement listés dans l’arrêt de la Chambre de l’instruction au plus tard le 23 janvier 2026. Il n’y a donc aucune confusion sur les attentes de la Justice pour permettre un examen de la demande qui lui est soumise». Pour eux, «la Chambre de l’instruction aurait également pu parfaitement décider d’émettre, dès à présent, un avis défavorable à l’extradition au vu de l’extraordinaire légèreté de la demande d’extradition et son caractère infondé». D’après les avocats de Madiambal Diagne, «la pression exercée sur les autorités françaises, au mépris de l’indépendance de la Chambre de l’instruction, trahit en réalité l’impossibilité, pour l’Etat sénégalais, de réunir ces éléments, compte tenu du caractère politique des poursuites exercées contre leur client». Ils ajoutent : «Cette volonté d’établir un bras de fer diplomatique n’est que le reflet de l’artificialité des accusations portées à l’encontre de leur client et de la parfaite conscience, de la part des autorités sénégalaises, du risque de rejet de leur demande d’extradition.»
Il faut rappeler que le collectif des avocats de Madiamabal Diane est composé de Mes El Hadj Amadou Sall, Baboucar Cissé, William Bourdon, Dior Diagne, Antoine Mbengue, Papa Sène, Ousmane Thiam, Ramatoulaye Ba, Arona Basse et Vincent Brengarth.
bsakho@lequotdien.sn

