Mamadou Diouf, ingénieur en système de formation, par ailleurs enseignant-chercheur, soutient dans cet entretien réalisé en marge de la dernière édition des «Mardis du numérique» que «500 mille emplois créés ne signifient pas un chômeur en moins parce que les orientations nouvelles en matière de création d’emplois tournent le dos aux nouvelles exigences dans ce monde numérique».

N’êtes-vous pas d’accord avec ceux qui parlent du numérique sénégalais ?
Le numérique est la chose la mieux partagée. Je préfère plutôt qu’on parle d’espace numérique sénégalais pour y loger tous les besoins du pays en transformation digitale. Le pays a des besoins précis et aucun métier n’échappe à la transformation digitale. Il ne s’agira pas de revendiquer un numérique sénégalais alors que tout le monde sait que ce qui se passe aujourd’hui avec le numérique ne correspond même pas aux choses touchant au développement. On l’utilise pour s’amuser, pour détruire la vie privée des gens. Le numérique aujourd’hui, à la limite je m’excuse, il y a une bonne dose de sauvagerie là-dedans. C’est un numérique inutile. Investissons le numérique dans la transformation de nos métiers et dans le reprofilage des compétences et des carrières ! Parce qu’aujourd’hui, un étudiant que vous formez en banque, si vous ne le transformez pas en e-banking, en e-marchandising, en e-logistic, en dématérialisation des opérations de douane, en acteur du numérique dans le développement, on aura des ressources humaines qui ne seront plus capables de travailler dans le monde moderne.
Le formateur que vous êtes pense que l’offre de formation n’est plus adéquate avec ce monde du tout numérique…
Le profil des diplômés ne correspond pas à celui des compétences. Dans ce monde numérique, 500 mille emplois créés ne signifient pas un chômeur en moins. On peut parfaitement créer des millions d’emplois, le nombre de chômeurs ne diminuera pas parce que les nouvelles perspectives, les orientations nouvelles en matière de création d’emplois tournent le dos à ce qui se fait actuellement.
Que faut-il faire alors, que proposez-vous ?
Allons à la base, transformons dans les maternelles, mettons l’apprentissage et l’initiation au numérique dans nos lycées ! Créons des lycées de maintenance, des lycées pro… avec des étudiants capables d’avoir des profils professionnels pointus pour s’adapter au monde moderne. Finalement, le défi c’est l’adaptation au monde moderne par l’endossement des exigences et des paradigmes. Je le crois très sincèrement. Je suis enseignant, ingénieur en système de formation, mais aujourd’hui j’ai pratiquement le cœur gros quand je vois que tout se fait avec pratiquement zéro papier. Le digital accélère les performances. Toute la procédure de déchargement d’un navire, depuis la déclaration jusqu’à l’acquittement des droits et l’enlèvement de la marchandise, c’est zéro papier et cela va à la vitesse du vent. Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables de comprendre cela. Changeons nos programmes de formation, développons l’entreprenariat numérique ! Aujourd’hui, ce numérique est efficace, utile, efficient et il va vite. Nous y avons à la fois la rentabilité, l’efficacité, l’efficience… Nos écoles, nos programmes d’enseignement sont interpellés. Finalement, c’est tout un système éducatif fondé depuis très longtemps qui est interpellé. Il doit s’ajuster et se réadapter. Sinon, nous allons former des ressources humaines qui ne seront pas utiles à l’économie et au progrès.