Manque de moyens financiers et humains, dédain des ministres, le rôle de parlementaire n’est décidemment pas de tout repos. A en croire le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, les représentants du Peuple sont victimes d’un «antiparlementarisme ambiant» qui plombe leurs efforts.

Au Sénégal, la quasi-totalité des lois adoptées par le Parlement l’ont été sur proposition du gouvernement. Selon le président de la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains, Seydou Diouf, le manque d’initiatives des députés est le résultat du manque de moyens humains qui les empêche d’exécuter leur mission. Face à des attachés parlementaires en séminaire de renforcement de capacités hier, le député de la majorité n’a pas mâché ses mots pour dénoncer les maux de l’institution. «L’Assemblée nationale a des pouvoirs, mais on ne lui donne pas la plénitude des moyens, particulièrement humains, pour exercer ses pouvoirs. Quand un ministre vient à l’Assemblée, il a trente experts autour de lui. Le député qui le confronte est désespérément seul. A la limite, c’est un seul assistant parlementaire qui est dans la salle pour tous les députés», dénonce M. Diouf. Il donne ainsi l’exemple du Burkina Faso où, dit-il, la Commission des lois dispose de 9 assistants parlementaires. «Ici, si on venait à faire cela, on allait crier au scandale. On aurait dit que l’Assemblée ne sert à rien, elle est budgétivore. Or, ceux qui disent que l’Assemblée est budgétivore veulent qu’elle assume la plénitude de ses responsabilités. Et pour cela, il faut avoir les moyens de recruter du personnel expert, aider le député à avoir une expertise à ses côtés pour comprendre les enjeux», détaille M. Diouf. Le président de la Commission des lois s’exprimait à l’ouverture d’un séminaire de renforcement de capacités des attachés parlementaires, organisé par la Direction de la relation avec les institutions portant sur le thème «Le fonctionnement de l’Assemblée nationale et la procédure législative». M. Diouf dénonce ainsi «un antiparlementarisme ambiant». «Les députés sont les seuls à avoir 250 litres de carburant par mois et qui font des va-et-vient entre Dakar et Kédougou. Je crois que cet antiparlementarisme ambiant, il faut qu’on y mette un terme parce que les députés sont des hommes et des femmes totalement investis dans la mission qui est la leur», plaide M. Diouf.

Dédain des ministres
Selon le parlementaire, les difficultés vont au-delà puisque les représentants du Peuple doivent également subir le dédain, voir le manque de respect des ministres sectoriels. «Nous sommes tous des acteurs politiques, mais il est incompréhensible que des députés veuillent rencontrer un ministre et qu’ils aient des difficultés pour le faire», poursuit-il. Sans porter de gant, il conclut que «certains ministres n’accordent pas toute l’importance qui sied au débat parlementaire». Il dénonce ainsi les défections des ministres pendant les travaux de commission : «Je suis président de la Commission des lois. Quand le calendrier sort, je suis obligé d’annuler tous mes déplacements qui sont aussi importants que ceux du ministre. Je ne peux pas accepter de déplacer mes obligations et qu’on me dise que le ministre doit partir en mission.» Il explique ainsi que le premier devoir du député est de représenter le Peuple et faire le portage pour que les préoccupations de sa circonscription soient prises en charge dans les politiques publiques. C’est là où le rôle des attachés parlementaires peut faire la différence, souligne-t-il. «L’attaché parlementaire travaille en anticipation de son ministère», souligne M. Diouf.

Outiller les attachés parlementaires
Diffèrent de l’assistant parlementaire, l’attaché parlementaire est plutôt un point focal désigné par un ministère pour servir de relais avec l’Assemblée nationale. Selon Mme Seynabou Mbaye, Directrice des relations avec les institutions (Dri), cet atelier organisé à quelques jours du démarrage des travaux de commission pour l’adoption de la Loi de finances initiale (Lfi) va permettre «de mieux faire connaître aux attachés parlementaires la procédure législative et le fonctionnement de l’Assemblée».
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