Au Sénégal, nous aimons bien les célébrations et commémorations des journées internationales (volet festif), mais nous ne mettons pas souvent en exergue la partie évaluation pour relater le manque d’engagement et de volonté politique de nos gouvernants. J’ai été surpris d’entendre des représentants de l’Etat nous dire lors de l’atelier de l’Ong Article 19 sur le droit du savoir qu’au Sénégal, «l’information est accessible, il reste tout simplement une loi pour confirmer cela» (des sites web gouvernement, ministères ont été créés à cet effet).
En effet, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le fait que l’accès à l’information est vital pour la démocratie, la transparence et le développement durable.
La problématique est la suivante : quelles sont les limites du droit de réserve de l’Admi­nistration ? Jusqu’où l’information peut-elle être partagée par l’Administration ? Quels sont les déterminants pour classer l’information de confidentielle ou de secret d’Etat ? Dans un passé récent, nous avons connu la déferlante sortie de Wikileaks, ou encore celle de Ousmane Sonko sur les impôts, des démissions retentissantes de ministres de la République, des publications de mémoires d’anciens chefs d’Etat ou Premiers ministres après leur retrait de la vie politique.
Avec les récentes arrestations de journalistes et artistes pour le délit de partage d’informations sur le net, qu’en est-il de la régulation de l’utilisation des réseaux sociaux face à la liberté d’expression ?
A mon avis, il ne sert à rien d’avoir une loi sur l’accès à l’information si l’Etat ne garantit pas et ne veille pas sur la régulation d’une information de qualité à la place de propagandes partisanes et de programmes de contre-valeurs développés par certaines organes de presse quand cela arrange le pouvoir.
Beaucoup d’encre a coulé sur certaines questions pour lesquelles l’Etat a été à ce jour incapable de fournir aux citoyens la bonne information (affaires Petro Tim, Necotrans, Arcelor Mittal, or de Sabadola, zircon,…). A cela s’ajoutent les rapports sur les exonérations fiscales et le manque de transparence dans l’exécution des budgets au niveau de certaines institutions déjà jugées budgétivores.
Les procédures d’urgence brandies par le gouvernement pour justifier les marchés de gré à gré et la nébuleuse qui enveloppe les contrats  miniers sur l’or et le pétrole sont loin de convaincre.
Les accords signés par le Président lors de ses visites officielles restent toujours un grand secret. Leur contenu n’est disponible ni pour l’Assemblée nationale encore moins pour le citoyen lambda.
Les rapports de la Cour des comptes, de l’Ige et de l’Ofnac qui restent à l’appréciation exclusive du chef de l’Etat, seul habilité à saisir le procureur d’une poursuite ou non.
Il y a une très grande opacité sur la gestion des fonds politiques (président de la République, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, président du Cese, président du Hcct et les financements des partis politiques).
Il est dit que les citoyens peuvent s’informer désormais avec le site web du gouvernement. Or, 60% des sites de l’Etat ne sont jamais mis à jour. Il en est de même pour le Journal officiel qui mériterait une véritable mise à jour.
Il est aussi dit et reconnu que le numérique démocratise l’accès à l’information. Or dans certaines localités du pays, les populations n’ont à ce jour accès à l’électricité. Ainsi, une enquête menée dans le Sud du pays a révélé que plus de 60% de jeunes interrogés ignorent l’existence de Google.
La justification de la célébration de cette journée rentre aussi dans le cadre d’un plaidoyer pour encourager l’adhésion du Sénégal au Pgo (Open government partnership). Oui, quand il s’agit de ratifier des lois sous régionales, régionales et internationales, le Sénégal reste un champion, mais quand il s’agit de les appliquer, il reste au banc des accusés. Le plus souvent, il se réfugie toujours sous le drap de la souveraineté du pays pour violer certaines lois. L’exemple le plus récent est la  violation des règles du jeu électoral à moins de 6 mois des dernières Législatives. Ainsi, on a  orienté des citoyens à consulter le net pour connaître leur lieu de vote alors  que les 70% ne savent pas lire encore moins manipuler un ordinateur.
C’est pourquoi il me semble qu’un travail important devrait se faire en amont. Il s’agira de sensibiliser les populations sur leur droit à l’information et sur la nécessité d’une loi en ce sens pour rendre opérationnelle son application. On ne peut parler de plan d’actions sans en comprendre les enjeux. Nous ne devons pas parler d’accès à l’information sans parler de liberté de presse et d’expression. C’est pourquoi j’en appelle à la vigilance de la société civile pour ne pas avoir à faire face à une loi taillée sur mesure pour satisfaire l’Exécutif et qui passera à l’Assemblée par une majorité mécanique.
Aujourd’hui, nombreuses sont les communes du Sénégal qui votent leur budget sans que les populations ne soient au courant. Qu’en est-il de la démocratie participative dont on parle ? En vérité, ce n’est qu’au moment des élections qu’on assiste à une véritable participation des populations alors qu’elle devrait se faire au quotidien.
Denis NDOUR
Lsdh
denisndour@hotmail.com