Thiès – Foulkoul Maskhoul : Les poèmes ramadanesques de la Cité du Rail

En ce mois béni de Ramadan, le Foulkoul Maskhoune est intensément vécu à Thiès, ville où la philosophie mouride est fortement implantée. Tous les après-midis, les poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul rythment le décor dans les avenues de la capitale du Rail truffées de fidèles joliment accoutrés, convergeant vers la grande mosquée mouride communément appelée «Jakaay Mouride». Aussi, l’événement religieux est célébré à Tivaouane, capitale de la Tijjaniya, où les fidèles se retrouvent à «Jakaay Mouride».Par Cheikh CAMARA –
Dans la ville aux-deux-gares, dès 16 heures, les rues sont déjà bondées. De nombreux fidèles, venus des quatre coins de la cité, se dirigent pieusement vers la mosquée mouride, où toutes les instructions sont scrupuleusement respectées par le comité d’organisation, pour mettre les talibés dans d’excellentes conditions de communion. Et aussitôt après la prière de «Takussan», démarre l’évènement dans la plus grande ferveur religieuse. On se croirait au Grand Magal de Touba. Tellement les disciples, très nombreux, ne badinent pas avec le Foulkoul Maskhoune, une des plus grandes œuvres littéraires que le monde islamique ait connues, considéré comme «un recueil de poèmes d’une richesse et d’une diversité inouïes en termes de lyrisme prophétique, en plus du fait que sa force spirituelle et sa contenance en termes de bienfaits dépassent tout ce que l’humanité pourrait imaginer». Son auteur, Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, faisait de temps en temps des révélations à propos du recueil quand il en avait l’occasion. De ce fait, Serigne Touba affirmait qu’«à chaque fois que le récital du Foulkoul Maskhoune a été effectué, les portes de l’Enfer seront à jamais fermées pour ceux qui ont effectué la déclamation des vers et pour ceux qui ont écouté la lecture religieusement jusqu’à son terme. Le Paradis sera leur demeure, et il ne saurait en être autrement. En plus, ils seront élevés au rang des plus grands saints et auront la même considération que les valeureux qui ont consacré leur vie à l’adoration et au Jihad».
La miséricorde universelle contenue dans le Foulkoul Maskhoune est matérialisée notamment par son nom qui renvoie littéralement à l’Arche de Noé dont Serigne Touba certifie, selon certaines sources proches du milieu mouride, que «Dieu lui a remis l’ensemble des secrets». Qui renseignent aussi que le fondateur du Mouridisme disait également du recueil que «Dieu lui a gratifié, par la grâce du Prophète Mohamed (Psl), de communautés qui se consacreront à la lecture et à la vivification perpétuelle du Foulkoul Maskhoune. Par conséquent, que les disciples qui s’y engagent soient certains du succès de leur entreprise, car son couronnement a été scellé bien avant». Et d’ajouter : «Khadimou Rassoul dit aussi que c’est au moment où il produisait le recueil que le Prophète Mohamed (Psl) est venu pour lui remettre l’ensemble des secrets contenus dans le Saint Coran. Il ajoute que lorsque l’œuvre fut achevée, les jours et les mois sont venus lui faire allégeance, et Dieu, à cette occasion, lui a fait don de la dote de l’ensemble des «Hourou haïni». C’est également à travers le Foulkoul Maskhoune que le Tout-Puissant lui a offert la totalité des bienfaits contenus dans tous les mois de l’année sans exception, de «Zul-hijja» à «Muharram».»
La philosophie mouride fortement implantée à Thiès
Un évènement d’autant plus important à Thiès que cette ville est même en passe de devenir un bastion du Mouridisme, vu l’importance de cette communauté qui ne cesse de s’y élargir. Nombre de disciples d’évoquer d’ailleurs l’histoire du saint homme qui a révélé Serigne Touba, Mame Cheikh Ibrahima Fall, resté pendant plusieurs années à Thiès à faire des recherches. C’est ainsi qu’il a fondé le quartier Médina Fall, un bastion des Baye Fall. Au fil des ans, les fils, petits-fils et disciples du Cheikh créèrent d’autres quartiers, à l’instar de ceux de Kaosara Fall, Keur Cheikh Ibra, Médina Fall «Extension», Keuri Kao, Nasrou, une zone purement Tidiane avec la famille Ndiéguene, où Serigne Assane Kane a fortement implanté la philosophie mouride. Aussi, un peu vers Thionakh, Thiapong et Poniène, sont implantées d’importantes communautés Baye Fall. Sans compter le nouveau quartier Darou Baïré sur la Zac, où habite une importante communauté de Baye Fall.
Il faut également noter que Serigne Touba, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, lui-même, avait envoyé beaucoup de ses fils à Thiès dans le cadre de l’expansion du Mouridisme. C’est ainsi que Serigne Fallou Mbacké a vu le carrefour «Angle Serigne Fallou» baptisé à son illustre nom. Non loin, vers Tassette, a séjourné Cheikh Saliou Mbacké, précisément à Gott où il a rencontré Cheikh Béthio Thioune qui avait tout juste 8 ans. De valeureux «lieutenants» de Serigne Touba ont eu également à s’implanter à Thiès. On peut citer : Serigne Bassirou Sarr à Touba-Thiès, la maison familiale de l’ancien ministre Moustapha Sourang dont la mère est de la famille des «Mbacké- Mbacké». Il y a également Cheikh Ahmadou Bamba Seck au quartier Aiglon. Ce qui fait qu’en plus de l’idéologie Baye Fall qui y était fortement implantée avec Mame Cheikh Ibra Fall et ses fils, petits-fils et lieutenants, la ville de Thiès est devenue un bastion purement mouride. Ceci, avec l’arrivée de Serigne Fallou Mbacké et autres. On ne perd pas de vue l’œuvre de Cheikh Ablaye Yakhine Diop dont tout un quartier porte le nom. Toujours est-il que l’expansion de la philosophie de Bamba continue et les Mourides tissent leur toile avec beaucoup de nouveaux quartiers. C’est ainsi qu’à Thiès-Est, Serigne Khadim Lô Gaïdel a implanté un nouveau quartier baptisé Bagdad. De ce fait, il a offert plusieurs parcelles à ses talibés. A côté, un peu vers le quartier Hersent, se situent les quartiers mourides Darou Salam 1 et 2. Et non loin, vers Seras, dans la zone communément appelée «Santhiane», près de la mosquée Nimzatt sur la route de Khombole, sont implantés les quartiers Serigne Touba et Keur Cheikh. Un peu en profondeur, se trouve Touba Peyckouk, un fief mouride, une zone de reclassement, différent de Peyckouk Sérère. Sans compter le site de Médounatoul Salam, créé par Cheikh Béthio Thioune, un peu sur la sortie de Thiès-Ouest, vers Mbour. On peut aussi noter le choix du Général de Bamba, Cheikh Modou Kara Mbacké Noreyni, qui avait jeté son dévolu sur la Cité du Rail pour l’organisation de la première édition de son Magal décentralisé. On ne perd également pas de vue que son illustre père, Serigne Ousmane Mbacké, habitait le quartier Mouride-Gua à Thiès. D’où la forte implantation de la philosophie mouride dans le Jankeen.
Tivaouane : La 1ère édition de Foulkoul Maskhoune célébrée en 2021 à «Jakaay Mouride»
C’est en 2021 que la communauté mouride de Tivaouane, capitale de la Tijaniyya, a célébré sa première édition de Foulkoul Maskhoune. L’évènement se déroule à «Jakaay Mouride». Une célébration d’autant plus captivante, attrayante, enchanteresse, qu’entre les Mourides et Tivaouane-la-pieuse, c’est une longue histoire. C’est en 1956 que Serigne Cheikh Awa Balla Mbacké est venu s’installer dans la ville sainte de Tivaouane. Au même moment, Cheikh Bachir Mbacké Ibn Khadimoul Rassoul est venu lui rendre visite dans sa nouvelle résidence de la capitale de la Tijaniyya. Après le séjour du vénéré Cheikh, le marabout Cheikh Awa Balla, en guise de reconnaissance, lui a offert sa première maison acquise dans la cité religieuse de Maodo. Acte de bienfaisance après lequel Cheikh Awa Balla est parti fonder d’autres concessions à Tivaouane avec ses disciples. Serigne Moustapha Bachir, grand-frère de Cheikh Mountakha Mbacké, Khalife général des Mourides, est venu lui aussi chercher un grand terrain avec un titre foncier dans cette ville. Il y a vécu avec ses talibés.
Toutefois, force est de remarquer que la venue de ces notables mourides a été précédée par l’installation de certains Mourides à Tivaouane, vers 1800. Le quartier Cheikh Awa Balla est le fief des Mourides à Tivaouane. Beaucoup de grandes familles mourides y sont installées : «Cheikh Awa Balla, Serigne Bassirou Mbacké, Serigne Darou Assane Ndiaye, Cheikh Marouba Guèye, etc.» Ce dernier fut le représentant officiel de Serigne Touba à Tivaouane à l’époque. Toutes ces familles mourides vivent en parfaite communion entre elles. «Tous les Mourides de cette ville ne forment qu’un seul être. Chaque grand foyer n’hésite pas à apporter son soutien sans faille à l’autre quand il organise une activité», confie le Secrétaire général de la Confédération des dahiras mourides de Tivaouane. Mass Dieng de se réjouir du fait que «la cohabitation harmonieuse entre Mourides et Tidianes s’inscrit dans le même sillage. Il est très difficile de faire une distinction entre les Mourides et les Tidianes qui partagent une même maison». Et de renchérir : «Les relations entre Cheikhal Khalifa Ababacar Sy et Cheikh Awa Balla étaient sincères et empreintes de respect mutuel. Il en était de même entre Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh et Serigne Moustapha Bassirou. Alors, durant chaque Gamou, la communauté mouride, sous la houlette de Sokhna Fati Mbacké, épouse de Serigne Moustapha Bassirou, partait nettoyer le quartier Cheikh Ahmed Tidiane Chérif où vivait Sokhna Aïda Sy, l’alors épouse du Khalife général des Tidianes. De fait, pour chaque édition, la communauté mouride s’investit sans faille pour la réussite et le bon déroulement du Mawlid Al Naby. Elle prépare beaucoup de nourritures qu’elle sert aux autorités tidianes. Des repas aussi viennent de Touba et sont directement acheminés chez qui de droit.» Il précise que «la seule chose qui est mise en exergue par les deux communautés, c’est le respect et la bonne pratique de l’islam. Pour le projet de Keur Serigne Touba, on avait demandé la contribution de tous les habitants de la ville, sans distinction de confrérie. Lors des journées de Khassaïdes, ce sont les daaras tidianes qui viennent nous épauler dans la récitation du Saint Coran. Rien ne fait penser aux Mourides qu’ils vivent en «terre étrangère». En effet, chez les Mourides, rien ne différencie les enseignements de Maodo Malick Sy de ceux de Serigne Touba».
Correspondant