La Société civile jette un regard sur le menu du dialogue proposé par le Président Macky Sall et qui doit démarrer ce jeudi 9 mai selon un communiqué du ministère de l’Intérieur. Le Quotidien donne la parole à Ababacar Fall du Gradec et à Mondiaye Cissé de l’Ong 3D.

Ababacar Fall, Secrétaire général du Gradec
Termes de référence
Pour le moment, on ne peut pas dire que ce sont des Tdr. Il était à mon avis normal qu’il rencontre ses alliés pour discuter avec eux sur peut-être ce qu’ils souhaitent en tout cas être disons les termes de ce dialogue. Mais à mon avis, il va falloir maintenant attendre que le Président, de façon officielle, convoque des concertations nationales, qu’il fasse envoyer des invitations à l’ensemble des partis politiques pour leur exposer les termes de référence. A la suite de cela, les partis pourraient proposer d’autres points au dialogue. Même si le Président pourra faire un arbitrage à ce niveau. Au-delà des points de discussion révélés par la presse, il y a aussi les règles d’organisation des élections, le bulletin unique. Lorsque les gens sont dans l’opposition, ils disent oui il faut le bulletin unique. Il faut changer le mode de scrutin. Mais lorsqu’ils arrivent au pouvoir, ils ne veulent même plus en entendre parler.

Report des élections
En tout cas, c’est ce qui semble se dessiner malgré les discours officiels. Il y a une dizaine de jours, le ministre de l’Intérieur nous avait dit qu’il est dans une dynamique d’organiser les élections à date échue, c’est-à-dire le 1er décembre. Mais quand on entend les discours de certains responsables du pouvoir ou de leurs alliés, tout indique qu’on va vers un report. On a vu ce qui s’est passé à l’époque lorsque la Cena avait convoqué les partis politiques justement à discuter de la possibilité offerte aux électeurs de choisir 5 bulletins. Les partis les plus significatifs avaient rejeté ou n’étaient pas partis. Les autres qui étaient proches du pouvoir ont donné leur accord. Donc, ces questions sont des fois orientées dans le sens qu’on veut.
Le report dépendra du rythme que les discussions vont prendre. Si on veut vraiment respecter le calendrier républicain, c’est ici et maintenant qu’il faut engager les discussions. Pourquoi par exemple attendre le 28 mai ? Bon à l’époque, le Président avait convoqué son dialogue national le 28 mai et il avait dit que cette date maintenant chaque année aller être une Journée nationale du dialogue. Il y a aujourd’hui la question du mode de scrutin pour l’élection des maires et le parrainage qui font partie du menu du dialogue politique. Ce sont là des questions techniques sur lesquelles on n’a pas besoin d’épiloguer pendant un mois. Il suffit juste aujourd’hui de réunir l’ensemble des acteurs et de recueillir les avis des uns et des autres. Pour moi, au bout d’une semaine de discussions, certaines questions peuvent être pliées. Parce que soit les gens sont d’accord soit ils ne sont pas d’accord. Et on cherche des positions médianes qui peuvent être en tout cas un compromis. Ensuite, il y a encore la question des inscriptions sur les listes électorales parce que les citoyens qui auront 18 ans révolus à la date du 1er décembre également doivent être pris au niveau des listes, ceux qui ont changé de statut ou de circonscription électorale. Mais à mon avis, ce sont des questions très techniques et très pratiques qui peuvent être réglées si la volonté politique existe d’ici à la fin du mois de mai. Comme ça, il n’y aura pas de problème par rapport au Protocole additionnel de la Cedeao. Encore que s’il y a consensus, on peut procéder à des modifications du Code électoral. En tout cas, le temps de mettre en place un cadre de concertation, de désigner les plénipotentiaires des partis, on sera déjà au mois de juillet. Ensuite, on trouvera suffisamment de raisons pour dire que les délais nous imposent de reporter.

Mode d’élection des maires
Sur cette question, je suis tout à fait d’accord parce que ce sont des conseillers qui choisissent parmi eux un maire. Mais cela pose beaucoup de problèmes avec des risques de trafic de d’influence, d’achat de votes. Il arrive que certains, compte tenu de leur puissance financière, aillent corrompre des conseillers. Alors, il est temps que la tête de liste qui gagne soit le maire. Il n’y aura pas de trafic d’influence ni pas d’achat des consciences et les populations sauront à qui le suffrage est destiné.

Parrainage
La loi a été faite dans la précipitation et il faut la revoir. Pour les Locales, il va falloir revoir les pourcentages. Mais il y a d’autres problèmes techniques relatifs au dépôt de titre de coalition par exemple. Il y a aussi la question des doublons comme on l’a vu lors de la Présidentielle. Bref, il y a des questions techniques qui se posent et qui nécessitent que la loi soit réexaminée.

Moundiaye Cissé, président de l’Ong 3D

Termes de référence
J’ai toujours dit que jusqu’ici, tous les appels du président de la République n’ont pas été couronnés de succès parce qu’il y a peut-être un problème dans le fond et dans la forme. Je crois qu’il y a deux éléments qu’il faut mettre en avant quand il faut appeler au dialogue : ce n’est pas par des moments solennels de présentation d’un discours de fin d’année ou de fête de l’Indépendance seulement qu’il faut appeler au dialogue. Il faudrait trouver des canaux beaucoup plus efficaces en passant par les émissaires qui vont rencontrer l’opposition. Ensuite, dans le fond, si on veut que ce soit un dialogue inclusif, on doit partager les termes de référence avec l’ensemble des parties prenantes qui ne manqueraient pas l’occasion d’intégrer au besoin des points à ajouter sur les discussions et, peut-être, tenir compte de leurs amendements. J’ai toujours dit également que l’opposition ne doit pas faire la politique de la chaise vide parce que pour avoir des consensus, il faut, de part et d’autre, de la volonté de dialoguer.

Report des Locales
Si on met la date des élections au menu des discussions, cela veut dire qu’il y a une volonté de reporter les élections. Même si c’est un report de deux ou trois mois, cela doit faire l’objet d’une consultation avec les parties prenantes du processus électoral, y compris la Société civile. S’il doit y avoir report, il faudrait également discuter des difficultés des collectivités territoriales. Mais il y a aussi le mode d’élection des maires qui a toujours été contesté. Parce les suffrages des citoyens ont toujours été confisqués par des conseillers. Donc, les citoyens n’ont jamais élu directement leur maire. Alors, si on reporte pour faire mieux, dans ces conditions-là, on peut l’envisager.

Parrainage
Oui, nous avons toujours dit que le parrainage comporte énormément de faiblesses. Il y a beaucoup de choses à améliorer non seulement pour la Présidentielle, mais surtout pour les Locales qui sont plus compliquées. Mais encore une fois je dis reporter oui, mais au préalable qu’il y ait une consultation des parties prenantes pour prendre le temps de bien étudier la loi sur le parrainage et apporter les correctifs nécessaires. Mais au-delà, il faut revoir notre architecture territoriale de façon générale. Quand on a avancé la politique de l’Acte 3 de la décentralisation, l’exposé des motifs, c’était surtout la viabilité des territoires, la correction des incohérences territoriales, et la territorialisation des politiques publiques. Jusqu’ici, on est loin de tout cela. Aujourd’hui, le Président Macky Sall, qui n’est pas dans une logique de réélection, a la chance de pouvoir aller dans ce sens en mettant en place un dispositif qui permet de réfléchir très sérieusement sur ces questions.

Organisation des élections
Aujourd’hui, c’est très limite d’ailleurs pour mettre en place des dispositifs parce qu’il y a normalement la révision des listes électorales, mais aussi la revue du code qu’il faut faire 6 mois avant les élections. Donc, on peut dire qu’il y a des raisons évidentes qui pourraient justifier ce rapport. Mais, encore une fois, il faut que cela se fasse en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

Mode d’élection des maires
Il y a également le mode d’élection des maires qui doit être discuté. Il s’agit d’élire des maires qui ont suffisamment de légitimité. Les suffrages des citoyens sont confisqués par des conseillers qui décident à la place des citoyens. Donc, changer le mode des élections des maires serait une bonne chose.