Vincent Bolloré, vestige du capitalisme néocolonial et emblème de la «Françafrique», avait entamé son aventure dans la logistique africaine -ports et lignes ferroviaires pour fret- au milieu des années 1970 avec une petite holding familiale sous-capitalisée, qui profita de la vague des privatisations des années 1990 imposées par la Banque mondiale pour asseoir un monopole de fait sur 42 ports en Afrique, à travers 16 terminaux à conteneurs.
Les ports de Dakar, d’Abidjan, de Conakry, de Douala, dans le pré-carré français, furent parmi les plus rentables sur les 74 agences maritimes du groupe Bolloré présentes sur plus de 32 pays en Afrique. Il fut l’entrepreneur français qui a le plus réussi en Afrique, ayant bâti sa fortune de plus de 500 milliards de F Cfa à travers les concessions portuaires et logistiques sur le continent.
Confronté à des investissements coûteux et à la concurrence chinoise et émiratie, sans compter le peu d’attachement de ses héritiers pour l’Afrique. Vincent Bolloré a cédé tous ses actifs portuaires et ferroviaires à l’armateur italo-suisse Msc.
Bien sûr, le magnat septuagénaire, empêtré dans un sordide scandale de corruption -ici en Afrique-, a négocié ce virage financièrement très rentable pour se recentrer sur les médias et la communication afin de laisser les rênes de sa holding à son fils et successeur, Cyrile.
Maersk, Cma Cgm, Msc, Dpw, Hapag Lloyd, sont les armateurs d’envergure mondiale qui détiennent le monopole absolu sur les toutes les chaînes d’approvisionnement -terre, air, mer- et consolident leurs parts de marché en multipliant les acquisitions dans les activités connexes pour diversifier leurs portefeuilles grâce aux bénéfices records générés par le transport maritime florissant et l’exploitation de concessions portuaires ultra rentables.
L’Afrique, malgré ses ambitions d’intégration et de facilitation du commerce intra-africain, utilise encore la flotte et la logistique des armateurs européens et asiatiques pour ses opérations d’import et d’export, de logistique et transport pour les matières premières, les denrées et produits finis.
L’opportunité de faire reprendre par un groupe africain authentique ou un fonds d’investissement africain des activités de Bolloré était ainsi une opportunité que le continent ne pouvait pas rater pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement dans un contexte d’insécurité alimentaire et d’augmentation incontrôlée des coûts de fret avec des opérateurs maritimes qui nous imposent leurs tarifs.
Au Sénégal, il est inadmissible que Bolloré se soit permis de céder ses activités à un armateur autre qu’un groupe sénégalais ou africain. Il fallait impérativement mettre à profit son désinvestissement sur le continent pour asseoir les bases d’une industrie locale ou même dans la logistique portuaire et le fret, riche en emplois dans un pays ou un continent minés par le chômage des jeunes.
Pendant que la Caisse des dépôts et consignations du Sénégal engloutit 30 à 40 milliards sur des immeubles ou sur l’acquisition de foncier de l’ex-aéroport de Yoff sans aucune rentabilité assurée ni emplois créés, un investissement sur la concession portuaire aurait permis de créer emplois, de consolider le fret malien et de l’étendre avec le rail, et surtout de créer des millions de postes de travail pour la jeunesse au Sénégal. Hélas nos managers au Sénégal s’illustrent plus sur le terrain politique que sur le management efficace et efficient de leurs boîtes.
Le patronat privé local, le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis), la Caisse des dépôts et consignations avaient, avec le départ de Bolloré, l’occasion de concevoir une ingénierie financière en levant des fonds à la bourse d’Abidjan grâce à leurs apports initiaux, pour reprendre les activités du concessionnaire au Sénégal et même dans la sous-région, pour un tant soit peu de dignité et fierté dans une Afrique qui veut sortir des grippes de l’exploitation économique et financière de l’ancienne puissance coloniale, le port est un outil stratégique, un levier économique et un symbole de souveraineté.
Bolloré Africa Logistic, c’étaient 20 000 collaborateurs sur près de 250 agences réparties dans 46 pays, avec un chiffre d’affaires de 2,1 milliards d’euros en 2020 : c’est le jackpot de Msc sur notre dos, bref sur le dos de l’Afrique.
Moustapha DIAKHATE
Ex Cons. Spécial PM
Expert et Cons. Infrastructure
Très belle contribution, mais nous devons reconnaître avec humilité que le Sénégal n’a jamais eu un secteur privé riche, ingénieux.
Bolloré a été enrichi par des démarcheurs senegalais à qui, des actions ont été offertes et, pire, les travailleurs sénégalais du groupe, qui avaient des actions ont été « contraints » de les céder à vil prix, pour les empêcher d’être riches et çà, ce sont des sénégalais bon teint qui l’ont fait .
Ce qui est plus choquant avec cette multinationale, aucune cité digne de ce nom et à la mesure des nombreuses concessions et faveurs qui lui a été faites, n’a été réalisée au Sénégal.
Tous les biens immobiliers qu’avaient laissés USIMA, SATA ont été vendus à des tiers voire même des pontes de ce qu’on appelle le secteur privé sénégalais et à vil prix aussi.
Ce ne sont sûrement pas ces dinosaures qui aideront le Sénégal a atteindre cet objectif illusoire d’être des actionnaires majoritaires de ces concessions car, ils sont pauvres d’esprit et ne pensent qu’à eux.