Ce 21 février a été célébrée la Journée internationale de la langue maternelle. Pour l’écrivain et Grand Prix Amadou Hampâté Bâ pour l’intégration africaine, Idrissa Sow, l’enseignement de la langue maternelle constitue aujourd’hui un enjeu culturel, sociétal et de développement endogène. Par Alpha SYLLA –
Malgré les efforts consentis dans cet élan, plusieurs centaines de millions d’individus se sentent étrangers dans leur langue maternelle. «40% des habitants de la planète n’ont pas accès à un enseignement dans une langue qu’ils parlent ou qu’ils comprennent», déplore l’Unesco, qui est aux premières loges dans la promotion des langues locales dans le monde. Célébrée, cette année, à travers le monde sous le thème : «L’éducation multilingue est un pilier de l’apprentissage intergénérationnel», la Journée de la langue maternelle interpelle logiquement le Grand Prix littéraire Amadou Hampâté Bâ pour l’intégration africaine. Dans son bureau au Cem 4 de Vélingara, ce fervent défenseur de l’enseignement des langues locales a souligné l’importance de célébrer le 21 février. «Cette journée permet d’attirer l’attention de tout le monde sur les questions linguistiques. Mais aussi de mobiliser les partenaires et des ressources pour appuyer la mise en œuvre des stratégies et politiques en faveur de l’introduction de ces langues maternelles dans le système éducatif», déclare-t-il d’emblée. Pour Idrissa Sow, la volonté politique freine malheureusement l’introduction des langues locales dans les programmes scolaires sénégalais. «Au lendemain des indépendances, on a poursuivi l’expérience. Mais il y a toujours la dimension politique qui empêche justement la valorisation et la vulgarisation de l’implantation de ces langues nationales dans le système éducatif… Après la concrétisation de cette volonté politique, il faut mettre en œuvre tout un processus linguistique, tout un processus pédagogique, mais également de sensibilisation des populations pour que les gens puissent adhérer au projet», affirme-t-il, non sans inviter les autorités étatiques notamment à concrétiser les projets initiés par le gouvernement et les partenaires du Sénégal allant dans ce sens.
Aider les enfants
Enseignant de profession et auteur de plusieurs ouvrages littéraires, Idrissa Sow, connu sous la plume de Gorkoojo, demeure convaincu que la langue maternelle joue un rôle fondamental dans la révélation des potentialités des enfants apprenants. Selon lui, elle peut avoir un impact considérable sur le processus d’enseignement-apprentissage et le développement endogène. Avec la langue maternelle, «la transmission se fait vraiment de manière beaucoup plus fluide et compréhensible. Parce que quand on parle aujourd’hui du niveau des enfants très faible, c’est parce qu’on leur enseigne et ils apprennent dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Le français n’est utilisé par exemple qu’à l’école. Une fois franchi le portail de l’école, les enfants n’utilisent plus cette langue-là qui n’est pas utilisée par leurs parents, qui n’est pas utilisée dans la société. C’est ce qui explique, en quelque sorte, le niveau faible des élèves. Même les enseignants à l’école parfois ont du mal à s’exprimer en français pour faire passer le message. Donc l’utilisation de la langue est un facteur bloquant pour l’acquisition de connaissances». D’où l’urgente nécessité d’introduire les langues locales dans le système éducatif. Mais le personnel enseignant est-il préparé à l’enseignement des langues locales ? L’écrivain-poète pense qu’il faut un début à tout. Il affirme : «En tout cas, tout le dispositif est là. Des enseignants ont été formés à ce niveau-là. Les ressources matérielles et pédagogiques sont là. Maintenant, c’est la mise en œuvre qui reste. Oui, il faut renforcer, mais il faut un début à tout. Il y a beaucoup d’ouvrages judiciaires qui sont traduits dans les différentes langues nationales ou dans les principales langues nationales. Donc les ressources pédagogiques sont là, le personnel est là, mais ce qui reste, c’est la mise en œuvre.»
Pour rappel, la Journée internationale de la langue maternelle est célébrée chaque 21 février à travers le monde depuis l’approbation en 1999 de l’Initiative Bangladesh par la Conférence générale de l’Unesco. Une manière de promouvoir le multilinguisme et la diversité culturelle entre les peuples et les nations.