C’est un cri du cœur que les populations du village de Ngalène, commune de Tassette, ont lancé hier à l’endroit du président de la République Macky Sall. Irritées par l’octroi de la part du maire de la localité de 11 ha de leurs terres à l’entreprise minière Cogeca du Groupe Layousse, propriétaire des Ciments du Sahel, les populations demandent tout simplement «l’annulation de l’arrêté».
Un «désastre» ! C’est le mot utilisé par les populations de Ngalène qui ont désapprouvé «l’acte» posé par leur maire, par ailleurs secrétaire exécutif du Programme national de développement local (Pndl), Mamadou Thiaw, accusé d’avoir «octroyé 11 ha à l’entreprise minière Cogeca, du Groupe Layousse, propriétaire des Ciments du Sahel», pour y déposer des déblais. Les plaignants qui dénoncent «l’accaparement de nos terres cultivables» et l’impact que pourrait avoir «un tel projet sur notre vécu quotidien» indiquent qu’il «n’est que la preuve d’un début de délinquance foncière de la part du maire du Tassette». Des populations qui s’offusquent de «la tentative d’extorsion de nos terres par l’autorité locale qui, en toute complicité avec les exploitants de la carrière Cogeca, veut s’arroger le droit de s’emparer des 11 ha de terres qui restent entre le village et ladite carrière». «Une injustice», selon le porte-parole des populations, Lamine Ndiaye, qui renseigne : «Le fond du problème, c’est que l’idée d’octroyer ces 11 ha à l’entreprise minière avait été soulevée en 2011, mais la population s’était levée pour vigoureusement s’y opposer. En 2014, avec l’arrivée de l’actuel maire, l’affaire a semblé être une occasion en or pour ces gourmands d’aiguiser leur insatiable appétit pour les terres.» Et de s’étrangler devant une foule rouge de colère : «Notre maire qui est censé nous défendre ne trouve mieux que de s’appuyer sur ses suppôts du village pour les aider à assouvir leur désir. Et le destin de tout un Peuple ne peut faire l’objet de marchandage en catimini. Le maire a usé de toute une ruse pour berner ces soi-disant collaborateurs en leur faisant croire que l’entreprise minière va construire une école, un poste de santé, mais également électrifier le village. C’est du chantage», crache-t-il. Il ajoute : «En réalité, ce dernier n’est mu que par le désir de bénéficier de retombées financières qu’il espère obtenir des carrières en termes de taxes et de redevances.» Les populations se disent surtout choquées par «l’utilisation de leurs terres pour déposer du déblai». Ce qui ne manquerait pas de «rendre la vie infernale au village». Or, renseignent-elles, «selon nos informations, on a proposé à l’entreprise minière un autre site différent de celui-ci pour le même objectif». Et de se demander : «Pourquoi cet acharnement sur de pauvres paysans ?» Avant de soutenir : «En fait, leur ambition principale est de nous faire déguerpir du village. Et s’il arrive à obtenir ce qu’il veut, nous serons obligés de quitter les lieux de gré ou de force parce que la vie dans le village sera impossible. Déjà, nous sommes ébouriffés par cette poussière qui s’abat sur nos familles, nous sommes assourdis par le bruit des explosifs de jour comme de nuit.» Sans compter le nombre élevé de cas de maladies respiratoires. «Il y a un rapport qui a été fait récemment par l’Usaid, qui a révélé qu’il y a, à Ngalène, 450 cas de maladies d’infections respiratoires sur une population de 1 092 habitants, à cause de cette poussière que dégagent les machines à concasser la pierre, qui a fini de polluer notre existence», renseignent les plaignants. Même son de cloche du côté des femmes du village. «Nous nous réveillons, nous mangeons et dormons dans la poussière», crache Ndèye Guèye. Un «tableau sombre» auquel s’ajoute «la dégradation du sol cultivable». Toutes raisons qui justifient l’appel des populations à leur maire «pour qu’il se ressaisisse et sache que le village de Ngalène dit non à cette forfaiture. Il ne doit pas mettre l’intérêt d’une tierce personne au-dessus de celui général. Surtout qu’il sache que nous n’accepterons jamais de nous marcher dessus en voulant brader nos terres à vil prix. Cela ne l’honore pas de sacrifier ses populations pour de maudites redevances foncières. Il a été élu pour s’occuper des problèmes des populations et non de leur faire du chantage. Il doit servir et non se servir de nous». Et d’être catégorique : «Quel que soit ce qu’il a pu signer avec l’exploitant, cela n’engage que lui. De toute façon, nous préférons vivre dans le noir que nous voir ensevelis dans des dunes de sable. Nous préférons survivre dans nos cases avec dignité et liberté que d’être asservis.» A l’attention de l’autorité préfectorale, elles demandent «l’annulation pure et simple de cet arrêté, s’il est déjà pris». Et de l’inviter à comprendre qu’«il est là pour rendre justice au nom du Peuple et ne doit accepter en aucun cas d’être complice dans ce complot inique». Au président de la République, les populations de Ngalène demandent «d’être plus regardant sur la gestion du foncier au Sénégal, car on note que partout il y a des tensions et c’est directement où indirectement lié au foncier». Et de conclure : «Nous avons cohabité avec des carrières depuis 1908. Et avec tout le cortège de maux qu’elles nous ont infligé, nous ne nous sommes jamais soulevés. Aujourd’hui, le tort est si grand que nous ne pouvons plus le supporter.» Ainsi, sollicitent-elles, «en tant que Président de tous les Sénégalais, nous vous demandons de faire entendre raison à ceux qui veulent nous dépouiller du peu que nous avons pour davantage faire prospérer leur fortune injustement».
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