Réalisé par Pape Moussa DIALLO depuis Berne (Suisse) – Dans le cadre d’une gouvernance globale des migrations, quelle est l’approche que promeut le Sem en Suisse et pourquoi ?
La Suisse est d’abord un pays d’immigration avec une population étrangère de plus de 20%, nécessaire au développement de son économie. Au vu de sa position enclavée au milieu du continent et des accords de libre circulation des personnes conclus avec l’Union européenne, la majorité de son immigration est constituée de ressortissants des pays voisins, très bien intégrés et souvent naturalisés pour les deuxième et troisième générations. Ensuite, la protection des réfugiés a toujours été une priorité pour la Suisse dans la mise en œuvre de sa politique d’asile sur son territoire, mais aussi dans le cadre de ses engagements internationaux.
Quels sont les résultats obtenus par le Sem avec la mise en œuvre d’une telle approche ?
Au-delà de son engagement au niveau régional et multilatéral, la Suisse s’est beaucoup investie sur le plan bilatéral pour renforcer la coopération migratoire. Nous avons cherché à établir un dialogue avec de nombreux pays d’origine et de transit afin d’identifier les défis migratoires et des intérêts communs. L’objectif est de travailler ensemble sur le long terme et d’aborder les migrations de manière globale, dans l’intérêt non seulement des deux parties, mais également des migrants eux-mêmes. L’esprit de partenariat et l’approche équilibrée constituent le fil rouge de notre engagement. En Afrique, nous avons mis en place ces dernières années de nombreux partenariats et dialogues migratoires, notamment avec le Nigeria, la Tunisie, le Maroc ou l’Algérie.
Des accords de coopération migratoire ont également récemment été conclus avec la Gambie, la Côte d’Ivoire et la Guinée-Bissau. Des projets sur place et des échanges de compétences entre services accompagnent les dialogues menés afin de renforcer la bonne gouvernance de la migration, par exemple dans les domaines de l’aide au retour et à la réintégration, de la lutte contre la traite des êtres humains ou de la prévention de la migration irrégulière. En ce qui concerne le Sénégal, nous sommes également très intéressés par l’élargissement de notre coopération dans le domaine de la migration. Des dialogues ont été menés par le passé, mais à l’heure actuelle, il n’existe pas de coopération institutionnalisée entre la Suisse et le Sénégal dans le domaine migratoire.
Au regard des dynamiques migratoires actuelles, quelles sont les priorités du Sem en matière de coopération internationale pour une meilleure gouvernance de la migration ?
Les défis migratoires sont toujours plus nombreux et doivent être traités en priorité. Au vu de l’ampleur des phénomènes, seule une approche coordonnée avec tous les pays partenaires permettra d’atteindre un certain impact. Nous nous engageons ainsi au niveau européen comme pays associé aux accords de Schengen et de Dublin, où la Suisse défend une position à la fois pour une gestion conséquente des frontières et une politique d’accueil plus généreuse pour les personnes à protéger, au sens des Conventions de Genève de 1951. La Suisse a aussi pris des responsabilités dans le cadre des dialogues régionaux, comme les Processus de Rabat ou de Khartoum, avec l’organisation de plusieurs évènements, afin de promouvoir les échanges entre les pays au nord et au sud de la Méditerranée.
Avec environ 65 mille ressortissants ukrainiens réfugiés actuellement en Suisse, le conflit en Ukraine, additionné à une augmentation générale des demandes d’asile, représente un défi important pour la Suisse en termes d’accueil. Nous sommes aussi conscients des conséquences de ce conflit jusque sur le continent africain, en termes d’approvisionnement agricole ou énergétique, car cela peut sévèrement impacter la situation socio-économique des populations les plus vulnérables