TAPISSERIE – «Expressions plurielles et identité» : Pap Badiane transforme l’usage du pagne tissé

L’artiste Pap Badiane a osé. Il a sorti le pagne tissé, appelé communément «seurou rabal» au Sénégal, de l’habillement pour en faire une œuvre d’exposition. Cela pour, dit-il, contribuer au développement de l’art contemporain africain. Il tient une expo au musée Théodore Monod depuis jeudi.
Les «toubabs-là» font les tableaux de peinture, tapisserie, céramique, mosaïque, gravure, il faut leur dire que le «rabal» aussi en fait partie. En une phrase, l’artiste Pap Badiane parvient à résumer son exposition, «Expressions plurielles et identité». Il a en effet fait de la teinture du pagne tissé ; d’où son concept «rabal design». Il a fait sortir le tissu du monde de l’habillement pour le transférer à celui d’exposition d’une œuvre d’art sur le mur à côté de la tapisserie et du tableau de peinture classique. «Je me suis exprimé à travers plusieurs techniques, tant les plus académiques que les plus inventives. Il faut croire en nous et utiliser ce qu’on a. Il ne faut pas se limiter seulement à créer un tableau. J’ai essayé d’enrichir notre héritage culturel négro pharaonique pour une contribution forte au développement de l’art contemporain africain», martèle celui qui a été baptisé Alioune Badiane à l’état civil.
Il explique : «Cheikh Anta Diop nous a démontré que les Egyptiens étaient des Noirs. Et quand ils préparaient les cadavres, ils le faisaient avec le pagne tissé. L’Afrique et le pagne, c’est une longue histoire. A la naissance d’un bébé, on l’utilise, de même que pour un enterrement, etc.»
Son séjour en France a aussi joué un grand rôle sur son travail, car à l’Ecole des beaux-arts de Paris où il a fait des études, M. Badiane, par ailleurs critique d’art, a tiré des leçons. «En général, quand on quitte notre pays pour aller en Europe, on cherche à ressembler aux Blancs, mais eux, c’est leur civilisation qu’ils enseignent là-bas. Et pour faire comme eux, l’un de mes professeurs m’a conseillé d’avoir ma propre démarche et de traduire ce que je suis à travers mes œuvres. C’est là que l’idée de travailler sur le ‘’rabal’’ m’est venue», assure-t-il.
Sa femme, Ténéba Mara Badiane, la commissaire de l’expo, appuie les propos de son époux. «Ce qu’il a choisi, c’est de travailler avec ses valeurs identitaires en s’appuyant sur un élément fondamental de notre héritage negro pharaonique, le pagne tissé», a-t-elle dit. Etant collectionneuse de pagnes tissés depuis des décennies, renchérit la dame, «je l’ai encouragé. Aujourd’hui, il nous montre la technique aussi bien occidentale que l’exploitation de matériaux très poussés dans la recherche africaine».
L’exposition, «Expressions plurielles et identité», s’est ouverte avant-hier et se tient jusqu’au 15 avril.
mfkebe@lequotidien.sn