La disparition de l’ancien ministre des Finances et du budget, Mamadou Moustapha Ba, est un de ces coups de la vie qui laissent sans voix et secouent au plus profond. Un cadre de cette dimension aura aidé du mieux par ses compétences, son talent, son engagement et sa générosité, dans l’effort de donner aux finances publiques de notre pays leurs lettres de noblesse. Ce surintendant de nos finances aura su tirer son épingle du jeu et contribuer à bâtir une administration de nos chiffres et comptes solide, crédible, responsable et surtout transparente. Par respect pour tous les hauts fonctionnaires de ce pays qui, année après année et de génération en génération, servent le Sénégal dignement dans nos régies financières, dans les Forces de défense et de sécurité ou dans la Magistrature, je m’interdis de m’intéresser aux accusations farfelues et irresponsables qui ont pu noircir les grands livres des comptes du Sénégal.

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Moustapha Ba était un cadre discret, un homme de peu de paroles, mais avec un verbe utile. Au lendemain de sa disparition, ses échanges qu’il entretenait avec les députés lors des marathons budgétaires qu’il a conduits, en disent beaucoup sur une approche empreinte de pédagogie, de compréhension et de quête de consensus. Il cherchait sur toutes les questions publiques à servir à tous, de l’initié au profane, en passant par le citoyen lambda, des réponses exhaustives pour avoir une bonne grille de compréhension des enjeux et avoir une lecture raisonnée de la gestion financière de notre pays. Face à l’adversité et à l’hostilité, il aura toujours su rester courtois et humble, en déconstruisant le faux par les arguments de la raison et par une exposition de la vérité des chiffres. Les affaires publiques, surtout en ce qui concerne les questions financières, sont souvent drapées d’un voile de complexité qui laisse libre cours à des interprétations fallacieuses pouvant faire le lit de la désinformation. Moustapha Ba savait, avec un tel état de fait, se positionner en éducateur, voire en instructeur, pour détricoter les nœuds de questions financières sérieuses et les rendre accessibles à tous. Cela, il le faisait avec une politique de porte ouverte et une accessibilité que dicte l’urbanité des hommes de bien. Journalistes, leaders politiques, responsables syndicaux, partenaires du Sénégal, tout un parterre d’acteurs de notre vie publique, trouvaient en lui un interlocuteur crédible, une oreille attentive et un commis de l’Etat qui savait prendre les décisions idoines pour résoudre des situations cruciales ou proposer à ses dirigeants des démarches pour obtenir de meilleures solutions.
Je ne cesserai de le dire, il y a dans ce pays un agenda vicieux et pernicieux de détruire tout ce qui est plus grand que soi. Par un nivellement par le bas, on voudrait nous faire croire, avec le Premier ministre Ousmane Sonko en chef d’orchestre de cette dynamique infamante, qu’il n’y a aucun Sénégalais méritant, toutes les belles réussites seraient des impostures, tout haut cadre ou toute personnalité d’exception trainerait des taches sur leur manteau d’honorabilité.

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Cette dynamique, avec la force des réseaux sociaux, est entretenue par une meute de chiens qui, pour la plupart, dans l’excitation de la jeunesse et dopée par la fougue des tonneaux vides, se met activement dans un révisionnisme et une déconstruction de tous les symboles. Personne n’est valable, tous les succès sont entachés de doute, toutes les percées sont interprétées à travers le prisme de raccourcis simplistes qui sont toujours bien loin de la réalité. Quand dans une société, d’aucuns voudraient faire croire que nul ne se vaut et qu’il y a des forfaitures derrière toute œuvre, on peut comprendre le désespoir de la jeunesse pour aduler n’importe quel fanfaron sans interroger son parcours pour en faire un héros. Le jeu est simple, les connaissances et aptitudes ne comptent pas. Il faut juste avoir une gueule qui porte, occuper l’espace, salir, telles de vulgaires mouettes, tout beau crâne sous le soleil et s’ériger, par le vide que laisse l’absence d’identités remarquables, comme roi. On ne peut s’étonner du triomphe des nigauds ! Au poids des certitudes d’une société où règnent les hyènes crieuses, un décor de stupidité où nul ne peut sortir indemne s’installe.
Pour la mémoire du haut commis d’Etat et de l’homme d’exception qu’était Mamadou Moustapha, des Sénégalais, et non des moindres, ont fait des témoignages d’une pure sincérité afin de révéler les qualités d’un homme qui aura fait du service au Sénégal l’œuvre de sa vie. Le Général Mbaye Cissé, Baïdy Agne, Cheikh Yérim Seck, Pathé Mbodj, ils ont été nombreux à témoigner de l’intégrité, de la rectitude, du professionnalisme et de la probité de Bosquier. Leurs oraisons se joignent à des requiems de nombreux anonymes qui auront vu Moustapha Ba impacter leur vie ou carrière de façon positive, sans n’en réclamer nul crédit. L’enfant de troupe qu’il était aura sûrement érigé chez lui l’idée de servir comme un viatique et de faire de son aide une promesse désintéressée et sincère.

Ce fils de Nioro laisse en héritage au Sénégal des projets structurants mis en œuvre dans le cadre du Plan Sénégal émergent (Pse) dont il aura aidé, avec feu Pierre Ndiaye, à donner toute son âme. Ce programme aura modifié à jamais la face de ce pays, bien que le révisionnisme ambiant d’une horde de nihilistes ne voudrait entendre ça.

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C’est un fier enfant de ce pays, produit de l’un des fleurons de notre éducation nationale, qui aura montré qu’il y a une noblesse à servir son pays. Toutes les personnes qui l’ont rencontré et pratiqué, sont marquées à jamais. Espérons que nos autorités auront la grandeur et l’intelligence de marquer son nom en lettres d’or sur un de nos édifices publics pour que sa mémoire serve de boussole lucide dans un pays en mal de héros. C’est le moindre des honneurs que le Sénégal devrait pouvoir lui rendre. On dit que pour enterrer certains pans de l’histoire, on laisse le temps arracher des hommes et on se met à une nouvelle rédaction de celle-ci. Tant que le souffle le permettra, il y aura des gens pour rappeler qu’il y a de grands Sénégalais qui auront servi et fait du Sénégal ce qu’il est.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn