La médiathèque du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) de l’Ucad est chaque jour prise d’assaut par des étudiants et des enseignants hors Ucad pour se documenter.

Mardi 14 janvier. 10 heures. Moment de récré au Cesti. Le hall du bâtiment, fort bruyant, rassemble ses étudiants, libérés des cours matinaux. Divertis, Cestiens et Cestiennes taillent bavette. Les discussions, parfois amusantes, sont ponctuées de rires et de tapes amicales des mains amicales. Mais, au milieu de cette animation, il n’y a pas que des Cestiens. D’autres étudiants, venus d’autres facultés de l’Ucad, s’ajoutent aussi à cette masse qui grossit à mesure que les discussions s’animent. Ces derniers viennent exceptionnellement visiter la médiathèque de l’établissement, refuge des passionnés de la lecture, en quête de savoir. Moins d’une vingtaine de marches d’escaliers, au fond d’un couloir au mur placardé de photos d’anciens étudiants de l’école, la salle se découvre. Sur la porte d’entrée se décline ostensiblement l’enseigne «Médiathèque du Cesti».
A l’intérieur de ce grenier de la documentation, livres et magazines trônent majestueusement sur des comptoirs superposés. Des milliers de journaux, témoins vivants de l’histoire d’un Sénégal colonial et émancipé, agrémentent aussi cet endroit où s’impose un silence pesant, que seuls les gazouillements des oiseaux viennent titiller par moments. Guidés par leur curiosité, les étudiants retrouvés dans la salle manient ouvrages et journaux, finement étalés sur des tables, et qu’ils ne quittent pas de leurs yeux. Curieux !
Bloc-notes et stylo enserrés dans ses mains, Ernest Bop, étudiant en troisième année en Sociologie, à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Ucad, explique le choix porté sur cet univers livresque : «Je viens souvent me documenter dans cette bibliothèque. Il y a pratiquement tous les livres que je souhaite avoir. En plus, c’est un endroit où il fait bon lire, car il y a du calme.» La mise bien soignée, le tee-shirt qu’il porte à l’effigie du Christ, assorti d’un jean délavé, dévoile les contours de son corps robuste. Des biceps herculéens. Une poitrine proéminente.
Dans sa lecture, Ernest souligne souvent quelques passages qu’il va ensuite inscrire dans son bloc-notes. «Je prépare mon mémoire. Je devais acheter certains livres. Mais je n’ai pu le faire, faute de moyens. Des camarades m’ont donc parlé de la médiathèque du Cesti. Et depuis le premier jour j’y viens tous les matins», renseigne l’apprenti sociologue qui ne quitte pas des yeux l’ouvrage qu’il tient dans ses mains. Et au «fouineur» de conclure, afin de mieux asseoir sa liaison avec le Cesti : «Ces livres que je viens chercher ici sont pourtant bien disponibles à la Bibliothèque universitaire (Bu), mais je préfère venir au Cesti, car j’ai aussi l’ambition d’embrasser la carrière de journaliste. J’échange d’ailleurs souvent avec les étudiants de l’école.»
Cette ambition, Dame Ndiaye veut déjà la concrétiser. Etudiant en deuxième année en droit, il s’est inscrit pour passer le concours d’entrée au Cesti de l’édition 2020 avec le niveau Bac. Devenir journaliste, Dame Ndiaye n’entretient que ce rêve. Vêtu d’une chemise à courtes manches, cheveux coiffés en mode dégradé, Dame Ndiaye parcourt une pile de quotidiens disposés sur la table. «Ça fait deux mois que je viens dans cet endroit. Je n’ai pas les moyens pour acheter tous les journaux. J’y viens alors tous les jours pour mieux préparer le concours du Cesti de cette année», partage-t-il, gesticulant des mains.
C’est aussi le cas de Woury Diallo, venu du Fouta pour faire le concours. Licencié en Infographie, l’envie de réussir au concours se lit sur son visage. «Depuis le octobre, je suis à cheval entre l’actualité nationale et internationale. C’est la deuxième fois que je fais le concours. Cette année-ci, c’est pour le réussir», défie-t-il, les yeux dissimulés derrière d’élégantes lunettes de star. A portée de sa main, son téléphone ne cesse de sonner pendant qu’il s’exprime. «Je fais le concours au niveau Licence. Je veux faire le Cesti parce que je souhaite plus tard évoluer dans le métier de communication», ambitionne-t-il, le coude gauche appuyé contre la table.

«Un endroit à part»
Sur un autre coin de la pièce, non loin du bureau du «médiathécaire», un groupe d’étudiants échange. Sur leur table de chevet, Ils y exposent, pêle-mêle, cahiers, livres et journaux. Les uns lisent pendant que les autres prennent note dans leur cahier. Venus préparer un exposé sur «L’influence des médias sur la société», ils se passent de main en main, telle une tasse de thé, les ouvrages sur lesquels ils glissent parfois un stylo pour «ne pas se perdre». La séance se déroule «sous la houlette» de Moussa Guèye que certains dans le groupe nomment «professeur». Après quelques discussions «houleuses», concernant la proposition à entériner parmi tant d’autres, le «professeur» prend note dans son mémento. Tantôt d’accord avec les uns, tantôt en désaccord avec les autres, Moussa joue sans complaisance son rôle de «professeur» devant veiller sur «sa classe». «Faisons moins de bruits les amis ! Il y a d’autres personnes dans la salle», enjoint-il. «Nous sommes des étudiants en Communication dans une université privée. C’est notre professeur qui nous a même conseillé de venir au Cesti afin de pouvoir mieux nous documenter», renseigne Alpha Fall.
L’endroit ne fait pas seulement le bonheur des étudiants. D’autres usagers viennent aussi s’y ressourcer. C’est l’exemple de Fallou Mboup, professeur en Français. D’un geste machinal, il étale sur la table son cartable duquel il sort aussitôt un bouquin et une vingtaine de cahiers. Myope, des verres correcteurs lui couvrent les yeux. Bien à l’aise sur son siège, stylo rouge immobilisé entre le pouce et l’index, il corrige les copies de ses élèves. Assez regardant sur la présentation et intransigeant sur les fautes, il rature de nombreuses copies. Plus souvent, il griffonne sur les feuilles dont il finit par colorier la plupart. Il balance de temps à autre la tête de gauche à droite. Signe de dépit. «Je me demande comment on peut avoir une bonne note en dissertation si on ne lit pas. La lecture n’est plus une activité favorite de la génération actuelle», se désole-t-il. Visiblement concentré sur son travail, le professeur se résout tout bonnement à dire : «Je fréquente le Cesti depuis que j’ai quitté Diourbel en 2018 et qu’on m’a affecté à la Médina où je suis maintenant en service. Je viens souvent ici pour lire, me documenter, préparer mes cours ou corriger les copies de mes élèves. La médiathèque du Cesti, c’est un endroit à part.»