Depuis une semaine, les bus et minicars déversent des passagers en provenance de Dakar dans la matinée pour repartir dans l’après-midi. Des passagers, pour la plupart des hommes qui avaient laissé femmes et enfants à la recherche de travail à Dakar pour une durée d’un an ou plus. Un retour annuel au bercail très attendu par les épouses, et l’accueil se fait avec des tresses et du henné. Par Demba NIANG –

Au Fouta, les femmes ne se tressent pas uniquement pour la fête de Tabaski, mais aussi pour accueillir le mari venu célébrer la fête en famille pendant un mois ou plus. Alors que le rappel des troupes pour la Tabaski a commencé systématiquement il y a 4 jours, des groupes de femmes se retrouvent chez les tresseuses (salons de coiffure et maisons) et chez les spécialistes du henné. Mettre du henné pour les cérémonies familiales et les fêtes est une tradition chez les femmes de cette région. A côté des tresses traditionnelles et modernes, la pose du henné fait partie de la beauté des femmes accueillant leur mari pour la Tabaski.

Le henné pour la beauté et des pochettes
Si les jeunes filles sont devenues adeptes des tatouages au henné effectués par des hommes, les femmes mariées elles, à l’occasion de la Tabaski, s’offrent les services des femmes spécialistes du «vrai henné». Après avoir réglé le problème des tresses, l’heure est à la séance de henné. Se faire noircir les pieds et les mains avec cette poudre végétale venue de l’Orient, à grands renforts de belles figures géométriques, est le summum de l’élégance dans cette région. Il est 8 heures et 3 femmes avec des têtes bien attachées par des foulards, visage éclatant de bonheur, attendent la spécialiste du henné dans la cour de la maison de cette dernière. Il est encore tôt, mais c’est le prix à payer pour avoir une chance de passer. A peine sortie du bâtiment, H.S, avant de saluer, demande à ses clientes : «Vous avez amené la colle et suffisamment de henné ?» La spécialiste s’affaire à prendre en charge la première de la liste de clientes. Pour elle comme pour les autres, c’est d’abord le découpage de la colle et le collage aux mains et pieds en laissant apparaître des figures géométriques minutieuses et qui prennent du temps. A la veille de la fête, H.S se concentre plutôt sur le découpage de la colle et la pose, laissant à chaque cliente la latitude de s’appliquer elle-même son henné. Elle ne fera que le service de contrôle. «Chaque cliente paie 3000 francs. 500 francs pour chaque main et 1000 francs par pied. En général, je prends 5 femmes par jour et je travaille jusqu’à 22 heures, puisque je dois quand même assurer mes tâches ménagères.» Elle finit en murmurant qu’elle a revu ses services à la hausse avec la fête.

Comme H.S, elles sont quatre autres femmes dont la spécialité est reconnue dans la pose du henné à Lougué. A Pété, ce lundi, jour du marché hebdomadaire, la nommée Mabel accueille spécialement des clientes venues de Boké Dialloubé, et cette spécialiste de henné de Pété a décidé de fixer ses services à 5000 francs par femme. «C’est trop tôt pour faire les calculs, mais j’ai déjà reçu plusieurs femmes pour le henné», souffle-t-elle avec un discret sourire. «J’aimerais que la Tabaski soit fêtée au moins deux fois par an», confie Mabel. A Pété de même qu’à Galoya, les femmes «poseuses de henné» sont nombreuses pour des services périodiques, mais la Tabaski est la période des vaches grasses. Pour les prestataires, les pochettes se remplissent d’argent et pour celles qui veulent accueillir «chaleureusement» leur conjoint, les services des spécialistes du henné ne peuvent pas coûter cher. Mairam, après avoir enlevé le henné, enduit ses pieds et ses mains d’une solution d’ammoniac pour accentuer la couleur du henné. «Après les tresses, le henné vient compléter ma beauté. Monsieur sera très content», souligne-t-elle avec un gros sourire. Interrogée sur la cherté des services de Mabel, Faty répond tout simplement que la beauté n’a pas de prix. «Après un an d’absence de mon mari, il doit être ravi de me revoir, et le henné et les tresses me rendent plus belle», dit-elle. Malgré la concurrence des tatoueurs dont les jeunes filles et quelques femmes mariées sollicitent les services, les spécialistes du henné sont toujours très sollicitées à l’occasion de la Tabaski. Très satisfaites de leur service, les femmes mariées sont prêtes à débourser jusqu’à 5000 francs pour compléter leur beauté, pour la joie du mari venu fêter la Tabaski en famille.
Correspondant