Depuis 1972, la production de sucre au Sénégal est contrôlée par la Compagnie sucrière sénégalaise (Css). Une chasse gardée confortée par le rôle de l’Etat qui n’est pas neutre, selon le Pr Ahmadou Aly Mbaye. En marge de la présentation de la revue économique de l’Unacois/Jappo lundi, l’économiste a expliqué la cherté du prix du sucre au Sénégal.

Le président de la Répu­blique a appelé la semaine dernière, à Paris, le secteur privé à contribuer à la réalisation des objectifs du Pse. Qu’en pensez-vous ?
Dans le contexte des pays en développement comme les nôtres, le développement du secteur privé est une activité qui se fait en synergie entre l’Etat et les acteurs du privé. C’est une activité à plusieurs niveaux. Appeler le secteur privé, c’est une chose. Mettre en place les conditions de son développement, c’est une autre chose. Cela implique à ramener le coût des facteurs à un niveau faible, faire en sorte que l’Etat et le secteur privé soient plus transparents. Dans ce pays, c’est un gros souci.
Faire des affaires avec des coûts de production raisonnables, c’est très compliqué. Ce qui fait que les entreprises soit se cachent, soit trouvent des arrangements avec l’Etat. Avant, on parlait de convention spéciale et maintenant cette expression n’existe plus. Mais tout le monde sait que les entreprises font des arrangements. A Paris, le Président a évoqué le cas des cimentiers. Cela prouve qu’il y a des arrangements qui se font entre les privés et l’Etat. Il faut créer les conditions de transparence et que les gens fassent des affaires sans avoir besoin ni de se cacher dans l’informel ni d’avoir des arrangements avec l’Etat.

Cette situation fait-il que le prix du sucre soit cher ?
Absolument ! C’est le résultat de ces arrangements. Le même procédé est utilisé pour les cimentiers, les sucriers et d’autres secteurs. C’est extrêmement pénible de créer une entreprise dans ce pays sans soit se cacher, soit avoir des arrangements avec l’Etat. C’est l’environnement qui pose problème avec le coût des facteurs, les procédures et l’implication de l’Etat dans le jeu de la concurrence.
En s’engageant dans ce type d’arrangement, de facto on s’implique. La compétition en économie, c’est très complexe. Quand vous intervenez pour appuyer un acteur, vous le faites forcément au détriment d’un autre. Lorsque vous appuyez un secteur, c’est un autre qui se retrouve lésé. Le manque de transparence est le problème fondamental dans le jeu de la concurrence au Sénégal.

Le prix du sucre vous paraît-il exagéré ?
Le prix du sucre au Sénégal est cinq fois supérieur par rapport au prix mondial, selon les années. C’est un gros souci, parce que l’Etat vient prendre part au profit d’un opérateur manufacturier (la Css). Mais dans d’autres secteurs aussi, c’est la même chose. L’Etat intervient presque partout. Ce n’est pas forcément mauvais, mais les modalités posent problème. L’Etat peut décider d’appuyer un secteur de façon ponctuelle pour le redresser, mais on ne doit pas le faire de façon permanente.