Les populations de Keur Moussa, commune située dans le département de Thiès, sont sorties massivement, ce dimanche 30 juin 2024, à travers une grande marche pacifique, malgré la canicule, pour manifester leur mécontentement, leur colère face à «la volonté de spolier leurs terres». Elles se veulent catégoriques : «Nous ne comptons pas laisser faire. Et il va falloir passer sur les cadavres de plus de 20 000 âmes.»Par Cheikh CAMARA – 

C’est un vieux conflit qui ressurgit. Un différend avait opposé les habitants de Keur Moussa à la famille Filfilley à la fin des années 80 et au début des années 90. L’affaire fut portée au Tribunal de Thiès par la famille Filfilley qui a été déboutée. Les populations de Keur Moussa s’étaient levées comme un seul homme pour combattre toute forme d’occupation de leurs terres. Plus de trois décennies après, la mobilisation ne faiblit pas.
Aujourd’hui plus qu’hier, ces populations, regroupées au sein du collectif «And Défaar Keur Moussa», se disent plus que déterminées dans cette lutte car, font-elles constater, «récemment, plus précisément le mardi 25 juin 2024, des agents du Cadastre, accompagnés de la Dscos et de moines, voulaient mener des opérations de lotissement. N’eût été la vigilance des membres dudit collectif, ils allaient accomplir leur sinistre projet». Pour expliquer leur acte, remarque le collectif, «ils auraient dit que la décision venait d’en haut». Aussi de se demander : «Comment peut-on immatriculer des terres où les populations vivent depuis des siècles ?» La réponse, selon ces protestataires, «coule de source et, surtout, c’est l’illustration parfaite du «miracle» sénégalais qui ne profite qu’aux hommes et femmes aux bras longs».

Une autre version du «togg mouy dokh» (s’enrichir sans lever le petit doigt)
Pourtant, informent ces populations, «le 2 novembre 2021, le ministre de l’Intérieur d’alors, Monsieur Aly Ngouille Ndiaye, avait demandé la suspension de toutes les opérations foncières. Cette suspension est en vigueur jusqu’au moment où nous tenons ce point de presse. Avant de prendre cette décision, le ministre avait effectué un déplacement à Keur Moussa pour s’enquérir de la situation. Il s’était même rendu sur les sites qui font l’objet du litige. Après constat, Monsieur Aly Ngouille Ndiaye avait demandé aux populations de Keur Moussa de continuer à exploiter leurs terres, en donnant comme instruction à ce qu’aucune action de lotissement ne soit effectuée jusqu’à nouvel ordre». Pourquoi alors, se demandent-elles, «les moines veulent mener des opérations de lotissement en faisant fi de la décision de suspension du ministre, pour donner un caractère viager aux hectares de terres qu’ils disputent aux habitants de Keur Moussa, Mbirdiam, Ndoyène Rail, Ndayane 2, Ndoyène Dior, Soulouf et d’une partie de Sébikhotane ?».
En tout état de cause, les populations s’engagent à se «battre face aux agissements des moines, à apporter la réponse qui sied». Mais, déclarent-elles, «en tant que citoyens et républicains, nous nous tournons vers le gouvernement pour éviter le pire. Nous avons également foi au «Jub, Jubal, Jubanti» prôné par le nouveau régime». Elles remarquent que «les passe-droits ont causé d’énormes préjudices, parfois innommables, aux populations, notamment les plus vulnérables. Ces pratiques douteuses sont appelées fort justement à prendre fin sous le magistère du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye». Les populations de Keur Moussa, Mbirdiam, Ndoyène Rail, Ndoyène 2, Ndoyène Dior, Soulouf et d’une partie de Sébikhotane demandent à «être rétablies dans leurs droits». Elles pensent qu’«en le faisant, le gouvernement ne fera que renforcer notre sentiment que certaines pratiques n’auront plus cours au Sénégal et que l’Etat de Droit ne serait plus une vue de l’esprit mais une réalité».
Correspondant