La famille du terroriste le plus sanguinaire du XXIe siècle s’épanche longuement dans «The Guardian» sur sa jeunesse et les raisons de sa radicalisation.

«C’était un fils incroyable qui m’aimait profondément.» Depuis sa confortable maison de Djeddah (Arabie saoudite), Alia Ghanem confie sa peine profonde, celle d’une mère qui a survécu à son fils. Une détresse qui pourrait susciter l’empathie pour cette femme bien apprêtée de 84 ans, si le nom de son fils n’était pas tant associé à l’horreur et au sang. Car il y a 61 ans, Alia Ghanem donnait naissance à son premier-né : Oussama Ben Laden. Après des années d’hésitation, elle a choisi de sortir du silence pour la première fois dans les colonnes du Guardian . Une décision appuyée par l’Arabie saoudite qui voit dans cette interview l’occasion de rétablir sa vérité : l’homme du 11 septembre était un paria, et non, comme il a été régulièrement été dépeint, un agent du régime.
Alia Ghanem se souvient d’un fils timide et studieux dans sa prime jeunesse. Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans, alors qu’il étudie à l’université du Roi Abdulaziz de Djeddah, que Oussama Ben Ladden se tourne vers la religion. «Les gens à l’université l’ont changé. Il est devenu un homme différent», déplore la mère de famille. Il y rencontre un certain Abdullah Azzam. Ce Frère musulman devient son conseiller spirituel. Au Guardian, Alia Ghanem n’hésite pas à parler d’un «lavage de cerveau» commis par les membres d’une «secte» qui ne manquait pas d’argent pour servir sa cause. «Il a rencontré des gens qui lui ont fait subir un véritable lavage de cerveau au début de la vingtaine. Je ne cessais de lui répéter de rester loin d’eux. Jamais, il ne m’a dit ce qu’il faisait réellement, quelle était sa mission», s’est désolée Alia Ghanem, tout en assurant n’avoir jamais imaginé qu’il deviendrait un jour «djihadiste». «Cela ne m’a jamais traversé l’esprit», a-t-elle précisé. Inquiète pour son fils, elle lui demande de couper les ponts avec ses amis radicalisés. En vain.

«Au départ, nous étions très fiers de lui»
Le véritable point de bascule intervient en 1980, lorsque Oussama Ben Laden se rend en Afghanistan pour combattre les Russes. «Au départ, nous étions très fiers de lui. Même le gouvernement saoudien le traitait avec énormément de respect. Puis, il est devenu Oussama le Moudjahid», se rappelle son demi-frère Hassan. Il peine à expliquer aux journalistes qui l’interrogent comment Oussama le pieux s’est transformé en chantre du terrorisme global. Une chose est sûre : Hassan est «très fier» de son grand frère, mais beaucoup moins de l’homme. «Il a atteint une notoriété internationale. Tout ça pour rien», fulmine-t-il.
La famille, qui a bâti un empire dans la construction, voit pour la dernière fois Oussama Ben Laden en 1999, deux ans avant les attentats du 11 septembre à New York. Cette année-là, ils se rendent à Kandahar, en Afghanistan. «Il était très heureux de nous recevoir. Il nous a fait visiter la ville. Il a tué un animal et a invité tout le monde autour d’un véritable festin», se souvient Alia Ghanem. Les demi-frères de Oussama Ben Laden profitent d’une brève absence de leur mère pour mettre en garde les journalistes du quotidien anglais : «Même si le 11 septembre a eu lieu il y a dix-sept ans, elle reste dans le déni. Elle aime tellement son fils qu’elle refuse de le blâmer […] Elle ne connaît que la facette du gentil garçon, pas celle du djihadiste», confie l’un d’eux.

Conséquences terribles
Ahmad, demi-frère de Oussama Ben Laden, préfère regarder la réalité en face. Il se souvient de ce mardi 11 septembre 2001, lorsque deux avions s’encastrent dans les tours jumelles de Manhattan. «J’étais choqué, étourdi», confie-t-il. Et de poursuivre : «C’était un sentiment très étrange. On savait depuis le début [que Oussama Ben Laden était derrière les attentats]. Vieux et jeunes, on avait tous honte de lui. On a tous su qu’il y allait avoir des conséquences terribles pour notre famille.» Un présage qui s’est avéré. Les Ben Laden ont très vite été interrogés par les autorités et ont reçu l’interdiction de quitter l’Arabie saoudite. Aujourd’hui, les Ben Ladden peuvent se mouvoir en dehors du royaume «relativement» librement. Mais leur nom restera encore entaché des atrocités commises par Oussama, tué par les Américains le 2 mai 2011 au Pakistan, où il avait trouvé refuge.
Avec lepoint.fr