#Vélingara – Enseignement des valeurs culturelles dans les écoles de Kandia et Némataba : Les aînés construisent des ponts entre l’école et les communautés

En autorisant les aînés, les grands-mères surtout, à entrer dans des salles de classe des écoles élémentaires des communes de Kandia et de Némétaba, dans le département de Vélingara, pour y enseigner des valeurs culturelles, dire des contes et devinettes, l’Inspection départementale de l’éducation et de la formation de cette localité a permis une bonne intégration de l’école dans son milieu. Les comportements des élèves à l’école et à la maison sont, désormais, conformes aux attentes des communautés et de l’institution Ecole. Ce sont, du moins, les conclusions qu’ont partagées un groupe de consultants qui ont fait la revue de la stratégie d’Intégration des valeurs culturelles positives à l’école (Ivcpe) de l’Ong Grandmother project (Gmp-changement par la culture).Par Abdoulaye KAMARA –
Au Sénégal, la stratégie n’est développée que dans les écoles élémentaires des communes de Kandia et Némataba, et dans 4 écoles de la ville de Vélingara. Dans les salles de classe de ces établissements scolaires, des personnes âgées, des grands-mères surtout, sont autorisées à entrer à des heures précises (elles ont leur emploi du temps) pour dire des contes, des devinettes et inculquer aux potaches les valeurs de respect des aînés, de l’amour du travail, de solidarité, de courage, d’honnêteté, de civisme, de citoyenneté ; etc. Mieux, les enseignants de ces localités ont par devers eux des documents pédagogiques et du matériel didactique, approuvés par le ministère de l’Education, qu’ils sont les seuls à détenir dans le pays de Léopold Sédar Senghor. Il s’agit de livrets des valeurs, de livrets sur les devoirs des enfants, de livrets de proverbes, de contes et de devinettes. Le tout accompagné par «le guide de l’enseignant» pour mieux partager les informations et valeurs contenues dans ces documents inspirés des réalités locales, dans lesquels sont cités les aînés du terroir avec leurs photos à l’appui. Ces documents autorisent également une bonne intégration de ces enseignements spéciaux dans des disciplines spécifiques du programme officiel. C’est le fruit d’une collaboration entre l’Inspection départementale de l’éducation et de la formation (Ief) de Vélingara et l’Ong Grandmother project (Gmp-changement par la culture) qui détient «le brevet d’invention de la stratégie».
C’est justement pour réaliser une revue de cette stratégie que le cabinet Africa consultance international (Aci) a été commis pour en détecter les forces et faiblesses et faire des recommandations afin d’améliorer l’approche et aller à l’échelle, pourquoi pas. Pendant une semaine, Simon Lazare Badiane et Djiby Sow, au nom d’Aci, ont fait le tour de plusieurs écoles des communes de Kandia et Némataba et 4 autres de la ville de Vélingara enrôlées par Gmp-changement par la culture. Dans ces établissements, messieurs Badiane et Sow ont rencontré séparément enseignants, aînés, élèves, consulté des documents, fouillé dans des archives sur les performances des élèves dans une période donnée et interrogé les gestionnaires du système. «La faiblesse essentielle relevée des interviews réalisées est l’insuffisance des moyens financiers du partenaire Gmp-changement par la culture pour étendre la stratégie dans toute la circonscription éducative de Vélingara d’abord, puis aller à l’échelle nationale. Car, pour cela, il faut trouver les ressources pour assurer la formation de tout ce monde et réaliser les documents pédagogiques et outils didactiques nécessaires», a noté Simon Lazare Badiane, consultant.
Des écoles de la communauté
L’intégration des valeurs culturelles positives à l’école a pour objectif principal de prendre en compte les valeurs culturelles de la communauté à l’école. «Il ne s’agit pas seulement d’enseigner ces valeurs, mais aussi d’éduquer les enfants selon les valeurs que la communauté juge positives. Faire en sorte que les enfants intègrent ces valeurs, qu’ils en fassent des comportements positifs par rapport aux attentes de la communauté, que les enfants développent des comportements appropriés à la maison, dans la rue, dans l’école…», informe l’inspecteur de l’enseignement Mamadou Diadhiou, Point focal de la stratégie à l’Ief. Une prouesse réussie dans les zones d’intervention de Gmp-changement par la culture, où l’école n’est plus perçue comme «fabriquant de déviants», où l’école ne crée plus de «cassure avec la communauté». Elle répond plutôt «aux standards communautaires». Selon les émissaires du cabinet Africa consultance international, qui a fait la revue de la stratégie dans les communes de Némataba et Kandia ainsi que dans 4 écoles de la ville de Vélingara. Résultats : désormais, «la communauté s’investit pour prendre en charge les besoins de l’école en inscrivant massivement leurs enfants au Cours d’initiation (Ci), avec un nombre important de filles. Les élèves sont suivis et encadrés à la maison», assure Simon Lazare Badiane. Mieux, selon Djiby Sow, «les parents construisent des cases pour loger les enseignants à côté de l’école, initient des cantines scolaires pour nourrir leurs enfants ensemble et n’attendent aucune instruction pour appeler la communauté à désherber la cour des écoles à l’approche de la rentrée des classes. Les réunions entre l’équipe pédagogique et les parents font le plein et se déroulent dans une ambiance conviviale. Les enseignants de ces écoles, à la périphérie de la ville de Vélingara, passent la nuit dans ces villages et se donnent du temps pour encadrer les enfants à toute heure. Auparavant, ils passaient la nuit dans la ville de Vélingara, toute proche». Toutes choses que l’on a remarquées dans ces zones à partir des années 2015, coïncidant avec le début de l’expérimentation de cette approche.
L’Ivcpe, antidote à la crise des valeurs
Les scènes d’élèves déchirant leurs cahiers à la fin de l’année scolaire ou se donnant des coups de poing avec leurs enseignants ou que des enseignants soient à couteaux tirés avec la communauté ne peuvent pas arriver à Kandia, à Némataba et dans les 4 quartiers où se trouvent les écoles partenaires de Gmp-changement par la culture de la ville de Vélingara. C’est la conviction de l’inspecteur de l’éducation Mamadou Diadhiou, Point focal de Gmp-changement par la culture à l’Ief. Il justifie ses propos : «Dans ces communautés, toutes les crises, tous les conflits mineurs ou majeurs sont réglés en puisant dans les tréfonds culturels mettant au-devant de la scène les aînés, les grands-mères, les tantes et puis les autres leaders communautaires. C’est que tous, à commencer par les jeunes élèves, acceptent que les aînés soient dépositaires de savoirs et de sagesse et que assis, ils peuvent voir ce qu’un enfant perché sur un arbre ne peut apercevoir.» Dans ces écoles, «on comprend, avec les aînés, qu’une Nation se construit autour de valeurs, qu’il ne sert à rien d’avoir des enfants brillants qui vont tout détruire après», dit le consultant Simon Lazare Badiane.
Mamadou Diadhiou ajoute : «Les produits finis de l’école sont conformes aux besoins de la communauté qui a doublement participé à leur façonnement : à la maison comme à l’école. Le respect des aînés, les devoirs des enfants vis-à-vis de leurs parents, les notions de civisme et de citoyenneté sont enseignés et pratiqués.» Mieux, il enchaîne : «Depuis cette année, l’intégration des valeurs culturelles à l’école va commencer au préscolaire. Ce qui fait que dès l’âge de 3 ans jusqu’à 12 ans, les enfants enrôlés dans le programme vont s’imprégner de ces valeurs. En entrant dans l’adolescence, qui est une période crise, ils auront déjà intégré lesdites valeurs.» Aussi les gestionnaires du système éducatif de Vélingara préconisent-ils d’élargir la stratégie à toutes les écoles du département pour une première phase et puis de l’étendre à toutes les écoles du Sénégal.