En période de Ramadan, chaque chaîne propose une belle palette de sketchs pour attirer le plus de téléspectateurs. Si certains jugent qu’ils divertissent et éduquent, d’autres déplorent que dans leur quête effrénée d’audience, les chaînes soient amenées à proposer aux téléspectateurs des sketchs non seulement «vides de sens», mais aussi «inappropriés» dans la mesure où ils ne collent pas à l’esprit du Ramadan. Pour eux, ces chaînes gagneraient certainement à revoir les périodes et les heures de diffusion.

Fatima Tall est une jeune fille élancée au teint clair. Elle fait la vingtaine et habite à Diamalaye. Emmaillotée dans son meulfeu, le cure-dent à la bouche, un soupçon de maquillage sur les yeux, la jeune dame révèle d’emblée qu’elle est férue des sketchs, surtout en période de Ramadan. «Je suis pratiquement tous les sketchs que l’on passe sur le petit écran», note-t-elle. Koorou Sanex, le Ramadan de Ass, Bidew, Palais Abou Bilal, Gan gui, Ndogoulène, Adja, aucun sketch ne lui est inconnu. Cependant, Adja et Bidew sont ses préférés.  Pourquoi ? «J’adore les plats qui sont présentés et je trouve que ces 2 sketchs sont bien faits en général», confie-t-elle. Le reste, elle trouve qu’il y a parfois «un peu d’insensé», c’est à la limite même des «sottises», à ses yeux.
Même rengaine chez Maty Ndiaye, une jeune fille habitant aux Hlm Grand Médine et qui ne rate aucun sketch : «Je suis Gan gui, Tan Bombé, Bidew, Abou Bilal et Ass… Je trouve que les sketchs pendant le Ramadan sont une bonne chose, parce que ça distrait. Et je les suis généralement après la rupture du jeûne», confie-t-elle.
Menuisier à Patte d’Oie, Seydina Alioune Niang vient en ce mois de Ramadan à la plage de Yoff pour humer l’air frais. Il ne partage pas l’avis de Maty et Fatima. Pour lui, les sketchs sont utiles, car ils font rires et aident à supporter le Ramadan.
Contrairement à ces derniers, Nogaye Diop n’a pas le temps de suivre des sketchs. Cette vendeuse, la trentaine révolue, teint noir un peu dépigmenté, soutient qu’elle ne suit pas les sketchs même après la rupture du jeûne. Nogaye trouve mieux à faire : «Je ne suis pas les sketchs parce que le temps ne me le permet pas. Je ne suis pas ces sketchs même après la rupture du jeûne. Ce sont mes jeunes sœurs qui m’expliquent, mais moi je ne suis pas.» Au-delà de ses occupations, pour Mme Diop, la qualité y est pour beaucoup. Elle se souvient de l’époque où la chaîne nationale diffusait des films sur le prophète pendant le Ramadan : «Les sketchs sénégalais ont détrôné les films qui éduquaient et renseignaient sur l’histoire du prophète ou de ses sahaabas (compagnons).»
Atoumane, un jeune laveur de voitures trouvé à l’arrêt du bus 69, trouve pourtant un certain charme dans ces sketchs qui, «s’ils éduquent, véhiculent également beaucoup des contre-valeurs», reconnaît-il.
Aliou Dieng, quant à lui, s’abstient de suivre les sketchs pendant le Ramadan. Appelé Imam par ses amis, ce jeune homme de 28 ans se désole que les sketchs soient diffusés à une heure où l’on doit normalement s’adonner à la prière. «C’est l’œuvre de Satan. A cette heure-là, on doit se consacrer à la prière. Vous voyez, c’est à cet instant même que Dieu dit priez, toutes vos prières seront exaucées que ces sketchs sont diffusés. C’est triste parce que ces sketchs ne sont d’aucune utilité», souligne-t-il. A ceux qui disent que c’est leur gagne-pain, et que c’est aussi une coutume dans les pays arabes de diffuser de petits sketchs pendant le Ramadan, Imam répond : «C’est un gagne-pain, mais il faut faire en sorte que ton gagne-pain soit en phase avec les recommandations divines. Ils doivent surtout revoir la manière et le moment auquel ils le font. Pour ceux qui disent que c’est lié aux coutumes, il faut savoir prendre le bon côté de la tradition et jeter le mauvais. Les Arabes sont comme nous et réfléchissent.»
aly@lequotidien.sn