Le monde s’est indigné quand les images de la vente de personnes ont été diffusées par Cnn. Plus proche du Sénégal, la Mauritanie, certes à un degré moindre, traite des personnes en transit sur son sol ou en situation irrégulière comme du bétail. C’est ce que le rapport d’observation entre la frontière sénégalo-mauritanienne souligne. Entre des agents de sécurité qui se sucrent sur le  dos des migrants, des conditions d’incarcération déplorables et les accords de libre circulation entre le pays et la Cedeao foulés au pied, la Mauritanie se singularise.

Bien que n’étant pas membre de la Cedeao, la Mauritanie sera, si l’adhésion du Maroc se confirme, incontournable sur ce corridor, parce qu’il sera un pays-tampon. Pour l’heure, un rapport d’observation entre la frontière sénégalo-mauritanienne dresse un tableau sombre des pratiques des autorités mauritaniennes. En somme, mieux vaut éviter ce pays si on est un simple voyageur ou se préparer au pire si on est migrant. En effet, le Réseau migration et développement, le Congad, l’Association mauritanienne des droits de l’Homme et le Collectif Loujna-Tounkaranké tirent la sonnette d’alarme sur les conditions dans lesquelles les étrangers sont accueillis dans ce pays. Et pourtant, relève le rapport, «9 postes de contrôle alternés entre la police, la gendarmerie et le Groupement de la Sécurité routière (sont) entre Rosso et Nouakchott». Ce qui devait être un gage de sécurité s’avère être une source de problèmes.
En effet, «la fouille manuelle des bagages et une vérification des pièces d’identification peuvent prendre entre 20 et 35 minutes,  d’importantes violations des droits des personnes étrangères ont été constatées», informe le rapport. Qui explique par ailleurs, que les autorités mauritaniennes, s’appuyant une circulaire régissant le statut des migrants et demandant un contrat de travail et une quittance de 30 mille ouguiyas, s’adonnent à des «tracasseries administratives». Elles sont aidées en ce sens, d’après le rapport, par les «Européens».
En effet, «il  fallait  aussi  montrer  aux  Européens  cette vo­lon­té    de    lutter    contre    les    migrations irrégulières  avec  l’arrestation  de  centaines d’étrangers à Nouadhibou et à Nouakchott, au risque  de  perturber  le  marché  du  travail dont certains    secteurs    ont    be­soin    de    la   main d’œuvre  étran­gère».
Et cela n’est pas pour le contrôle. Si par malheur, le migrant en situation irrégulière se fait interpeller, il subit des «rackets de la part des agents de sécurité». Sans même qu’il ait la possibilité d’avertir des proches, note le rapport, le «migrant en situation irrégulière est incarcéré directement». Certains «sont  parfois  traqués  jusque dans   les   chantiers,   dans   la   rue,   les   lieux d’habitation, les restaurants». Ainsi, informe le document, «le 9 mai 2016, un migrant   malien   du nom   de   Mody   Boubou Coulibaly, âgé  d’une  vingtaine  d’années,  est décédé  à  l’hôpital  national,  au  terme  d’une course-poursuite  avec  des  gendarmes  suite  à une tentative de contrôle de ses papiers».
Et ceux «qui sont interpellés sont obligés de payer entre 5 mille et 15 mille ouguiyas». Ce traitement n’est tout de même pas réservé à toutes les nationalités. En effet, renseigne le document, les Ivoiriens dont le gouvernement a signé des accords de libre circulation avec le pays, sont épargnés, ainsi que les Gambiens.
S’agissant des conditions de détention, le rapport affirme que «dans  certains  centres  de  détention  tels  que  le commissariat    de    Baghdad    (Nouak­chott),    les conditions  de  détention  sont  épouvantables. Les  migrants  sont  incarcérés  dans  des  petites cellules   dans   l’aile   désaffectée   du commissariat.  Le  bâtiment  est  dans  un  état  de délabrement total. Privés de toilettes dignes de ce  nom,  les  migrants  qui  croupissent  là  font leurs besoins naturels dans des bouteilles. Dans l’insa­lu­brité  et  le  manque  d’hygiène, mous­tiques et cafards colonisent les lieux».
8 Sénégalais «ayant transité au commissariat de Baghdad sont restés sans eau, ni nourriture pendant trois jours», informe le document. L’arabe étant la langue officielle du pays, les migrants en situation irrégulière, sont laissés à leur compte par des autorités dont «l’assistance» fait défaut. Pis, «aucune loi nationale sur l’asile ne  permet aux  réfugiés  d’être  reconnus  par  l’Etat mauritanien malgré la   signature de la Convention de 1951», déplore le rapport. Cela, conjugué aux tracasseries dont sont victimes les pêcheurs de Guêt Ndar, pose la question de l’utilité des «accords de libre circulation conclus entre la Mauritanie et la Communauté économique des Etats de l’Afri­que de l’Ouest (Cedeao)».
Au moment où une vidéo publiée par la chaîne de télé américaine Cnn a permis de braquer les yeux sur l’enfer qu’est devenue la Libye pour les migrants africains en transit, un autre pays arabo-africain traite les ressortissants africains de la même manière, sinon pire, sans que cela n’attire l’attention. Et ce qui est malheureux pour les Sénégalais, c’est que ce pays est traité en voisin, ami et pa­rent.
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