A Thiès, la paralysie du système judiciaire embarrasse fortement les justiciables, contraints de renoncer à leurs droits à cause de la grève de l’Entente Sytjust-Untj en cours depuis plus de 20 jours. Par Cheikh CAMARA –

 A Thiès, l’intensification de la lutte déclenchée par les travailleurs de la Justice, regroupés au sein de l’Entente Sytjust-Untj (Syndicat des travailleurs de la Justice et Union nationale des travailleurs de la Justice), qui s’inscrit dans le prolongement d’une lutte «légitime» pour la satisfaction intégrale de leurs revendications, en vue d’exiger le respect de leurs droits, la reconnaissance de leur rôle fondamental dans le fonctionnement de la Justice et l’ouverture immédiate d’un dialogue sérieux avec les autorités, demeure un véritable casse-tête pour les populations.

Dans la capitale du Rail, le gens déplorent «l’impact très négatif du mouvement des greffiers des cours et tribunaux du Sénégal, qui ont déjà déroulé plusieurs plans d’actions de grève, sur la qualité des services et les populations». Ils trouvent qu’«à cause de cette grève, tous les papiers administratifs sont bloqués, au préjudice surtout du citoyen lambda, en particulier des détenus du fait de la prorogation des délibérés», que «les greffiers, qui ont pris la population en otage, veulent imposer la force, et si l’Etat fléchi, ceci va dérégler toute la Fonction publique». «Trop, c’est trop, cela impacte négativement les populations dont certaines font des kilomètres pour obtenir des papiers, mais finissent par trouver les bureaux vides», s’offusque ce père de famille croisé devant la mairie-ville. Abdou Faye déplore : «Ces travailleurs de la Justice ont certes leurs revendications que nous jugeons légitimes, mais ce que nous déplorons toujours, c’est l’impact négatif sur la qualité des services et, plus encore, sur les populations qui, quand il y a grève, sont pris en otage, sont toujours les plus grandes perdantes, parce que victimes innocentes d’une bataille qui n’est point la leur, que ce soit au niveau de la santé, de l’école, de la Justice ou dans un autre secteur.»

Le président de l’antenne régionale Sos Consommateurs de Thiès, El Hadj Ciré Balley Diallo, est embarrassé par la situation : «Les consommateurs ont besoin d’actes administratifs urgents, mais sont obligés, malgré eux, de se plier à la volonté des grévistes.» Selon lui, «ces consommateurs sont toujours lésés, ignorés aussi bien des autorités compétentes qui ne peuvent prendre des mesures adéquates et durables pour mettre un terme à ces mouvements de grève souvent irréfléchis, mais aussi de certains syndicats qui veulent tout, tout de suite». M. Diallo poursuit : «Les populations que nous représentons et dont nous sommes les porte-voix en ont vraiment assez de subir les conséquences de ces grèves.» Il s’interroge : «Quel a été l’objectif final de ce fameux Pacte social qui avait réuni les syndicats et autres acteurs.»

Aujourd’hui, Sos Consommateurs/Thiès demande à l’Etat, à travers ses ministères concernés de réunir, pour une fois, les syndicats en mouvement d’humeur, de dire de manière ferme, crédible et durable, ce qui est faisable à court, moyen et long termes, et ce qui ne l’est pas, tout en respectant ses engagements, mais également aux syndicats d’adopter d’autres stratégies de lutte plus responsables, qui prendraient en compte les intérêts des consommateurs. Aussi beaucoup de Thiessois pensent qu’«un Etat responsable doit être ferme dans ses décisions», également qu’«un syndicat responsable doit toujours prendre en compte les intérêts des populations, des consommateurs».

Pour Thié Kouyaté, responsable politique national, chargé de la vie politique du parti Unr (Union pour une nouvelle République), représentant des Sénégalais de l’extérieur, «l’Etat n’aurait jamais dû laisser cette situation perdurer, les greffiers sont des fonctionnaires, et ce bras de fer ne devrait pas se faire au détriment du Peuple». Il s’offusque du fait qu’ «aujourd’hui, c’est la population qui souffre le plus : des dossiers bloqués, des jugements reportés, des familles brisées par l’attente», que «nous sommes les grands perdants».

M. Kouyaté demande, avec fermeté, que l’Etat prenne ses responsabilités et trouve une solution juste et durable, que cette grève s’arrête, que la Justice reprenne, et que le Peuple, déjà très fatigué du fait de cette grève parce qu’étant la victime collatérale, retrouve ses droits. Pour l’acteur politique, la grève prolongée dans les tribunaux du Sénégal plonge des milliers de citoyens dans l’attente, l’injustice et la souffrance silencieuse. Des familles attendent des jugements, des enfants attendent des décisions, des détenus attendent l’examen de leur dossier.
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