Près de 400 âmes se réveillent tous les jours dans le village de Foulamory Yéro, situé dans la commune de Saré Coly Sallé. La particularité de cette localité du département de Vélingara est que ses habitants ont échangé les pratiques sunnites de l’islam pour épouser celles du chiisme. Le Quotidien a cherché à en savoir davantage sur les dessous de cette reconversion.Pr Abdoulaye KAMARA –

 La vérité se trouve dans le culte de l’islam chiite. C’est la conviction des quelques 400 âmes qui habitent le village de Foulamory Yéro, situé dans le département de Vélingara. Cette localité de la commune de Saré Coly Sallé se réfugie derrière une forêt, en perte de sa population d’arbres, à près de 2 km de la Route nationale 6. Ici, la population a juste 3 lieux de fréquentation : le champ, la bergerie et la mosquée. Et sur le plan religieux, le village reste à l’écoute de Chérif Mohamed Aly Aïdara, guide de la communauté musulmane chiite Mozdahir. Dimanche passé, une dizaine de notables et jeunes hommes du village ont reçu Le Quotidien dans la mosquée chiite dont les tapis sont ornés de pierres noires posées à intervalle régulière, servant à poser le front dessus au moment de la prière. Un bloc de 3 salles de classe pour l’enseignement du Coran et de l’islam chiite jouxte le lieu de culte. Mosquée et école sont construites par le guide religieux chiite Mozdahir, Aly Aïdara, dont l’autorisation préalable a été nécessaire pour ouvrir le livre d’histoire de ce patelin qui partage un même site avec un autre vil­lage nommé Foulamory Dem­ba, pratiquant partiellement, mais majoritairement, le culte sunnite de l’islam. Seuls les autochtones peuvent dire quelles concessions limitent les 2 Foulamory. Leurs 2 mosquées sont distantes, tout au plus, de 100 m.

Comment donc l’une des mosquées est-elle devenue chiite ? Abdoulaye Sabaly, imam de la mosquée chiite de Foulamory Yéro : «Le père de notre guide religieux a participé à l’islamisation de ce village, à l’époque des pères fondateurs. Chérif Alhassane Aïdara a alors récupéré un certain Ousmane Sabaly, à qui il a enseigné le Coran et les sciences religieuses. Celui-ci, de retour auprès des siens, est devenu l’imam du village. Foulamory Yéro pratiquait le culte sunnite. La rencontre entre Ousmane Sabaly et Chérif Mohamed Aly Aïdara (fils de son maître) a été déterminante dans notre conversion au chiisme.» Il poursuit : «Tout le village croyait en l’imam Ousmane Sabaly, un érudit, très social et juste. Mawlana Aly Aïdara l’a amené en formation au Liban. A son retour, il nous a parlé du chiisme. Et comme nous lui vouions un profond respect qui frise l’adoration, tout le village lui a obéi pour changer de pratique. C’est ainsi que nous sommes devenus des chiites. Sans regret.» Boubacar Sabaly, notable, ajoute : «La vérité est dans le culte de l’islam chiite. La pratique de l’ablution telle que nous la faisions en tant que sunnites est contraire aux écrits coraniques. La Achoura telle que nous la commémorions en tant que sunnites n’était pas décente et puis nous croyons que nous devons avoir foi et confiance à la descendance prophétique dont fait partie Mawlana Chérif Aly Aï­dara. Chérif Aly ne peut pas nous induire en erreur. Nous sommes sûrs d’avoir fait le bon choix aux côtés de Mawlana Chérif Aly.» Dans les villages alentours de Biaro Sokhna, Téyel, Saré Djiba et Saré Sawady, des dizaines de musulmans croient au culte chiite de l’islam.

Chiites et sunnites, la bonne cohabitation
La population du village de Foulamory Demba est quasi totalement de l’école sunnite. Elle obéit, à l’œil et au doigt, à Demba Sabaly, chef du village, adepte de l’école chiite. C’est le départ d’une bonne cohabitation entre chiites et sunnites de cette zone de la province du Passa, dans la commune de Saré Coly Sallé. Demba Sabaly : «Nous vivons en harmonie et sommes solidaires en cas de malheur comme de bonheur. Nous nous fréquentons, sans penser à nos différences de pratiques religieuses. Je suis heureux de diriger une population majoritairement d’ethnie différente de la mienne et qui est majoritairement sunnite. Je suis chiite avec des habitants de quelques maisons. De toute façon, nous avons en commun le même Coran, le même Prophète et la même charia quasiment. Nos différences sont négligeables pour nous empêcher de nous fréquenter. Il n’y a jamais eu de différends entre habitants de Foulamory Demba et Foulamory Yéro.» Abdoulaye Sabaly, imam chiite : «Il arrive, au moment des prières, de recevoir dans notre mosquée, des sunnites de l’autre village. Viennent-ils par simple curiosité, par attirance ou juste parce qu’ils croient qu’en fait nous adorons tous les mêmes prophètes et Dieu ? Je ne saurais le dire. Certains enfants sunnites sont dans les écoles de Mozdahir à Dakar.»
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