Ce jeudi 14 septembre 2023, à Tivaouane, un hommage digne de son rang a été rendu à l’homme de Dieu d’une dimension exceptionnelle, El Hadji Abdoul Aziz Sy Dabakh, 3ème Khalife général des Tidianes, qui a consacré toute sa vie durant au service exclusif d’Allah et de son Prophète Seydina Mouhamed (Psl). Plusieurs milliers de fidèles, venus des quatre coins du monde, se sont recueillis au mausolée du saint homme qui accéda au titre de khalife de la Tidjaniya le 13 mai 1957. Un anniversaire marqué, entre autres, par des récitals du Saint Coran.Par Cheikh CAMARA
– Il y a 26 ans, mais c’est comme si c’était hier. On se rappelle qu’à la disparition de Dabakh, apôtre de la paix, la famille chérifienne du Maroc avait à ce que demandé que sa dépouille soit à côté de celui de Cheikhna Cheikh Ahmed Tidiane Cherif (Rta), du fait que Mame Abdou «est un exemple à laisser à la postérité et un héritage inépuisable et intarissable à sauvegarder». L’histoire nous enseigne qu’en quatre jours d’intervalle, le 25 et le 29 mars 1957, Tivaouane a perdu Seydi Aboubacar Sy, premier khalife de Seydi El Hadji Malick Sy, qui avait succédé à son père en 1922, ainsi que son jeune frère El Hadji Mansour Sy alors âgé de 57 ans. D’aucuns crurent alors que la Tarikha tidiane allait connaître une longue période de léthargie. Mais le Créateur, dans son infinie Grandeur, gratifia la «Khadara» (Communauté des Tidjanes) d’un soufi imbu de paix, social, discret, courtois et doté d’une culture encyclopédique, pour mener à bon port la Tarikha de Cheikh Ahmed Tidiane et propager la Sunna (tradition) du Prophète Mouhamed (Psl). Par sa présence rassurante et son attachement à la lettre et à l’esprit du Coran et de la Sunna, El Hadji Abdoul Aziz Sy a su être à la hauteur des nombreux espoirs en lui placés lorsqu’il accéda au Khalifat. Fils du pionnier du Tidianisme au Sénégal, El Hadj Maodo Malick Sy, et de Sokhna Safiétou Niang, Mame Abdou Aziz Sy «Dabakh» (le généreux en wolof), l’inoubliable né à Tivaouane en 1904, année de l’inauguration de la Grande Mosquée de Tivaouane (signe prémonitoire ou heureux hasard du calendrier, et arraché à l’affection du monde entier ce 14 septembre 1997, troisième Khalife général des Tidianes (1957-1997), sans doute le plus connu de sa lignée, tient sa réputation de sa générosité et sa mission de contribuer à l’unité entre confréries et au dialogue islamo-chrétien. Incontestablement dans tous les cœurs, la particularité du saint homme, c’est qu’en plus d’avoir eu la chance d’être éduqué par son père, ses grands frères, de faire ses humanités auprès de Moukhadams et compagnons de son père de la trempe de Serigne Mouhamadoul Haddy Touré de Fass, devait, plus tard, en bon «Doomu-Sokhna» (fils de famille maraboutique), parcourir les centres d’excellence du pays pour parfaire sa culture, notamment l’université de Tivaouane et le Daara de Mbacoumé, en plein cœur du Cayor. A 26 ans, armé d’une solide formation, il partit pour Saint-Louis, naguère haut lieu du savoir et passage obligé pour les férus de «Risâla» et de «Bayân», où il eut comme tuteur Serigne Birahim Diop, auprès de qui il resta pendant sept ans. Effacé et discret jusqu’à son dernier souffle, preuve s’il en est d’une modestie sans égale et d’un recul pour les choses d’ici-bas, Serigne Abdou s’est toujours considéré comme un simple disciple parmi ceux de son vénéré père et guide. Grand parmi les grands de la Ummah et de la Tarikha tidiane, digne continuateur de l’œuvre de Aboul Abass Ahmad Tidiane et de ses «fils spirituels» Cheikh Mouhamadoul Khaly, Cheikh Oumar Foutiyou, Alpha Mayoro Wélé et El Hadji Hadji Malick Sy, Moulaye Dabakh avait toute sa vie durant une seule et unique préoccupation : inculquer aux croyants le respect des dogmes inaliénables de l’enseignement du Prophète Mouhamed (Psl). C’est ainsi qu’il s’est investi de toutes ses forces, malgré le poids de l’âge et une santé fragile, dans la construction de la Grande Mosquée de Tivaouane, qui a été l’œuvre majeure de son Khalifat. L’humilité, n’est-ce-pas le fort des grands hommes ? Serigne Abdou a su mettre en place un réseau relationnel dont la densité ne lui servit qu’à baliser le chemin en vue d’atteindre le seul objectif qui trouvait grâce à ses yeux : cimenter la Ummah islamique pour la rendre moins vulnérable et contribuer au respect mutuel entre confréries. Dabakh possédait aussi plusieurs concessions agricoles, en particulier dans la région de Saint-Louis, dont l’exploitation était assurée par ses talibés. Il s’illustra non seulement par son érudition, mais aussi par ses prêches, son engagement pour la cause islamique, ses nombreux écrits en arabe et une importante biographie de son père, El Hadj Malick Sy. En dirigeant les Chœurs des talibés de son père, il s’est fait une popularité sans faille. Ainsi, «Moulaye Dabakh», comme l’appelaient affectueusement les disciples, faisait autorité de par sa sagesse et sa culture. Républicain jusqu’au bout des ongles, l’homme de Dieu ne se taisait quand sa société était en danger. Toujours demandant aux chefs religieux de tenir un langage de vérité à leurs disciples. Au pouvoir temporel, il a toujours rappelé que rien n’allait plus dans ce pays en raison des hommes faux, corrompus et malhonnêtes exploitant honteusement les populations. Pacifique dans l’âme, le patriarche de Tivaouane-la-pieuse était un véritable régulateur social qui a su, tout au long de son Khalifat, s’impliquer pour éviter que le Sénégal bascule dans le chaos.
Correspondant