La mort du papier n’est pas pour demain. Nul besoin de s’alerter. Le numérique apporte cependant mille et une opportunités aux médias en général, aux entreprises de presse écrite, en particulier. Pour ce, aussi, nul besoin de s’alerter. Des regards éclairés, à même de proposer des stratégies, existent. Abdou Diaw livre le sienPar Moussa Seck –

Comment les entreprises de presse sénégalaises s’adaptent-elles ? Comment s’adaptent-elles, dans un contexte où la transformation numérique bouleverse l’écosystème des «entreprises de presse», et que devient le modèle dans ce contexte ? De telles questions sont loin d’être anodines! La preuve : y répondre a nécessité 400 pages, au moins. Un document de doctorat, présenté ce 8 décembre, par M. Abdou Diaw, au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti). L’ancien étudiant de cet institut, ayant fréquenté Le Soleil en tant que journaliste économique, a fait, selon son directeur de thèse, M. Moustpaha Samb, «un travail original», dans une «discipline originale». Il dira en outre, un «tour d’horizon avec des résultats palpables».

Les résultats ? Le concerné revient sur quelques d’entre ces derniers. Un, plutôt évident, annonce que même si «depuis plusieurs années, on parlait de la mort du papier, de sa disparition», cette prophétie, qui voue aux oubliettes ce support classique, n’est pas prête de se réaliser. Ce «n’est pas pour demain, ni pour le lendemain». M. Diaw évoque en ce sens des chiffres issus de ses recherches, et qui disent que plus de 60% des lecteurs interrogés continuent de lire Le Soleil à travers la version papier. On en est à plus de 50% pour ce qui est de l’Observateur. Le Soleil et l’Observateur, puisque le travail de M. Abdou Diaw a pris pour objets ces deux titres afin d’établir une étude comparative des processus d’adaptation dans l’écosystème du numérique. Membre du jury en provenance de l’Ecole des bibliothécaires archivistes et documentalistes (Ebad), M. Bernard Dione dira, lors de son intervention, que «les nombreuses morts annoncées n’ont pas eu lieu». Le bibliothécaire parlait ainsi papier, qui demeure résilient, refusant de se noyer dans les vagues numériques qui prennent de plus en plus place.

Comme intitulé dans le travail de celui qui présentait ses résultats de recherche devant jury, collègues, camarades et vérifié par les résultats, le papier ne fait pas que résister. Les entreprises de presse qui en usent, ont-elles aussi développé des stratégies pour s’adapter au numérique. Devenu, lui, incontournable au 21ème siècle. Les entreprises de presse : du moins, Le Soleil et l’Observateur. «Chacun des deux a créé son site d’information, et ils ont réussi à pénétrer les réseaux sociaux» tels que Facebook et Twitter… Ce constat pourrait d’ailleurs faire dire que ces deux entreprises de presse citées, sont plutôt hybrides, du point de vue du modèle économique. Hybrides, parce qu’il y a une résilience du modèle économique classique «qui repose sur la publicité, la vente et l’aide à la presse». Aujourd’hui, rappelle le désormais docteur, «ce sont ces trois éléments leviers qui sous-tendent le modèle économique au Sénégal».

Les entreprises de presse ne sont pas des philanthropes»…
Seulement, par rapport au digital, «l’adaptation n’a pas été totale», et, au risque de déplaire à ceux et celles qui rêvent d’un tout numérique, force est de reconnaître qu’«il n’y a pas eu de Révolution». C’est le directeur de thèse de M. Diaw, M. Moustapha Samb, qui s’est ainsi prononcé. Le premier cité ne manquera pas d’indiquer des perspectives. Pour lui, «les médias, pour le moment au Sénégal, n’ont pas encore pleinement exploité les opportunités offertes par le numérique, en termes de publicité, de diversification des supports». Car, «la plupart des journaux restent sur leur champ favori, le papier, alors qu’il y a énormément de possibilités à investir dans le digital». Et, comment envisage-t-il cette pleine exploitation du numérique ? «En créant des sites d’information, en vendant des Pdf, en créant des kiosques numériques, en vendant des espaces digitaux.» Cela aura pour vertu de leur permettre d’«élargir le lectorat tout en captant d’autres marchés, mais aussi, de diversifier les sources de financement et de s’affranchir effectivement des limites qui sont souvent notées en matière de financement». Vente d’espaces publicitaires numériques, mise en place de kiosques numériques : encore des pistes à explorer, à en croire Abdou Diaw. Mais, encore faudra-t-il commencer par intéresser le public. Intéresser les lecteurs aux nouveautés ainsi envisagées, via «une offre informationnelle qui sort de l’ordinaire».

Outre cela, faudra-t-il que ce public sache qu’à l’ère du numérique, l’information se monnaie. Sur ce point, pas trop d’inquiétude à se faire, les résultats de M. Diaw confirmant (sur son échantillon, disons) que le public est prêt à payer pour. Ce qui vient se greffer à cette déclaration de l’ancien journaliste du Soleil : «Les entreprises de presse ne sont pas des philanthropes.» Ainsi, tirer profit des opportunités du numérique, c’est aussi et avant tout, s’assurer, en amont, d’une certaine sécurité informatique. «Autrement, cela peut entraîner des manques à gagner pour l’entreprise» que, par exemple, une personne se paie le Pdf d’un journal pour le partager à mille autres…