Entre le Sénégal et la Gambie, il y a une relation fusionnelle fondée sur la géographie et l’histoire. Le Président Faye est attendu ce matin en Gambie où une «domination politique» et diplomatique est venue renforcer le poids économique sénégalais à Banjul. La présence de l’Armée et de la gendarmerie qui assure la protection du Président Barrow, en est une preuve éloquente.Par Bocar SAKHO –
Après Nouakchott jeudi, le Président Diomaye sera aujourd’hui à Banjul. C’est une visite à décoder de la même manière que son séjour mauritanien : car la Gambie, logée dans le cœur du Sénégal, est une continuité géographique et humaine du Sénégal. Sans oublier le poids économique des Sénégalais dans cette enclave. Même s’il n’y a pas d’enseigne visible comme Auchan ou Total, considérées comme des symboles de néocolonialisme économique ici et qui cristallisent les rancœurs de certains activistes, le commerce, la manutention et le transport font partie des secteurs où la présence sénégalaise est prépondérante.
Indépendamment de ce poids économique, l’influence diplomatique de Dakar à Banjul est devenue trop forte depuis l’accession du Président Adama Barrow au pouvoir en 2016. La chute de Yahya Jammeh, contraint de quitter le pouvoir par une menace militaire après sa défaite électorale, a provoqué une redistribution des cartes. L’ancien dictateur était devenu trop nuisible, jouant à un double jeu qui alimentait la résurgence périodique de la rébellion casamançaise. C’est une question réglée depuis son départ en exil, avec la destruction de toutes les bases rebelles.
Aujourd’hui, l’avènement du Président Adama Barrow, qui a prêté serment à Dakar en 2016, est perçu comme le signe supplémentaire d’une domination politique et diplomatique, après celle économique. Il est fréquent de croiser un véhicule bleu de la Gendarmerie nationale au cœur du quartier ministériel et présidentiel de la capitale. Signe du maintien des Forces de la Cedeao qui ont «implanté» Barrow et assurent sa sécurité.
«Un pays qui sous-traite sa sécurité présidentielle n’est pas souverain. C’est un Président sous tutelle. Cette perception est très forte au sein de la jeunesse», enchaîne un militant du mouvement citoyen Occupy west field. En écho, Yusuf Taylor, porte-parole de Gueup sa boppa et administrateur du site d’informations Gainako onlines news, renchérit dans Le Quotidien : «La présence des Forces de la Cedeao agace sérieusement les gens ici. Nous ne sommes pas en guerre, leur maintien est inacceptable. Barrow n’a pas encore réussi à être le vrai «Commandant in chief» et cela discrédite son régime. Il n’a pas réussi à établir une confiance totale avec les Forces armées nationales. Il a oublié toutes ses promesses depuis qu’il est là.» En septembre 2021, le cinquième détachement sénégalais de la Mission de la Cedeao en Gambie (Micega), composé de 625 militaires, a été à nouveau déployé à Banjul et ailleurs pour poursuivre leur mission. Il faut savoir qu’en septembre 2020, le Président gambien avait demandé, en marge d’un sommet de l’organisation sous-régionale à Niamey (Niger), le prolongement de la Micega en Gambie, «compte tenu des réformes en cours et de la nécessité de protéger la fragile démocratie dans son pays». La Cedeao avait accédé à sa demande, car cela coïncidait avec une période sensible : l’organisation de l’élection présidentielle gambienne du 4 décembre 2021. Il a été réélu, mais la situation n’a pas changé pour autant. Alors que la Gambie va organiser en décembre prochain le 15e Sommet de l’Organisation de la conférence islamique.
Ambassadeur du Sénégal en Gambie, Bassirou Sène a salué le professionnalisme des soldats sénégalais membres de l’Ecomig, la mission militaire de la Cedeao dans ce pays, estimant que leur présence rassure la population gambienne.
«Le contingent sénégalais déployé en Gambie rassure la population et fait honneur au Sénégal pour le travail qu’il fait dans la discrétion et le sérieux. Ils n’ont pas besoin de sortir leurs armes.
Leur présence est synonyme d’assurance pour la population», a déclaré le diplomate lors d’un entretien accordé à l’Aps, à quelques heures de l’arrivée dans ce pays du Président Bassirou Diomaye Faye.
«Ce que nous avons retenu et les retours que nous avons, montrent que les gens apprécient la présence de cette force, d’autant plus que s’ajoute désormais à leur mission un volet humanitaire à travers la construction de postes de santé et l’appui à la population dans certains domaines», a fait valoir M. Sène. «Le comportement des soldats sénégalais de l’Ecomig est exemplaire. Il est à l’image de l’Armée sénégalaise dans son ensemble. Je connais le professionnalisme et le respect qu’inspirent les militaires sénégalais», a commenté l’ancien Représentant permanent du Sénégal auprès de l’Union africaine. C’est une nouvelle force diplomatique.
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