L’Ordre national des experts comptables et des comptables agréés fait l’état des lieux de la profession. Procédant à l’ouverture de leur retraite stratégique à Saly, Mor Dieng, nouveau président de l’Onecca, a passé en revue les menaces qui pèsent sur leur profession.

Par Alioune Badara CISS(Correspondant) – Le nouveau président de l’Ordre national des experts comptables et des comptables agréés (Onecca), Mor Dieng, n’a pas usé de la langue de bois pour éplucher les menaces qui guettent la profession. Faisant l’état des lieux hier, lors de la retraite stratégique de l’Ordre, Mor Dieng a affirmé que «la garantie d’une information financière fiable et sincère est gravement menacée au Sénégal par le fléau de l’exercice illégal de la profession». Il relève qu’une «confusion totale s’est installée et certaines personnes, qui portent le titre d’experts dans des domaines autres que celui de l’expertise comptable, sont identifiées comme étant des illégaux qui font de la tenue de comptabilité jusqu’à l’élaboration des états financiers. L’exercice illégal de la profession d’expert-comptable ou de comptable agréé a un impact très négatif sur le niveau des recettes fiscales de l’Etat ; c’est un fléau qui plombe le développement économique et social du Sénégal». Et de l’avis du président de l’Onecca, «les états financiers élaborés dans le cadre de l’exercice illégal de la profession ne sont ni réguliers ni sincères, et ils favorisent la fraude fiscale, le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme».

Malgré les efforts inlassables de la Direction générale des impôts et domaines (Dgid) et le visa obligatoire des états financiers, dénonce l’expert-comptable, «beaucoup d’états financiers sont déposés sans visa d’un membre de l’Ordre et le dispositif actuel des visas n’empêche pas la multiplicité des états financiers».
C’est pourquoi les experts comptables et comptables agréés attendent «l’institutionnalisation du Guichet unique de dépôt des états financiers (Gudef) par la Dgid, en collaboration avec l’Onecca, l’Ansd, la Bceao et le Greffe du Tribunal de commerce, conformément à la directive de l’Uemoa portant sur le Gudef».

Car, considèrent-ils, «le chef d’entreprise qui confie sa comptabilité à un non-membre de l’Onecca et celui qui fait l’exercice illégal, ainsi que l’expert-comptable et le comptable agréé qui couvrent le praticien illégal, sont des complices qui engagent leur responsabilité pénale».

«Dumping et non-respect des barèmes, fléau dangereux»
Au-delà, l’Onecca signale que «la confusion dans les domaines d’expertise est aussi possible au niveau des tribunaux, dans le cadre de certaines missions d’expertise qui relèvent de la compétence de l’expert-comptable, mais qui sont confiées à d’autres experts compétents dans d’autres domaines. Avec le programme de digitalisation du Tribunal de commerce hors classe de Dakar, nos préoccupations devraient être prises en compte. A l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle, la question est de savoir comment réinventer notre profession et garantir des débouchés à nos membres. Le dumping et le non-respect des barèmes est un fléau dangereux qui menace nos missions», souligne M. Dieng.

Avant d’évoquer les problèmes liés à la communication et au développement de la profession. A ce propos, déplore-t-il, «nous avons accusé beaucoup de retard dans le domaine de la communication, ce qui a facilité en partie, la confusion avec d’autres qui sont très différents de nous. Le moment est venu de nous faire connaître sur toute l’étendue du territoire national, surtout dans ce contexte critique ou la Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Lcbc/ft) est au centre des préoccupations des pouvoirs publics et de l’Onecca».

Face à ces enjeux, l’Onecca envisage «de créer un Centre de gestion agréé (Cga) dans chaque capitale départementale disposant d’un centre fiscal où aucun membre de l’Ordre n’est installé. Ces Cga faciliteront l’accompagnement de l’installation des regroupements de jeunes experts comptables et comptables agréés débutants dans le cadre des centres d’incubation, pour leur permettre de récupérer les portefeuilles des Cga pour leurs comptes personnels».

Les experts comptables et comptables agréés considèrent également que «pour une garantie de célérité, de professionnalisme, de transparence et d’indépendance, l’Ordre devrait pouvoir, sur la base de protocoles d’accord, apporter son assistance à l’Assemblée nationale et à la Cour des comptes dans leurs missions de contrôle des dépenses publiques prévues par la loi organique relative aux lois des finances».

En effet, argue Mor Dieng, «la crédibilité du Sénégal serait renforcée si l’audit des comptes de toutes les collectivités territoriales était confié aux membres de l’Onecca dans le cadre d’un protocole. C’est le cas en Côte d’Ivoire, où toutes les collectivités sont auditées par des experts comptables». Toutes ces préoccupations seront le socle des travaux qui seront menés durant ces 3 jours de retraite à Saly Portudal. L’objectif est de faire en sorte que l’Onecca soit doté d’une feuille de route stratégique solide, à la hauteur de ses ambitions.
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