#Vélingara – Funérailles dans le quartier Nasroulahi : Quand la solidarité du voisinage soulage la famille du disparu

Dans le quartier Nasroullah de la ville de Vélingara, durant les 3 jours qui suivent le décès d’un habitant, la famille éplorée est interdite de préparer des repas pour l’assemblée d’amis ou de proches qui restent dans la maison, pendant la journée du deuil ou les jours suivants. Par solidarité et pour ne pas davantage éprouver une famille déjà affectée par la perte d’un être, mais aussi, peut-être, par des dépenses liées aux soins de santé.Par Abdoulaye KAMARA
– La mort égalise toutes les conditions sociales et économiques, a-t-on l’habitude de dire. Pourtant, l’on remarque très souvent que les funérailles se tenaient selon le statut social du disparu et de ses proches. Plus ces poches sont pleines de billets et plus les funérailles sont hautes en couleurs. Cela se constate notamment dans la variété et la richesse des menus servis. On immole chameaux, bœufs, moutons, coqs, selon ses moyens financiers, pour nourrir les personnes qui viennent témoigner leur compassion et solidarité à la famille éplorée. Et cela pourrait durer 1, 2 jours ou même une semaine. Mais dans le quartier Nasroulahi de la ville de Vélingara, dans la région de Kolda, les conditions sociales se rangent derrière la solidarité agissante des habitants, à l’occasion d’un deuil. Là-bas quand une personne décède, les foyers restent éteints dans la maison. Les marmites et bols sont rangés pendant les 3 jours d’observance du deuil. On ne discute pas, comme c’est souvent le cas, du bœuf, de ses cornes, de la qualité de la viande ou la quantité trouvée dans un plat ou dans un autre. Aucun fumet ne se dégage des marmites. Au contraire, dans ce quartier, ce sont les voisins qui servent le repas à la famille eplorée. Abdoulaye Mballo, notable dans ledit quartier, explique comment tout a commencé : «C’est érigé en mode de vie, depuis plus de 10 ans maintenant. L’idée est venue le jour où l’épouse d’un septuagénaire est décédée vers les coups de 11 heures. Il se faisait un peu tard pour préparer à manger pour les enfants et proches et c’était une famille démunie. C’est ainsi qu’il nous est venu l’idée de demander aux voisins d’apporter à manger. Nous avons eu plus de plats qu’on en avait besoin.» L’idée a pu être confortée avec le temps et c’est devenu la règle dans le quartier depuis. Mieux, les règles et exigences ont évolué pour améliorer le service.
Gestion organisationnelle
Pour améliorer le service et ne pas créer de cafouillages décourageants, le quartier a pu trouver un mode d’organisation interne. «Quand il y a un décès, le chargé de la communication est aussitôt informé. Il ne s’intéresse pas, tout de suite, à l’heure ou au lieu d’enterrement. Il donne l’information et cite, à travers le haut-parleur de la mosquée, les familles qui doivent servir à manger. Le quartier est divisé en 3 parties. Ce sont les ménages se trouvant à un certain rayon qui assurent le service, pour ne pas avoir à mettre à la poubelle, une quantité importante de mets, comme ce fut le cas pour les premières expériences. Un jeune est chargé de marquer les bols pour identifier la famille d’origine et une dame scrute les plats pour mettre à la disposition des convives, ceux qui ne peuvent pas attendre longtemps, et conserver d’autres pour le dîner et même pour le petit déjeuner, le lendemain. Le même rituel est repris le lendemain et surlendemain. Pour chaque poste, on a mis 3 personnes pour se suppléer en cas d’indisponibilité noté», explique Abdoulaye Mballo. Il est arrivé qu’une famille se soit crue assez riche pour se passer de cette solidarité. Mais, mal lui en a pris. «A l’heure du repas, les habitants du quartier sont tous retournés manger chez eux, ne laissant sur place que les étrangers. Elle a dû jeter à la poubelle, des restes de riz et de viande. Depuis, plus personne n’a défié cet interdit», informe Mamadou Tamba Biaye, notable, quelque peu fier de cette jurisprudence.
Pour les quelques familles non-musulmanes du quartier, le principe de solidarité reste de mise. «On ne gêne pas leur mode d’organisation. L’imam et des notables se rendent dans la famille pour présenter les condoléances et procèdent à une collecte d’argent pour soutenir la famille. 3 jours après, le montant de la collecte est remis aux proches du disparu.»
Pas de conflits sociaux ouverts dans le quartier
Cette forme de solidarité a eu pour conséquence, la cohésion sociale dans le quartier. «Tout le monde se respecte et l’on se fréquente sans gêne. Mieux, on ne remarque plus de conflits ouverts entre des familles ou au sein d’un ménage. Les petites disputes sont apaisées sans difficulté par des préposés à la médiation. On se parle. Nous avons construit une mosquée sans apport extérieur, par la cotisation des habitants du quartier», note Abdoulaye Mballo. Le Délégué de ce quartier habité majoritairement par des citoyens de l’ethnie peule, est un diola. Famara Badiane, ancien employé de la Sonatel, a été élu par la majorité des habitants. Il était en compétition avec feu Adama Diallo. C’est dire que l’ethnicisme est inconnu dans ce coin de la ville.
«En islam, un deuil dure 3 jours tout au plus»
L’imam Thierno Mamadou Saïdou Diallo du quartier Nasroullah de Vélingara, estime que cette pratique observée par son quartier, est conforme à la tradition islamique, telle qu’enseignée et pratiquée par le Prophète de l’islam, Mohamed (Psl). «Un contemporain, fidèle du Prophète, décéda un jour et le Prophète remarqua que la famille éplorée était en train de se démener pour donner à manger aux amis et proches qui étaient sur place. Le Prophète recommanda alors que les fidèles se chargent de trouver à manger à tout le monde. Ce que l’on fit et c’est devenu la tradition en islam. C’est ce que perpétue et renforce le quartier. En islam, un deuil dure tout au plus 3 jours. Tout ce que l’on fait pour un disparu après 3 jours, n’est pas hérité de la tradition prophétique», rappelle l’iman. Le religieux, Saïdou Diallo, poursuit : «Il est préférable pour un musulman qui habite non loin de la maison mortuaire, de rentrer manger chez lui pour ne pas importuner et que les plats qui sont servis à la famille, soient donnés aux étrangers ou à ceux qui habitent loin de là.»