Au début du mois de juillet, quelques jours après la fête de Tabaski, plusieurs familles du village de Manécounda, dans la commune de Simbandi Balante, arrondissement de Djibanar, ont reçu la visite de voleurs armés qui les ont dépouillées d’une partie de leurs petits ruminants (moutons et chèvres). L’imam Aliou Kandé fit partie des victimes. Il eut la malchance de reconnaître ses 2 chèvres devant les gendarmes venus récupérer le corps sans vie de la victime de la bataille armée qui eut lieu entre les voleurs et des poursuivants. Ses chèvres étaient liées par une même corde et, de ce fait, n’ont pas réussi à se disperser. Les gendarmes, avant de déposer le corps du présumé voleur à la morgue du dispensaire de Goudomp, pour les besoins de l’enquête, ont convoqué l’imam à la gendarmerie de Samine le lendemain. Auditionné, il sera libéré non sans fouiller dans son téléphone. Le téléphone a certainement parlé. Ce qui a autorisé son arrestation le 14 août et puis celle de Jean Séraphin Mané, président du Comité départemental de gestion de la paix (Cgp) ou Comité de vigilance contre le vol de bétail. Selon une source bien informée, des indices offerts par le téléphone de l’imam ont autorisé une perquisition dans le domicile d’un membre du Comité de vigilance de la zone de Manécounda, qui a pris la fuite. Toutefois, un fusil de chasse retrouvé chez lui est emporté par les hommes en bleu. Jean Séraphin Mané tient compagnie à l’imam Kandé, d’abord à la gendarmerie de Samine puis à Sédhiou.
La 2ème victime parmi les présumés voleurs aurait traîné ses blessures jusqu’en territoire guinéen où il est décédé par la suite. Le 3ème de la bande, plus heureux, l’aurait aidé à ramper jusqu’au village de Maké, tout proche. Les villageois de Maké, n’ayant pas retrouvé les parents du pauvre bandit, étaient obligés de le mettre en terre, incognito.
Tout sur les comités de gestion de la paix
Le vol de bétail n’est pas un phénomène nouveau dans l’arrondissement de Djibanar dont certains villages sont séparés en 2 entre le Sénégal et la Guinée Bissau. Le maire de la commune chef-lieu d’arrondissement, Ibou Diallo Sadio, a informé : «Le phénomène de vol de bétail dans le Balantacounda connaît une occurrence assez épisodique : tantôt c’est une phase d’accalmie assez longue, tantôt ça revient, comme c’est le cas actuellement. Généralement, quand la situation se pose, on est tous interpellés. Malheu­reusement, les voleurs viennent très souvent armés. Ce qui rend un peu difficile la chose. A défaut d’avoir le bétail, ils peuvent même tuer ou réussir les 2.»
Face à la violence du phénomène du vol de bétail et des énormes préjudices économiques qu’il entraîne, l’Ong Afrique-Enjeux avait aidé à la mise en place, dans les villages de la Guinée-Bissau et ceux du Sénégal, de comités «Baadinyaa/Bayerena» qui ont la même signification (Entente) en langues mandinka et balante. Ces comités, qui ont ramené l’entente entre les populations des 2 pays logées le long de la frontière, ont débouché sur des Comités de gestion de la paix (Cgp) dont le président pour la partie Sénégal est Jean Séraphin Mané, actuellement en prison, aux côtés de l’imam Aliou Kandé du village de Mané­counda. Selon le maire de Djibanar, Ibou Diallo Sadio, «le rôle des Cgp est de collaborer avec les Forces de défense et de sécurité, et les autorités administratives. Quand il y a une information sur un vol de bétail, ils informent les cantonnements militaires avancés le long de la frontière, les gendarmes de Samine et Goudomp, et les autorités administratives. Ce sont des comités d’alerte et de veille. Ils n’ont pas vocation de régler le problème des voleurs. Mais juste alerter avant que ne disparaissent les traces des bandits, des assaillants». Il poursuit : «Ces comités ont réussi à faire ramener du bétail volé de la Guinée Bissau vers leurs propriétaires du Sénégal, et vice-versa. Avant la création de ces Cgp, on ne parvenait pas à ramener nos bêtes de la Guinée-Bissau, même si on arrivait à les identifier.» Et puis l’Ong Dynamique de paix a également facilité la création de comités communaux de lutte contre le vol de bétail entre le Sénégal et la Guinée-Bissau. «Nous organisons très souvent des rencontres qui ont eu le bonheur de créer de la familiarité entre les autorités guinéennes et sénégalaises, les Forces de défense et de sécurité des 2 pays, facilitant la circulation de l’information relative au banditisme transfrontalier ainsi que la rétrocession des biens formellement identifiés», a informé le maire de Djibanar.