Tensions au Collège Saint Gabriel de Thiès : La polémique se dévoile

Même si une solution a été trouvée suite à une réunion de crise entre les parents d’élèves et les autorités académiques, permettant la reprise des cours, pour plusieurs filles voilées du Collège privé catholique Saint Gabriel de Thiès qui se sont vu refuser l’accès à l’établissement hier pour «non-respect du règlement intérieur», la colère gronde toujours.
Par Cheikh CAMARA – Il a fait chaud hier au Collège Saint Gabriel de Thiès. Pourquoi ? Des élèves voilées ont été bloquées à l’entrée de l’établissement. Rassemblés en masse devant le collège, sous un soleil ardent, en ce mois béni de Ramadan et de Carême, les parents de ces élèves fustigent «une décision irresponsable de la direction d’exclure toutes les filles voilées sans raison convaincante». Ils dénoncent «une atteinte grave à la liberté vestimentaire et religieuse de nos enfants». Certains évoquent «une discrimination contraire aux valeurs de tolérance et de diversité prônées par le Sénégal».
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Le directeur de l’établissement, Maurice Birame Diouf, qui parle d’une «erreur de communication», regrette l’incident. Mais, il aura finalement assoupli sa position après l’intervention de l’Inspection de l’éducation et de la formation (Ief), ainsi que des parents d’élèves voilées venus exprimer leur mécontentement. Une mobilisation qui a poussé l’école à accepter de réintégrer les jeunes filles chassées dès les premières heures de la matinée. La direction, justifiant cet acte par le fait que «le voile dissimulait le logo de l’établissement», précise : «Nous ne saurions interdire le port du voile. Cependant, nous exigeons qu’il soit porté correctement, sans masquer l’uniforme.» Les élèves concernées ont pu, le même jour, rattraper les cours manqués.
L’inspecteur d’Académie de Thiès, Gana Sène, tient à lever les équivoques : «Ce n’est pas une affaire de religion. Franchement, je voudrais être très clair là-dessus, c’est tout simplement un incident qui s’est produit suite à une situation constatée par l’administration du lycée et qui a montré effectivement que quelques élèves, notamment des filles, peut-être, portaient le voile de façon pas très adaptée, parce qu’il cachait, par moments, un peu l’insigne de l’école, alors que dans l’un des articles, il est bien précisé qu’on doit porter le voile, les perles, sans préjudice aux autres croyances, etc.» Il précise qu’alors, «sur la base de cet incident, le chef d’établissement a voulu, entre guillemets, marquer le coup en refusant l’accès non pas seulement aux filles concernées, mais à toutes les autres élèves qui portaient le voile». A ses yeux, «c’est peut-être là, ce qu’on pourrait qualifier de «maladresse»». «Et, malheureusement, on n’a pas, nous, été informés. Il a voulu corriger cette situation en leur refusant l’accès, ce qui constitue, quand même, quoi qu’on dise, une faute, parce que non seulement on a violé, un peu, les droits des enfants, mais aussi et surtout, l’administration n’a pas été saisie, même si l’intention qui était derrière tout cela était bonne.» Alors face à cette situation, «nous avons déployé les inspecteurs sur place pour un peu corriger et réintégrer les enfants, donc leur restaurer leur droit fondamental qui est celui à l’éducation».
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La leçon qu’on en tire, selon l’inspecteur Sène, «c’est qu’effectivement cette question du voile a été définitivement tranchée par les plus hautes autorités de ce pays (le Premier ministre, le ministre de l’Education nationale) et que nous, en tant que responsables de l’éducation et de la formation, c’est une question très sensible certes, mais c’est un point sur lequel on ne transige pas. Et toute structure qui ne se conforme pas aux dispositions contenues dans cet arrêté s’expose à des sanctions». Aussi de poursuivre : «Maintenant, toutes les mesures nécessaires ont été prises pour que la situation soit corrigée et que les élèves réintègrent les salles de classe. Nous avons également échangé avec l’administration du lycée et avons dit aux responsables nos quatre vérités. C’est vrai que dans la communication il y a eu des insuffisances, des failles, mais également dans la gestion de cette affaire, il y a eu des maladresses.» Il insiste : «Tout compte fait, vraiment, c’est loin d’être une affaire de religion ou autre. C’est tout simplement une situation née d’une erreur de management ou de pilotage, qui a malheureusement abouti à la situation que nous avons vécue ce début de semaine. C’est une situation qui n’était pas du tout négociable et il fallait tout de suite réintégrer les enfants. Maintenant, pour les conséquences, au plan administratif, nous allons les tirer.»
L’Ia a voulu rassurer les parents, l’opinion, en leur disant que «sur cette question du port du voile, de la croix ou des perles, nous restons intransigeants». Et de poursuivre : «Nous allons faire des recommandations et mettre en place un dispositif de suivi des recommandations et des instructions pour qu’aucun élève ne soit renvoyé pour ces motifs-là. Dans le cadre également du suivi de ces dispositions, nous restons très ouverts. Les conditions d’exclusion d’un élève sont bien encadrées par les textes.» Selon lui, «les autorités compétentes veilleront au grain afin que l’incident malheureux du Collège Saint-Gabriel ne puisse pas porter préjudice aux enfants en termes de cursus scolaire, de performances, d’évaluation, et à ce niveau, nous allons vraiment faire le suivi nécessaire pour qu’aucune conséquence négative ne puisse être constatée, surtout au niveau des enfants».
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Gana Sène, qui a vraiment regretté l’incident, a tenu à être catégorique : «Cette situation-là, elle n’est pas du tout négociable, et je tenais à être ferme par rapport à ça. On ne saurait tolérer l’interdiction d’accès aux établissements pour cause de voile, de croix ou autre, et on n’hésitera pas à prendre les sanctions les plus drastiques pour que ces textes-là, ces dispositions soient respectés.» Il insiste : «Effectivement, il faut vraiment qu’on puisse mieux communiquer en direction des élèves, parce que souvent on les oublie un peu dans nos façons de faire. On ne leur parle pas suffisamment alors qu’ils sont des maillons importants (gouvernement scolaire) dans le dispositif.»
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Par ailleurs, il est revenu sur le cadre réglementaire qui encadre le port du voile, comme l’a spécifié l’arrêté numéro 024-830 du 6 octobre 2024 relatif aux principes directeurs des règlements intérieurs des établissements publics et privés d’éducation et de formation au Sénégal. Il évoque, dans cet arrêté, l’article 4, qui s’inspire de la Constitution et qui est relatif au respect de tout ce qui est croyances religieuses (christianisme, islam et même les religions traditionnelles), également l’article 5 du même arrêté à son aliéna 4 qui précise, cette fois-ci, dans ces croyances religieuses, le port du voile, de la croix, des perles, entre autres. «C’est bien encadré et tous les règlements intérieurs doivent intégrer ces aspects», rappelle M. Sène.
cheikh.camara@lequotidien.sn