Considérée comme une région minière, Thiès connaît un nombre important de sites d’exploitation de mines et de carrières. Des industries extractives qui ne sont malheureusement pas sans effet sur l’environnement et la santé des populations. Les riverains des Ics vivent un calvaire quotidien, fait d’une dégradation de leur environnement et d‘une pollution atmosphérique qui influent négativement sur leur santé et sur celle du bétail. La fuite d’acide sulfurique survenue en octobre 2014 et qui avait impacté les populations des villages de Gad et de Ngomène en est une parfaite illustration.

Les informations contenues dans le rapport après la fuite d’acide sulfurique en octobre 2014 que Daouda Samba, infirmier-chef de poste de Taïba Ndiaye, a remis aux autorités locales à cet effet sont des plus alarmantes. «Sur les 214 personnes consultées durant les deux jours qui ont suivi l’incident, 60% souffrent de douleurs thoraciques et sont sujettes à des toux persistants. Des cas de trouble de la vision ont été décelés ainsi que des douleurs épigastriques, des céphalées, des maux de tête. Sans compter les cas de diarrhée et de vomissement chez les enfants de moins de 5 ans.» Sans oublier la récurrence des infections respiratoires aiguës et des cas d’avortement spontané et de la mortalité néonatale.
L’environnement ne se porte pas mieux. La faune et la flore subissent les effets de cette pollution. Demba Diouf Fall, point focal de la coalition Publiez ce que vous payez, se veut catégorique à ce sujet. La pollution provenant des Ics a détruit les exploitations agricoles des villages environnants. Pis, l’élevage est presque inexistant. «Nous ne pouvons plus élever. Il n’y a plus de poules encore moins de coqs qui traînent dans le village. Ces espèces meurent comme des mouches à cause de la pollution», avance-t-il.
Ce constat est largement partagé par Gorgui Kâ, chargé des relations externes de l’Association paix et solidarité Mboro-Khondio. Lequel considère simplement que son village est «transformé en enfer terrestre par les Ics». Pour lui, «malgré le déficit d’études d’impact des Ics sur l’environnement de Mboro et des villages environnants, il est évident que leur présence dans ce milieu est source de diverses nuisances. Et ce qui est évident, c’est qu’elles constituent un réel facteur de pollution atmosphérique, mais aussi marine». En effet, poursuit-il, de grandes quantités de résidus d’acide sulfuro-phosphatique, appelés «jus fluo», sont déversés à la mer et sur la plage de Khondio. Ces résidus sont visiblement un danger pour la santé humaine et animale en raison de la pollution de l’environnement et des infiltrations de la nappe phréatique. Pis, se désole-t-il, leur transport par des camions citernes de 12m3 se fait sur une piste en mauvais état. Ce qui représente un grand risque d’accident pour la population, surtout les enfants qui empruntent cette piste chaque jour pour aller à l’école. Toutes nuisances qui sont loin de connaître leur épilogue. Elles risquent même d’empirer avec la mise en service de la nouvelle centrale à charbon que ladite entreprise vient d’acquérir. Surtout quand on connaît la quantité énorme d’eau dont ces centrales ont besoin pour fonctionner. Pour dire que la nappe phréatique va être sérieusement pompée au grand dam des populations. Que dire des émissions de gaz à effet de serre qui participent au réchauffement climatique et, par voie de conséquence, à la détérioration de l’environnement ? Toutes situations qui donnent peut-être raison à Gorgui Kâ quand il dit que «les Ics sont un mal nécessaire». Mais nécessaire pour qui, serait-on tenté de se demander. A y regarder de près, «toutes les collectivités locales qui abritent des industries extractives ne vivent que des externalités négatives que sont la pollution, le sous-emploi, la dégradation de leur environnement entre autres nuisances et tant d’autres. Et en contre partie, il n’y a aucune retombée positive», dénonce Abdou Aziz Diop, coordonnateur de l’Entente régionale de la coalition Pcqvp. Le rapport 2013 de l’Itie, publié en 2015, est assez illustratif à cet effet. «La contribution globale des entreprises installées dans la région de Thiès, première région minière du Sénégal, est de 15,9 milliards de francs Cfa. Mais 97% des impôts de cette somme sont perçus par l’Etat et 3% seulement représentent les impôts locaux.»
nfniang@lequotidien.sn