Si je faisais un sondage sur le principal obstacle au développement des entreprises sénégalaises, sûrement leur difficulté à se procurer des financements bancaires se placerait en tête. J’ai lu deux interviews de directeurs de banque au Sénégal – les deux plus importantes banques du pays. Inlassablement, une question leur fut posée sur le manque de financement des banques aux entreprises [ii] – surtout aux Pme et Tpe, qui constituent l’essentiel du tissu économique du Sénégal.
Ces entreprises ont-elles pensé à s’introduire en Bourse pour résoudre leurs difficultés de financement ? Non, si j’en juge par le nombre d’entreprises sénégalaises cotées à la Brvm : trois – SonateL, Boa Sénégal et Total Sénégal – sur trente-neuf. Le nombre d’entreprises sénégalaises cotées à la Brvm est en déphasage par rapport au poids économique du Sénégal dans l’Uemoa. Le Sénégal pèse 16,91% [iii] du Pib de l’Uemoa et ne compte que 7,69% des sociétés cotées à la Brvm.
Mon mémoire portait sur les avantages d’une introduction en Bourse. J’avais pris le cas de l’introduction en Bourse de Total Sénégal pour illustrer ces avantages, laquelle introduction en Bourse remonte au 20 février 2015. Parmi mes hypothèses, j’avais avancé qu’une introduction en Bourse permet à une entreprise de financer ses investissements sans plomber son compte de résultats, à l’opposé d’autres types de financement – les obligations et emprunts bancaires notamment.
Le capital social minimum requis des banques est de 10 milliards de Francs Cfa au Sénégal, un montant dérisoire qui peut engendrer des risques aux banques. Le Nigéria l’a compris en portant à 25 milliards de nairas [iv] (environ 73 milliards de francs Cfa) le capital social minimum de ses banques. Dans une interview accordée au magazine Réussir, l’ancien Premier ministre et banquier Abdoul Mbaye appelle à son augmentation [v] pour augmenter leur capacité et réduire leur risque de défaut en cas de défaillance d’un emprunteur. Aujourd’hui, les investissements requièrent des milliards de francs Cfa, et souvent de dollars ou d’euros. Avec un capital social minimum requis de 10 milliards, il s’avère difficile pour une banque de financer les investissements d’une société si leurs montants sont élevés, tant bien même ils seraient rentables.
Une solution pour ces sociétés serait de s’introduire en Bourse pour financer leur croissance. Cette solution est peu utilisée dans les pays africains francophones en général, et le Sénégal en particulier. Mais aux Etats-Unis ou en Europe par exemple, elle est fréquente. Prenons le cas de Facebook. Son introduction à la Nasdaq remonte au 18 Mai 2012. Elle avait obtenu 16 milliards de dollars [vi], ce qui lui permit de financer sa croissance et d’acquérir d’autres startups – Whatsapp ou Instagram entre autres [vii].
Maintenant analysons les résultats de l’introduction en Bourse de Total. Total a mis en vente 290.000 de ses actions, qui avaient une valeur nominale de 1000 francs Cfa, à un prix de 12000 francs Cfa. Total a obtenu une prime d’émission unitaire – la différence entre le prix d’émission et la valeur nominale de l’action – de 11.000 francs Cfa pour une prime d’émission totale de11000*290000= 3.190.000.000 de francs Cfa. Elle se retrouve dans les capitaux propres de la société dans le compte 1051 du Syscoa – système comptable ouest-africain.
Dans son prospectus aux futurs actionnaires, Total a évalué le montant de ses investissements en 2015 à 2.457.000.000 francs Cfa. La prime d’émission obtenue couvre 1,298 fois le montant des investissements de 2015. Si Total avait émis des obligations in-fine ou emprunté cet argent à une banque pour financer ses investissements, elle se retrouverait à payer des intérêts qui plomberaient son compte des résultats. Le Sénégal a émis récemment des obligations au taux de 6,30%. Arbi­trairement, considérons que la prime de risque des obligations émises par Total est de 1% par rapport au taux des obligations du Sénégal. Total paiera annuellement, jusqu’à la maturité de l’obligation, 2.457.000.000*7,30%= 179.361.000 francs Cfa en intérêts.
En s’introduisant en Bourse, une société peut s’épargner de payer ces intérêts, évitant ainsi la diminution de son compte des résultats. Donc, s’introduire en Bourse permet à une société de financer ses investissements et sans endettement supplémentaire. Même si elle le faisait pour d’autres raisons, elle améliorerait son bilan, notamment les ratios d’endettement – comme le ratio dettes/capitaux propres – à cause de l’augmentation des capitaux propres qu’engendre la prime d’émission. Plus tard, si elle souhaite emprunter à une banque, elle pourra négocier de meilleurs taux d’intérêts.
Malgré tous ces avantages, les sociétés sénégalaises semblent frileuses à s’introduire en Bourse. Pêle-mêle, je vois certaines qui ont le potentiel pour réussir une introduction en Bourse : Poste Sénégal à l’instar d’autres sociétés postières cotées en Bourse –  Deutsche Post, Poste Italie ou Poste Japon – ou le Port de Dakar à l’image d’autres autorités portuaires cotées en Bourse – Dubai Port World ou Shanghai Port. Procéder pareil leur permettrait de lever des fonds pour financer leur croissance et devenir plus compétitif, créant un cercle vertueux. Ce cercle vertueux leur permettrait de faire face à la concurrence et à terme, soyons ambitieux, faire par exemple du Port de Dakar un grand port mondial – Singapour a une superficie de 718 km², ce qui ne l’empêche pas d’avoir le deuxième plus grand port en trafic dans le monde [viii].
Dans cet article, j’ai mis plus d’emphase sur les avantages d’une introduction en Bourse de sociétés déjà établies. Les Pme peuvent aussi en profiter, d’autant plus que la Brvm veut créer un troisième compartiment qui leur est spécialement destiné. Si les Pme sénégalaises s’y préparent dès à présent, elles peuvent trouver des solutions à leurs problèmes de financement et faire naître une culture de la startup qui s’introduit en Bourse pour financer sa croissance comme aux Etats-Unis.
L’Etat peut les accompagner en leur accordant des avantages fiscaux pour celles qui souhaitent y procéder : diminuer par exemple leur imposition pour qu’elles puissent se préparer. Il pourra atteindre deux objectifs en même temps : accroître le nombre de sociétés sénégalaises cotées à la Brvm et trouver des solutions aux difficultés de financement des sociétés sénégalaises. Et pour les Sénégalais, les possibilités d’épargne s’élargiraient : les actions de sociétés cotées, les obligations et le compte d’épargne classique.

Moussa SYLLA
moussasylla@live.fr

[i] Cet article est une adaptation de mon sujet de mémoire : Avantages d’une intro­duction en Bourse : cas de Total Sénégal S.A
[ii] Interview du directeur général de la Cbao dans l’édition du 12/mars/2015 du journal Le Quotidien : http://www.lequotidien.sn/index.php/sports/abdelkrim-raghni-dg-de-cbao-attajariwafa-bank-les-banquiers-ne-sont-pas-des-voleurs et interview du directeur général de la Sgbs au magazine Réussir Business : http://www.reus­sirbusiness.com/mme-mbacke-sgbs-la-sgbs-est-la-seule-banque-qui-dispose-de-gab-acceptant-le-plus-de-cartes-bancaires/
[iii] J’ai déterminé la part du Sénégal dans le Pib de l’Uemoa en divisant le PIB du Sénégal par le PIB de l’Uemoa, le résultat multiplié par 100. Je me suis basé sur les statistiques de la Banque de France disponibles sur https://www.banque-france.fr/accueil.html
[iv] Article de l’Ocde sur les réformes économiques au Nigéria disponible sur http://www.oecdobserver.org/news/fullstory.php/aid/4202/Central_Bank_of_Nigeria:_Reforms_drive_robust_macroeconomic_environment_and_engender_financial_stability.html
[v] Voir l’interview de M. Abdoul Mbaye avec le magazine Réussir (http://www.rewmi.com/entretien-avec-abdoul-mbaye-ancien-banquier-il-faut-relever-le-capital-minimum-pour-ameliorer-le-systeme-bancaire_a59715.html)
[vi] http://dealbook.nytimes.com/2012/05/17/facebook-raises-16-billion-in-i-p-o/?_r=0
[viii] Voir la liste des plus importants ports au monde établie par le magazine Forbes (http://www.forbes.com/pictures/eglg45hdkjd/no-2-singapore/)

Transair et ses tarifs prohibitifs

Depuis la cessation des activités de Sénégal Airlines, Transair est la seule compagnie qui assure la liaison Dakar-Ziguinchor aller et retour.
Elle dispose donc d’un monopole de fait sur cette ligne.
Avec regret, les usagers de cette compagnie ont constaté une augmentation des tarifs appliqués qui sont passés de 115 000 à 125 000 FCfa et ce, sans aucune explication ni préavis.
Cette situation est d’autant plus surprenante et injustifiée que le tarif précédent était déjà très élevé.
Au moment où le désenclavement de la région sud et le démarrage des activités touristiques constituent les préoccupations des autorités de ce pays, il est incompréhensible que des tarifs aussi prohibitifs soient imposés à une clientèle qui n’a d’autre choix que d’accepter ou de renoncer au voyage pour cause de monopole indiqué plus haut.
Cette pratique de Transair, inacceptable à mon humble avis, est à déplorer et à dénoncer.
En attendant l’avènement de Air Sénégal S.A que Monsieur le président de la République vient de relancer, il est souhaitable que Transair revoie sa tarification à la baisse pour accompagner les actions de désenclavement déjà entreprises à l’image de ce qui a été fait sur la liaison maritime.
Mon souhait est que ce cri de cœur soit entendu par la compagnie.
Bassirou FATY
Niéfoulène Ziguinchor
Sacré-Cœur-Dakar