Le Syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal-Enseignement supérieur et recherche (Sudes-Esr) section Université Cheikh Anta Diop ne reconnaît plus Ahmadou Aly Mbaye comme le Recteur légitime. En sit-in hier devant le Rectorat, les syndicalistes exigent de l’autorité gouvernementale la dissolution «immédiate» de l’actuel Conseil d’administration de l’Ucad, la cessation du mandat de Ahmadou Aly Mbaye qu’ils considèrent «illégal» depuis le 22 juillet 2024 et la nomination d’un nouveau Recteur conformément aux textes en vigueur. Ils invitent ainsi tous ceux qui sont dans l’espace universitaire à ne pas mettre en œuvre les décisions prises par Ahmadou Aly Mbaye. Par Ousmane SOW –

C’est la pression autour du Recteur Amadou Aly Mbaye. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), qui est habituée souvent aux manifestations de colère des étudiants, a eu droit hier à une manifestation particulière : un sit-in conjoint du Syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal-Enseignement su­périeur et recherche (Sudes-Esr) et du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) des campus de Dakar. Ils veulent, en effet, le départ immédiat de l’actuel Recteur, Ahmadou Aly Mbaye, dont le maintien est considéré comme «illégal» depuis le 22 juillet 2024. Le Sudes-Esr réaffirme que le mandat de Ahmadou Aly Mbaye est terminé depuis cette date et regrette qu’il n’y ait pas encore eu d’appel à candidatures. Il estime que l’université n’est pas le terrain de jeu des ambitions personnelles, mais le temple du savoir et de l’intérêt général. Alors, se donnant rendez-vous hier devant le Rectorat de l’Ucad, c’est Kouakou Sylvestre, Secrétaire général par intérim du Sudes-Esr, qui a ouvert les hostilités en dénonçant ce qu’il qualifie de «violation flagrante des textes en vigueur» par Ahmadou Aly Mbaye et le Conseil d’administration (Ca) de l’université. «Le mandat de l’ancien Recteur, Ahmadou Aly Mbaye, a pris fin le 22 juillet 2024. Son entêtement à demeurer en fonction, malgré les rappels à l’ordre du ministère de tutelle et les protestations unanimes de la communauté universitaire, constitue une atteinte grave aux principes de bonne gouvernance. Il est temps de rappeler que l’université n’est pas le terrain de jeu des ambitions personnelles, mais le temple du savoir et de l’intérêt général. Et le Conseil d’administration (Ca), par son refus obstiné de lancer l’appel à candidatures, outrepasse ses prérogatives et s’érige en défenseur d’un statu quo inacceptable», a-t-il déclaré. Il poursuit : «En actant le maintien de l’ancien Recteur jusqu’en 2026 sous le prétexte fallacieux d’une reconduction tacite, il viole de manière flagrante les articles 2 et 3 du décret n°2021-846 du 24 juin 2021 relatif aux modalités de nomination des recteurs dans les universités publiques du Sénégal. Il est urgent de mettre fin à cette mascarade institutionnelle avant qu’elle ne devienne un poison pour notre démocratie universitaire.»

Pr Kouakou Sylvestre invite le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à intervenir pour garantir le respect des procédures légales. «L’université n’est pas un fief personnel, encore moins un instrument au service des intérêts particuliers ! Nous ne pouvons accepter que les instances de gouvernance soient manipulées au détriment de l’intérêt général», a-t-il martelé, tout en exigeant la dissolution immédiate du Conseil d’administration ac­tuel, la cessation du mandat du Recteur et la nomination, dans un délai maximal de 6 mois, d’un nouveau conformément aux textes en vigueur. «Le Sudes-Esr section Ucad rappelle, s’il en était besoin, qu’à compter du 23 juillet 2024, il ne reconnaît plus Ahmadou Aly Mbaye comme le Recteur légitime de l’Ucad. Dès lors, tout acte administratif qu’il prendra à partir de cette date sera considéré comme nul et non avenu. L’Ucad ne saurait être le fief de tripatouilleurs de textes», déclare le professeur Kouakou Sylvestre.

«Ahmadou Aly Mbaye ne vient pas de la planète Mars»
Même son de cloche chez Yankhoba Seydi. Le visage sévère, sur un ton menaçant, l’ancien coordonnateur du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) de Dakar déclare devant les caméras : «Depuis 17 jours, cette université n’a pas de Recteur. Le mandat de Ahmadou Aly Mbaye est terminé depuis le 22 juillet, et ça veut dire que les actes qu’il peut prendre ici et là n’engagent que lui. Personne, que ce soit étudiant ou enseignant, ne doit respecter ses décisions qui ne reposent sur absolument rien de légitime ni de légal», a-t-il souligné, rappelant que Ahmadou Aly Mbaye a été nommé dans les mêmes conditions que les anciens recteurs des universités Assane Seck de Ziguinchor, Alioune Diop de Bambey et Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis. «L’ancien Recteur de l’Ugb, 100 jours avant la fin de son mandat, il a dit que «mon mandat est terminé, faites l’appel à candidatures». Ici à l’Ucad, on a dépassé les 90 jours et jusque-là, aucun appel à candidatures. Ce qui fait que nous sommes dans une situation totalement inédite, illégale, illégitime, que l’université ne mérite pas. Le Recteur, pour ne pas le nommer, ne vient pas de la planète Mars, de Jupiter, il vient de la Terre», révèle Yankhoba Seydi. Très remonté contre le Recteur Ahmadou Aly Mbaye, le syndicaliste donne un ultimatum et blâme le ministre de tutelle. «Il y a lieu pour la tutelle de prendre ses responsabilités. Elle est blâmable dans cette affaire et si d’ici quelque temps, nous n’entendons ou ne voyons absolument rien, nous allons formaliser cette lutte et appeler à une véritable mobilisation parce que, ici, on ne doit pas être là sans être en phase avec les textes en vigueur», a-t-il prévenu.

Des étudiants s’opposent
Soudain, la tension est montée d’un cran lorsqu’un groupe d’étudiants, visiblement en colère, s’est joint au rassemblement, mains en l’air, scandant «Non à la politisation de l’espace universitaire». Evi­dem­ment, leurs cris ont perturbé les syndicalistes présents, et un échange tendu a éclaté entre les deux groupes. Pour les syndicalistes, c’est un coup monté de toutes pièces par le Recteur Ahmadou Aly Mbaye, en complicité avec des Forces de sécurité. «C’est de votre faute, parce que vos éléments n’ont pas bougé. Vous êtes complice dans cette affaire», a accusé Ndiabou Sega Touré, la Secrétaire général adjoint du Sudes-Esr, s’adressant au chef de sécurité. Son collègue Koua­kou Sylvestre ajoute en s’adressant aux étudiants «perturbateurs» : «Vous ne connaissez même pas les textes dont vous parlez.» «Vous nous avez sacrifiés, on ne va pas accepter ça», a rétorqué un autre étudiant sur un ton menaçant.