Le jeudi 6 juin 2024, après le match contre la Rdc, comptant pour la 3e journée des éliminatoires de la Coupe du monde 2026, le Sénégal et le monde du football assistent, médusés, à la déclaration de Sadio Mané (cadre et leader technique de l’Equipe nationale, forfait pour blessure en club aux 2 matchs de la fenêtre de qualification), qui met le résultat nul du match sur le compte du mauvais système mis en place (par son coach Aliou Cissé depuis quelque temps) qui ne marcherait pas et qu’il faudrait changer.
De par l’aura du joueur et le caractère presque lunaire de la scène et des propos inhabituels dans le milieu du football de haut niveau (la vie du vestiaire ne doit jamais être exposée au dehors par ses membres), cette déclaration de Sadio aura éclipsé totalement les propos des vrais protagonistes du match et a fait le tour du monde en un quart de tour !
Au-delà de la question sur l’impertinence de la démarche, il est nécessaire au préalable de vérifier la validité du postulat qui est à la base de cette conclusion qu’il faut changer de système : «Le système ne marche… !»
Je me suis donc résolu à revisiter les statistiques des matchs où le sélectionneur Aliou Cissé a appliqué ce système de défense à 3 (à variantes multiples au milieu et en attaque, selon les adversaires et l’évolution en cours de jeu).
Le résultat de mes recherches va surprendre tout le monde, Sadio Mané en premier !

8 victoires et 2 matchs nuls, 17 buts marqués et 2 encaissés
La vérité des résultats montre que le système appliqué par Aliou Cissé depuis 10 matchs (précisément depuis le match amical contre le Cameroun à Lens en novembre 2023, avec une défense à 3 Koulibaly-Kouyaté et Niakhaté) est plus que performant ! Et il est surprenant d’ailleurs qu’aucun observateur averti, journaliste sportif ou technicien de haut niveau n’ait à ce jour fait ce constat.
A l’épreuve des chiffres, la déclaration de Sadio Mané sur l’efficacité du système du coach Aliou Cissé fond comme beurre au soleil, car relevant d’une mauvaise perception de la réalité, voire une mauvaise influence (car s’il est avéré que Sadio est incontestablement le meilleur footballeur sénégalais de tous les temps, on ne peut, sans lui manquer de respect, être convaincu de ses connaissances technico-tactiques).
Sa sortie est d’autant plus surprenante que ce système semble avoir été conçu par le sélectionneur pour mieux le mettre en valeur en tant que leader technique reconnu et accepté, aussi bien par son encadrement que par ses coéquipiers en sélection.
A preuve, sur les 10 derniers matchs en question, Sadio Mané himself a scoré à 5 reprises (sur 17) et délivré une passe décisive.
Il devrait donc dire qu’il n’est pas «heureux» avec ce système, mais ne peut pas dire que le système ne marche pas sur le plan collectif comme pour lui-même ! Ledit système a aussi permis à l’équipe de diversifier le profil des buteurs et réduire ainsi sa dépendance offensive à la forme d’un ou de 2 éléments.
L’autre élément statistique majeur à mettre en surbrillance avec ce système Aliou Cissé, décrié par Sadio Mané : la solidité défensive exceptionnelle avec seulement 2 buts encaissés en 10 matchs contre 17 marqués !
Autrement dit, ce système a fini de donner au Sénégal tout ce dont une équipe de football a besoin pour gagner : efficacité offensive conjuguée à une solidité défensive avérée.
On peut y ajouter les avantages d’un jeu de possession et de domination incontestables. Exception faite du match contre la Côte d’Ivoire qui avait les particularités que tout le monde connaît, Sadio lui-même y ayant été un des acteurs-clés.
La vérité des chiffres montre qu’à défaut d’être la panacée (aucun système ne l’est durablement dans le football !), le nouveau système mis en place par le coach Aliou Cissé et son staff marche globalement très bien et ne méritait pas d’être voué aux gémonies par son maître à jouer.
Notre icône nationale devrait donc revoir son jugement et présenter des excuses à son coach Aliou Cissé qui l’a toujours couvé (même au moment où il était contesté en sélection) et à ses coéquipiers.
En effet, à l’exception notable du Doyen Laye Diaw dans une de ses chroniques, personne n’a osé relever le caractère inopportun de la forme, du moment, du contexte et du lieu où Sadio Mané a choisi de faire sa tonitruante déclaration, préméditée et imposée à la presse («Vous ne me l’avez pas posée, mais…» ! Du jamais vu ou du très rarement vu dans la zone mixte d’un match international, où il ne devait jamais se trouver d’ailleurs, n’étant pas sur la feuille de match).
Cette mansuétude bien sénégalaise n’étonnera personne quand on sait que dans notre pays, il y a une faiblesse sociologique vis-à-vis de celui qui est célèbre, qui est riche ou qui détient le pouvoir : ces trois-là ont toujours raison, ils n’ont jamais tort au Sénégal, et si c’était le cas, il ne faut jamais le dire !
Sadio ne pouvait pas ignorer la portée de sa déclaration sur l’avenir du coach, jeté ainsi en pâture à l’opinion, à trois jours d’un match crucial chez le voisin mauritanien. De même qu’il était conscient de l’influence négative que cela pouvait avoir sur le moral de ses coéquipiers dont il est une référence et une des boussoles en tant que leader.
Le moins que l’on puisse dire si l’on veut être honnête, c’est que quelles que soient ses motivations, Sadio ne s’est pas comporté en leader, il a failli (involontairement) faire mal à l’équipe, pas seulement à son coach.
Heureusement, il a produit l’effet contraire et l’équipe a montré, au-delà de son talent collectif, plus d’envie, d’engagement, de solidarité et de motivation… avec le même système «qui ne marche pas» pour ramener 3 points précieux qui compteront pour la suite.
Finalement, un mal qui a fait du bien par rapport à cette déclaration malheureuse.
Le coach Aliou Cissé a fait preuve de maturité et de sagesse en relativisant la sortie médiatique de son joueur et il est à parier qu’il ne lui tiendra pas rigueur de cette «passe dans le dos».
Ce qui reste à suivre, c’est comment Sadio se présentera au prochain rassemblement devant son coach et ses coéquipiers.
Quel discours convaincant pourra-t-il leur tenir ? A lui de voir…
A méditer : quelle que soit sa force, le loup solitaire finit par mourir seul, éloigné des siens ! En restant dans la meute, celle-ci lui transmettra sa force collective quand il en aura le plus besoin.
Lamine DIOP
Fervent supporter des Lions
Médina Dakar