Terrorisme et développement

Les six routiers sénégalais, enlevés jeudi dernier au Mali, ont finalement été relâchés sains et saufs, mais l’un d’entre eux a vu partir en fumée son investissement d’une vingtaine de millions par le fait de djihadistes qui ont brûlé son camion. Cet acte terroriste s’inscrit dans une politique d’étouffement de Bamako en coupant ses principales chaînes d’approvisionnement.
Comme l’ont déjà dit et redit les spécialistes de tous bords, aucun pays ne peut à lui seul faire face au terrorisme, mais l’approche doit être globale et engagée sans détour. En effet, le préjudice subi par un pays peut être fortement ressenti par les autres qui partagent le même espace géographique englobant des interactions qui façonnent nos économies respectives complémentaires.
Le Mali représente un partenaire économique vital et une passerelle commerciale cruciale pour le Sénégal, en particulier pour les produits pétroliers et le ciment, en raison de son accès maritime limité et de sa localisation stratégique dans le Sahel. Cela fait du Mali le plus grand partenaire commercial africain du Sénégal, influençant les opérations du Port de Dakar et créant une relation interdépendante où les crises dans l’un ou l’autre pays peuvent avoir des répercussions néfastes sur l’autre.
Avec l’exploitation prochaine du port de Ndayane, ne devrions-nous pas considérer même la réactivation de la ligne de chemin de fer Dakar-Niger mise en opération 1924 qui reliait le Port de Dakar au fleuve Niger pour faciliter l’exportation de matières premières. Cette idée doit intégrer les velléités notées çà et là visant à priver les ports sénégalais de parts de marchés dans l’environnement Cedeao.
Dans tous les cas, le terrorisme nuit considérablement au développement économique en détruisant les infrastructures, en détournant des ressources vers la sécurité, en dissuadant les investissements (étrangers et nationaux), en réduisant la productivité et en endommageant des secteurs-clés comme le tourisme et l’agriculture. Ces effets directs et indirects entraînent une perte de capital humain, des coûts accrus pour les entreprises, un taux de chômage plus élevé et une stagnation économique générale.
Le terrorisme persiste en Afrique de l’Ouest en raison de la faiblesse de la gouvernance, des difficultés économiques et du changement climatique, qui créent un terreau fertile pour des groupes extrémistes comme l’Etat islamique au Grand Sahara (Isgs) et Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimeen (Jnim) pour s’épanouir dans des zones vulnérables et transfrontalières. Ces facteurs, combinés à de vastes espaces non gouvernés, facilitent le trafic d’armes, le recrutement de jeunes marginalisés et l’expansion des opérations terroristes au-delà des frontières nationales.
Faire face à cette menace portée par des bandes organisées dont la plupart sont dirigées par des éléments qui ne sont pas tous natifs de l’espace sahélien, nécessite une approche intégrée qui allie des mesures de sécurité à un développement durable, une gouvernance améliorée et des solutions adaptées au contexte régional spécifique.
Au lieu de continuer à subir, il convient de se rapporter à l’adage qui dit que «la meilleure défense est une bonne attaque». Cet adage a été appliqué à de nombreux domaines d’activité, y compris le sport et les opérations militaires. Il est également connu sous le nom de principe offensif stratégique de la guerre. En général, l’idée est que la proactivité (une action offensive forte), au lieu d’une attitude passive, préoccupera la partie adverse et entravera finalement sa capacité à monter une contre-attaque, ce qui conduit à un avantage stratégique.
«L’attaque est la meilleure défense» suggère que prendre l’initiative est un moyen plus efficace d’obtenir un avantage stratégique que de simplement réagir aux actions d’un adversaire. En étant proactif, un attaquant peut dicter les conditions de l’engagement, obligeant la partie adverse à réagir, épuisant ainsi ses ressources et limitant sa capacité à mener une contre-attaque réussie. Cette stratégie se retrouve dans les tactiques militaires, les sports et même dans la vie quotidienne où prendre l’initiative peut mener au succès.
En pratique, il s’agira de :
• Prendre l’initiative : un attaquant choisit le moment et le lieu du conflit, concentrant sa force sur un seul point.
• Préoccuper la partie adverse : une offensive proactive maintient l’ennemi sur la défensive, l’empêchant d’organiser efficacement ses propres attaques.
• Avantage asymétrique : les attaquants n’ont souvent besoin de réussir qu’une seule fois localement, tandis que les défenseurs doivent être forts partout, ce qui crée une asymétrie inhérente qui peut favoriser l’attaquant.
• Surprise et perturbation : En attaquant de manière inattendue, une offensive peut créer des opportunités pour une victoire décisive avant que l’ennemi n’ait eu la chance de préparer complètement une défense.Au regard des conséquences que ce phénomène peut avoir dans notre environnement, nous gardons l’espoir que les «Decision-Makers» du Sahel placeront la priorité sur cette problématique qui demande d’être sérieusement prise en compte pour notre sécurité et notre survie.
Alioune FALL
108, Comico Mermoz Dakar aliounef63@gmail.com