#Vélingara – Développement socio-économique : Le rôle des femmes rurales mis en lumière
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Elles sont productrices agricoles pour la sécurité alimentaire des ménages, elles sont actrices centrales dans les écoles et en dehors pour les performances scolaires et l’amélioration de l’environnement des écoles, mais les femmes rurales ne sont pas toujours valorisées et respectées à la hauteur de la place qu’elles occupent dans la société. L’association Gune-Kolda a organisé, dans la Cité-marché de Diaobé, un forum de 2 jours (jeudi 17 et vendredi 18 octobre passés) pour leur rendre hommage, valoriser leur apport dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et pour la promotion des droits à l’éducation des enfants, ainsi que les sensibiliser sur le cancer du col de l’utérus et sur l’importance de l’alphabétisation dans les langues nationales. Une manière pour cette association, qui a eu le soutien de la Fondation Gune-Barcelone, de fêter les journées internationales des femmes rurales et de l’alimentation, le mois de l’alphabétisation, ainsi qu’Octobre rose. D’une pierre plusieurs coups, comme qui dirait.Par Abdoulaye KAMARA –
Octobre rose, journées internationales des femmes rurales (15 octobre) et de l’alimentation (16 octobre) et puis le Mois national de l’alphabétisation qui a pris fin le 8 du mois courant. C’est dire que le mois d’octobre est riche en célébrations. Toutes mettant au centre de leurs préoccupations la sécurité alimentaire, les rôles et responsabilités des femmes et la promotion des droits de la femme en général, celle rurale en particulier. L’association Gune-Kolda, qui a eu le soutien financier de la Fondation Gune-Barcelona, a fait d’une pierre plusieurs coups en discutant, pendant 2 jours (jeudi et vendredi passés), de 5 thématiques liées à ces journées et mois en organisant un forum dans le village de Diaobé (département de Vélingara). En mettant le curseur sur les femmes rurales. L’objectif d’une telle initiative de l’association est, selon son président Dr Bouraïma Diao, de «créer un cadre de dialogue pour renforcer les capacités des femmes rurales à travers des échanges constructifs et des panels sur des questions-clés les concernant». Pendant ces 2 jours, plusieurs centaines de participants (productrices agricoles, chefs de village, associations de parents d’élèves, autorités scolaires, agents de santé et autorités administratives) se sont adressés particulièrement aux femmes rurales qui étaient majoritairement présentes à cette rencontre au cours de panels axés sur 5 thématiques : «Promotion des droits socio-économique des femmes rurales : accès au foncier et aux financements», «Impact de l’alphabétisation sur la vie économique et sociale des femmes rurales», «Rôles et responsabilités de la communauté dans l’éducation», «Lutte contre toutes les formes de violence : Etat-civil, violences basées sur le genre, grossesses et mariages précoces, et travail des enfants», «Sensibilisation contre le cancer du col de l’utérus».
Toutes ces communications/sensibilisations sont suivies d’échanges, de moments de questions-réponses et de témoignages qui ont permis de mettre la lumière sur les contributions si importantes des femmes rurales à la sécurité alimentaire, à la nutrition, au développement de l’éducation et au développement économique de leurs terroirs et ménages. Au finish, après avoir écouté toutes ces interventions, Dr Bouraïma Diao s’est exclamé : «Ce sont les femmes qui portent le développement ! Travaillons pour plus de considération pour les femmes rurales.»
Accès à la terre : le casse-tête des femmes rurales
Les femmes rurales n’étaient pas que des figurantes à ce forum de Diaobé. Elles ont participé aux panels, mis le doigt sur les défis qui sont les leurs et fait des suggestions pour leur autonomisation sociale et économique. Des groupements de femmes des communes partenaires de Gune-Kolda ont exposé leurs productions maraîchères dans des stands dressés sur cette place publique du village-marché qui a abrité le forum. Des légumes frais, constitués de tomates, de gombos, piments, aubergines, oseille, poivrons, se sont disputé les tables d’exposition avec des jus et sirops, farine, fonio, brisures de mil et couscous, mis en bouteilles ou en sachets. Tous ces produits exposés sont issus de périmètres maraîchers ou unités de transformation des céréales, des fruits et des légumes soutenus par Gune-Kolda qui a reçu un appui de la Fondation Gune-Barcelone, ainsi que celui de l’Agence catalane de coopération au développement. Ces femmes venues des communes de Kandiaye, Kounkané, Diaobé et Dioulacolon (département de Kolda), comme si elles s’étaient passé le mot, ont déploré la faiblesse des surfaces cultivables en leur possession. Toutes ces bonnes dames incriminent les «collectivités territoriales qui refusent de donner des terres aux femmes». Aïssatou Diao, présidente du Gie Kawral du village de Fass Pathé Kandé (commune de Kandiaye), a dit : «Nous sommes 30 femmes qui exploitons 1 parcelle d’1 demi hectare de surface. Chacune possède juste une petite surface de 4 m2 tout au plus. C’est petit. Nos sollicitations auprès du maire de Kandiaye et du chef de village de Fass pathé Kandé ne sont pas encore fructueuses.» Aïssatou Diao a également mis le doigt sur l’absence de financement pour diversifier leurs activités économiques et alléger la pénibilité du travail par l’obtention d’un forage fonctionnel et de moyens d’évacuation de leurs productions vers les marchés de Kounkané, Diaobé ou même Vélingara.
Impact de l’alphabétisation sur la vie économique et sociale des femmes
La promotion de l’alphabétisation et des langues nationales est un des axes stratégiques prioritaires de l’association Gune-Kolda pour doter les communautés partenaires de ressources humaines, les femmes surtout, de qualités capables de répondre aux exigences de développement de leurs ménages, et partant de celles du pays. Aussi Gune-Kolda, en collaboration avec ses partenaires catalans, a-t-elle installé des classes d’alphabétisation dans les villages où intervient son projet intitulé «Garantir le droit des adolescents et des jeunes à une éducation de qualité, équitable et sans violence dans la région de Kolda». Des classes fréquentées quasi exclusivement par des femmes. Des femmes qui ont témoigné de l’impact des connaissances acquises dans l’écriture et la lecture de leurs langues maternelles lors du forum de Diaobé des 17 et 18 octobre 2024. Mme Binta Sabaly du village de Kandiaye a renseigné : «Auparavant, jamais une femme n’est choisie comme gestionnaire ou trésorière dans nos organisations communautaires de base. Même dans nos propres structures, ce sont les hommes qui nous aidaient à faire les activités de calcul et de secrétariat. Actuellement, avec l’avènement des classes d’alphabétisation en langues locales, les femmes sont souvent des trésorières, même dans des structures dominées par des hommes. Dans leurs structures propres, elles n’ont plus recours aux hommes qui, parfois, détournaient leur argent.» Mamadou Bâ, enseignant à la retraite, a fait ce témoignage : «Il est reconnu qu’une femme qui sait lire et écrire contribue mieux à l’encadrement de ses enfants. Elles sont meilleures gestionnaires de deniers publics que les hommes. Leur avoir ne se disperse pas et entre directement dans la prise en charge des besoins des ménages.» Puis de rappeler le cas de ce groupement féminin du village de Linkéring, parce qu’ayant en son sein des femmes lettrées en pulaar et en mandingue, qui a pu faire des économies jusqu’à pouvoir donner une contrepartie de 3 millions de F Cfa pour la construction de 3 salles de classe dans l’école élémentaire du village. «Si cet argent était géré par des hommes, cela n’allait jamais être possible», conclut-il. M. Sory Baldé, Responsable départemental de l’alphabétisation à Vélingara, se félicitant de la détermination de Gune-Kolda à développer un environnement lettré dans nos villages, a fait savoir : «Malgré la réduction du taux d’analphabétisme au Sénégal qui passe de 54, 6% en 2003 à 37, 1% en 2013 (Ansd), l’effectif des Sénégalais qui ne savent ni lire ni écrire dans aucune langue reste encore considérable. Une telle situation constitue une entrave au développement du pays.» Aussi s’est-il réjoui que Gune ait mis le focus sur «le renforcement des connaissances et compétences (alphabétisation fonctionnelle) des femmes, celles rurales surtout».
akamara@lequotidien.sn