La polémique sur les violences multiples, que des candidates à des élections de Miss ont subies, est loin de s’éteindre. Au contraire. Face à l’ampleur prise par la contestation, la ministre de la Femme et de la famille a réagi en exhortant les victimes à «dénoncer pour obtenir une réparation».

Par Mame Woury THIOUBOU(mamewoury@lequotidien.sn) –

L’affaire de viol suivi de grossesse, subi par la Miss Sénégal 2020, est encore sur toutes les lèvres. Le week-end, bien que mouvementé pour avoir vu les langues se délier, n’a pas baissé l’indignation des Sénégalais, face aux propos tenus la semaine dernière, par la présidente du comité Miss Sénégal. Le vendredi, la ministre de la Femme, Ndèye Saly Diop Dieng, a finalement réagi par un communiqué de presse, dans lequel elle se garde bien de condamner les propos de Amina Badiane. La ministre s’inscrit plutôt dans un autre registre, en appelant les victimes de violences à dénoncer. «J’encourage fortement les victimes de violences, quelle qu’en soit la nature, à dénoncer en vue d’obtenir réparation. Toute victime, qui signale des faits de violences, peut bénéficier des nombreuses mesures de protection développées par les institutions étatiques et, à ce titre, mon département s’engage à apporter tout le soutien et l’accompagnement nécessaires à toute victime qui le sollicitera», souligne-t-elle.
Evoquant les accusations de Fatima Dione, elle insiste sur la sécurité des filles et femmes. «L’actualité récente dans notre pays fait état d’une affaire présumée de viol suivi de grossesse sur la personne de Ma­demoiselle Fatima Dione, Miss Sénégal 2020, avec des accusations et déclarations diverses. En de telles circonstances, l’Etat de droit appelle à les élucider afin que justice soit faite, le cas échéant, conformément à la loi. En attendant, c’est notre responsabilité collective et individuelle qui est encore interpellée au sujet de la protection et la sécurité des femmes et filles, dans leurs différents espaces d’activité, face à des cas d’agression qui sont rapportés.» Un appel que la ministre de la Femme promet d’amplifier dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui démarrent le 25 novembre prochain.

«…Que justice soit faite»
Les propos de Amina Badiane ont été assimilés, par certains, à une apologie du viol. Mais, à en croire l’avocate Nafissatou Tine, fondatrice de Sunulex, une plateforme digitale sur le droit, ces propos ne sont pas constitutifs d’un délit d’apologie du viol. Décortiquant les propos de la dame, elle estime qu’il s’agit plutôt de propos «stupides». «C’est difficile de dire ce que la dame risque. Elle a dit : «Viol gnari nitt gnoko sekk, kougnou violé mola nekh (le viol c’est entre deux personnes et c’est parce qu’on l’a bien voulu.» On ne peut pas dire que c’est une apologie du viol. On peut tout juste dire que c’est stupide et qu’elle est ignorante de ce qu’est un viol. Ce qu’on peut faire, c’est que les associations de droit des femmes doivent se lever et faire une campagne pour permettre aux gens de comprendre ce qu’est le viol et ce que ça implique. Mais je ne crois pas qu’au niveau juridique, il y ait quelque chose à faire.»
Concernant les accusations de Fatima Dione, l’avocate Nafissatou Tine indique qu’elle peut porter plainte elle-même au commissariat de police ou devant le Procureur et se porter partie civile. «A la suite de ça, une enquête sera ouverte pour déterminer s’il y a viol et ce qui s’est passé. Le Procureur peut aussi s’autosaisir.»
Elle rappelle tout de même la définition du viol, «c’est toute sorte de pénétration non souhaitée et à caractère sexuel». Elle poursuit en rappelant que le Sénégal est un pays dans lequel les gens ne comprennent pas ce qu’est un viol. «Parce qu’on est habillé d’une certaine manière, parce qu’on a suivi un garçon dans une auberge, si quelqu’un vous viole, c’est normal, vous l’avez cherché. C’est un élément sur lequel il faut revenir. Quand on parle de viol, il n’y a jamais de consentement, même s’il y a eu flirt très poussé.»
Autre question où le droit devra être dit, c’est la paternité du petit garçon issu de ce viol. A ce propos, Me Tine indique que l’article 196 du Code de la famille est sans appel. «Cet enfant ne pourra jamais forcer le père à le reconnaître, même si les moyens sont là pour le faire. Cette interdiction figure dans l’article 196 du Code de la famille. Et sa mère ne pourra pas le faire non plus. Seul le père, s’il le souhaite, pourra reconnaître l’enfant.» Des dispositions d’un autre âge.