De la gratitude, c’est le sentiment qui m’anime après la nouvelle de la réception du Prix Norbert Zongo pour la liberté de presse et d’expression. La 7ème édition du Festival biannuel de la liberté d’expression et de la presse de Ouagadougou (Filep) a tenu à me distinguer.
Je n’ai qu’un mot de gratitude envers les confrères et organisateurs du Festival, un rendez-vous conscient et engagé, qui a fait de la promotion des droits et libertés des journalistes ainsi que l’information du public des credo infaillibles. Ce combat essentiel en démocratie est mené depuis des années par des confrères et consœurs un peu partout dans le monde. Dans des terrains hostiles, face à des régimes autocratiques, avec les rudes conditions économiques des médias dans un monde où le spontané et le viral deviennent rois. La presse, vitale dans l’équilibre et la marche de toute démocratie, fait face à bien des forces adverses. Entre gouvernants cherchant à tailler de l’information sur mesure au moyen des ciseaux de la censure, entre pressions et menaces de groupes extrémistes, entre représailles corporatistes, la liberté de presse et d’expression a tout un chemin à faire. Beaucoup d’acteurs sont conscients des périls qui guettent la presse dans bien des régions du monde. Taxer de «fake news» toute information à contre-courant ou discréditer tout travail de médias hors du penser de rigueur est mode commune. Pour toutes ces réalités de la presse et du long labeur pour la liberté d’expression, gratitude et reconnaissance sont de mise. Merci aussi aux lecteurs de journaux et auditeurs de radios et téléspectateurs. Gratitude au Sénégal qui, malgré le lot de peines qu’on pourrait y énumérer, reste un pays des possibles. Les libertés de créer des organes de presse, de s’exprimer librement sur tout, de débattre, sont bien sauves. Le débat contradictoire est effectif, l’opinion publique est pleinement impliquée sur toutes les questions, porte les plaidoyers et est vigie constante. Les acquis en termes de liberté sont à saluer et à renforcer.
Les acteurs de la presse sénégalaise sont à remercier. Allant de collègues côtoyés dans les rédactions du pays, où des liens d’amitié et de fraternité ont pu se nouer, aux équipes rédactionnelles, dont celle du journal Le Quotidien. Un travail de titan est effectué pour garantir au public l’information poussée et recherchée sur les différents enjeux.
De la gratitude aussi à l’égard des acteurs de la société civile africaine et sénégalaise. Sur bien des fronts pour la défense de la liberté d’expression et de la promotion de la presse libre, des responsables de structures qui ont pris leur bâton de pèlerin et mené le plaidoyer. A tous ces promoteurs et défenseurs de la presse et de ses libertés, le Prix Norbert Zongo est le vôtre. Les acteurs politiques ne sauraient être en reste, car tout dans un pays est politique et il est du ressort des hommes et femmes politiques de garantir les conditions d’épanouissement de médias pluriels et libres.
J’éprouve beaucoup d’émotion à l’invocation du nom du parrain de ce prix. Nous avons pleuré l’assassinat de Norbert. A chaque édition du Filep, des dizaines de journalistes et responsables de médias africains font une procession jusqu’à la tombe de Norbert Zongo, au cimetière municipal de Goughin à Ouagadougou. Nous y déposons une gerbe de fleurs et lui rendons régulièrement hommage. L’assassinat de Norbert Zongo, au lieu de nous faire peur, constitue pour ce groupe de professionnels des médias une source de motivation et d’engagement pour faire des principes et idéaux de liberté de la presse et d’expression une réalité sur le continent.
Le 29 novembre 2013, j’avais eu l’insigne honneur de rendre hommage à Norbert Zongo, au nom des participants venus à la 5ème édition du Filep. Je lui disais qu’il pouvait être assuré que son assassinat ne restera pas éternellement impuni et que la presse africaine et les démocrates et toutes les personnes éprises de justice et de liberté joindront leurs forces pour traquer les auteurs de cet ignoble assassinat. Ironie du sort, c’est à la veille de l’ouverture de la 7ème édition du Filep que François Compaoré, jeune frère du Président Blaise Comparé et qui était cité par tous les acteurs comme étant le commanditaire de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons sur la route de Sapouy un sinistre 13 décembre 1998, a été interpellé à l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle en France, dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt international émis par la justice du Burkina Faso. Je disais dans une chronique en date du 2 décembre 2013 que «l’assassinat de Norbert Zongo et de ses trois compagnons de voyage avait fini par donner au régime de Blaise Compaoré l’image d’un régime démoniaque et de tueur froid». Peut-être que je jouais aux cassandres ou aux oiseaux de mauvais augure, mais dans ce texte j’affirmais en outre que le régime de Blaise Compaoré, bien qu’il passait encore aux yeux d’une certaine opinion publique comme étant fort, vue la forte détermination des populations Burkinabè, notamment des jeunes nés pour la plupart après l’accession de Blaise Compaoré au pouvoir, «ne subsisterait pas à la prochaine répression contre les populations». Je ne savais pas si bien dire. L’année suivante, à la même période, le régime de Blaise comparé a été emporté par la répression violente de manifestations populaires contre des velléités de réforme de la Constitution qui étaient présentées comme un stratagème pour préparer la dévolution du pouvoir à François Compaoré. Aujourd’hui, que François Compaoré soit rattrapé par l’affaire Norbert Zongo nous remplit de satisfaction. Sa veuve Geneviève nous disait, il y quelques années, «je me console de votre engagement pour la défense de la mémoire de Norbert et des raisons pour lesquelles il a été tué».
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