Président du Conseil national de la maison des éleveurs du Sénégal, Ismaïla Sow est inquiet à cause des spéculations foncières qui frappent les zones qui servaient à la promotion de l’agriculture. Vu la gourmandise des spéculateurs et aussi des promoteurs, qui bénéficient de la complicité ou de la mansuétude de l’Etat, il demande à ce que des couloirs de pâturage soient tracés dans les lotissements pour préserver le secteur.Quelle est la situation de l’élevage au Sénégal ?

L’élevage se porte bien, l’Etat fait des efforts, mais il faut reconnaître qu’il y a certaines difficultés. Aujourd’hui, à cause de ces contraintes, nous avons des difficultés pour l’approvisionnement en moutons. Nous allons souvent au Mali ou en Mauritanie pour combler ce gap. Dans ce trafic de moutons, nous devons être plus vigilants, surtout par rapport à la santé animale, c’est pourquoi nous devons veiller à la vaccination du cheptel aussi. En plus de ce problème, il y a aussi des difficultés de cohabitation entre les éleveurs et les paysans. C’est une situation très difficile parce qu’il faut aussi le rappeler, c’est cette forme d’élevage qui permet à la population de s’approvisionner en viande. Souvent pendant la période de Tabaski, nous avons besoin de moutons, mais si c’est un «Ladoum», il est presque hors de portée. Donc, il faut se rabattre sur les moutons des éleveurs sénégalais que vous pouvez avoir à 50 mille F Cfa.

Au Sénégal, nous avons beaucoup d’évènements. En plus de la Tabaski, nous avons la Korité, la Tamkharite, les baptêmes, le Gamou, les mariages… autant d’évènements qui nécessitent des moutons. C’est pourquoi nous devons nous organiser pour mieux développer cette forme d’élevage.

Quels sont les problèmes que traverse ce secteur ?
L’élevage crée beaucoup d’emplois directs mais également indirects. L’éleveur  et sa famille vivent des retombées de ce secteur, mais également les vendeurs de bétail, les revendeurs, les tefankeh, les bouchers, entre autres. Donc, nous devons prendre en compte les vendeurs de foin et de corde, c’est un secteur soutenu par l’Etat certes qui a fait beaucoup d’efforts, mais il doit mieux l’organiser.

L’élevage est aussi confronté à un problème : celui du foncier. Certes, il est bien de construire, mais il faut que l’Etat puisse identifier ceux qui achètent juste pour faire de la spéculation foncière. Cela me fait mal qu’une personne puisse détenir des centaines d’hectares juste pour vendre. On ne doit pas prendre le foncier seulement pour un moyen de se faire de l’argent. L’utilité du foncier doit être pour la culture ou pour la construction. Il faudrait revoir la procédure d’attribution du foncier pour certains promoteurs, sinon nos petits-fils n’auront plus de terres. Nous avons besoin que l’Etat puisse augmenter la vigilance.

Le foncier peut-il être un frein pour le développement de l’élevage ?
Si ces pratiques persistent, ce sera une menace pour l’élevage, et ça commence déjà, aujourd’hui, il est très difficile d’avoir des couloirs de pâturage. D’ailleurs, nos enfants qui doivent travailler dans ce secteur commencent à avoir des difficultés pour avoir un endroit où faire paître les animaux. Le monde vit des menaces, lors de la pandémie, nous avons payé le plus lourd tribut, la guerre en Ukraine s’est invitée dans le débat, mais si on n’y prend garde, c’est le manque de couloirs de pâturage qui risque de plomber carrément le secteur.

Pour résoudre le problème entre éleveurs et paysans, il faudrait que les deux parties puissent aider l’Etat en prenant de commun accord, les mesures idoines : il faut tracer des couloirs de pâturage dans les lotissements, parce que l’élevage a une importance dans l’économie du pays, au même titre que l’agriculture. Il faut aussi que l’Etat arrête les spéculateurs dont le seul souci est de vendre des terres, mettant souvent en conflit les éleveurs et les paysans. Pour éviter les conflits, il faut une meilleure gestion du foncier.
Par Alioune Badara Ciss – abciss@lequotidien.sn