Khardjatou Diallo a perdu son mari, mais risque aussi de perdre sa liberté à vie. Le Parquet a requis à son encontre la prison à perpétuité pour le délit d’assassinat qui lui est reproché et pour lequel elle comparaissait devant la Chambre criminelle. Le verdict sera rendu le 22 octobre prochain.

La douleur qui ronge actuellement Khardjatou Diallo sera éternelle. Cette jeune femme, née en 1994 à Labé, s’est tirée une balle dans le pied en tuant l’homme de sa vie avec un couteau. Pour ce crime présumé, elle comparaissait devant la barre de la Chambre criminelle pour assassinat. Elle risque la prison à perpétuité. Cette ressortissante guinéenne de teint clair et de taille élancée était donnée en mariage à Boubacar Sidy Diallo à l’aube de ses 12 ans. Tout se passait bien et le couple qui filait un grand amour a donné naissance à 3 bouts de bois de Dieu. Malheureusement, l’édile s’est transformé en cauchemar et les deux tourtereaux ne chantent plus l’amour dans leur nid. Le mari Boubacar Diallo, qui l’a épousée en Guinée avant l’amener au Sénégal, a commencé à devenir violent à son endroit. Ne pouvant plus supporter les sévices, elle a abandonné le domicile conjugal pour aller chez sa sœur aînée. C’était l’erreur à ne pas commettre. Car en partant, elle a laissé le champ libre à son époux qui ne s’est pas fait prier pour convoler en secondes noces.
Mise au parfum, Khardjatou s’est résignée à revenir au domicile conjugal. Selon ses dires, elle était éperdument folle amoureuse de son mari. Et comme elle ne voulait pas perdre son homme sous aucun prétexte, elle a tout simplement regagné son foyer où elle a conservé son statut de première femme. Mais les choses ne se passaient plus comme avant. Les enfants qu’elle avait laissés en partant ont été confiés à leur grand-mère paternelle. La veille du drame, le mari avait passé la nuit avec la seconde épouse. Au réveil, il a oublié de lui remettre la dépense quotidienne parce qu’il lui revenait le tour de préparer les repas. Une violente dispute a éclaté entre les deux.

Dispute fatale
Ces faits se sont déroulés le 20 octobre 2014 à Pikine. Hier, devant la Chambre criminelle, Khardjatou Diallo a livré sa version des faits : «C’était un dimanche matin et c’était à mon tour de préparer le repas. Je lui ai demandé l’argent pour aller au marché, il m’a dit de ne plus le déranger. J’ai pris mon argent et j’y suis allée. A mon retour, il m’a interceptée pour me demander où est-ce que j’ai pris cet argent. Je lui ai dit que c’est ma sœur qui me l’avait donné. Il m’a entraînée dans la chambre et m’a tabassée. Je ne savais plus quoi faire quand il a commencé à m’étrangler. J’ai fait glisser ma main sur l’étagère et j’y ai trouvé un couteau. J’ai essayé de me défendre et je le lui ai planté. J’ignore à quel endroit de son corps. Je suis très vite sortie de la chambre avant qu’il ne recommence à me tabasser.» Blessé par un couteau, l’époux a essayé de prendre son véhicule pour se rendre à l’hôpital. Malheureusement, il n’y parviendra pas. Il s’est évanoui et malgré les secours qui lui ont été apportés. Et il a rendu l’âme des suites de la blessure occasionnée par son épouse. «Je suis allée chez ma sœur et quelques minutes après, j’ai reçu un appel m’annonçant que mon mari avait fait un accident et qu’il était à l’hôpital. J’y suis dare-dare allée et une fois là-bas, on m’a annoncé sa mort et ils m’ont empêchée de le voir. Je suis retournée au domicile conjugal et ma voisine m’a dit qu’il n’était pas sûr pour moi de rester dans la maison au risque de me faire lyncher», a-t-elle relaté le visage couvert d’un voile comme si elle faisait encore son deuil. Elle poursuit : «Il avait l’habitude de me battre. Un jour, j’ai voulu porter plainte contre lui, mais ma famille m’en a dissuadée. Ils m’ont dit que ce n’est pas bien de traduire son époux devant la justice. C’est le seul homme que j’ai connu. On est ensemble depuis mes 12 ans. Il m’a épousée en 2007. Ça fait 3 ans que je n’ai pas vu mes enfants. J’ignore où ils sont et dans quelles conditions», a-t-elle dit dans un sanglot.
Ce ne sont pas ces larmes qui vont emporter la conviction du Parquet. Estimant que les faits sont avérés, le maître des poursuites a requis la prison à perpétuité. Selon Me Abdoulaye Tall, conseil de la défense, il n’y a pas de préméditation. De l’avis de la robe noire, le délit pour lequel sa cliente comparaît est très léger. Toujours selon l’avocat, même sa coépouse Mariama Ba a nié le coup de couteau qui serait fatal à leur mari lors de la dispute. «Khardjatou Diallo n’a jamais menacé notre époux durant tout le temps qu’on a vécu ensemble. Elle a toujours été sage et calme», rappelle Me Tall. Mieux, il trouve que la deuxième épouse n’a aucune raison de protéger Khardjatou Diallo qui se trouve être sa rivale. A en croire Me Tall, Il n’y avait pas d’intervenant puisque le défunt époux avait fermé la porte à clef. Et devant une telle situation, si sa cliente avait été malchanceuse, c’est son mari qui devait comparaître devant la Chambre criminelle et la famille de Khardjatou Diallo assise dans la salle. Il a demandé de requalifier les faits en légitime défense et d’acquitter Khardjatou. A titre subsidiaire, il a demandé la disqualification des faits en coups mortels sans avoir l’intention de donner la mort et à titre infiniment subsidiaire en homicide involontaire. La Chambre tranchera le 22 octobre prochain.