Voix dissidente dans la mouvance présidentielle : Bougar Diouf face à la Justice pour ses critiques contre Ousmane Sonko

Bougar Diouf va faire face à la Justice aujourd’hui. Il est accusé de «diffusion de fausses nouvelles» pouvant créer des troubles à l’ordre public. C’est la version officielle. Mais officieusement, les critiques contre Ousmane Sonko donnent un relent politique à cette affaire judiciaire. Par Malick GAYE –
Y’a-t-il une loi qui interdit de critiquer le Premier ministre du Sénégal ou le leader de Pastef ? C’est une question pour laquelle Bougar Diouf a, sans doute, cherché une réponse du fond de sa cellule. Le président de l’Union des panafricanistes sénégalais (Ups) et membre de la Coalition «Diomaye Président» comparaîtra aujourd’hui devant le Tribunal de Dakar en flagrant délit. Emprisonné depuis le 25 août pour «diffusion de fausses nouvelles», Bougar Diouf se retrouve au centre d’une affaire judiciaire qui met en lumière ses critiques virulentes contre le Premier ministre Ousmane Sonko, suscitant un vif débat sur la liberté d’expression.
Faut-il le rappeler, Bougar Diouf a publié sur sa page Facebook des déclarations jugées provocatrices par les autorités. Il y exhortait Ousmane Sonko à demander aux rebelles casamançais de cesser d’acheter des armes à Paris et en Turquie, insinuant un usage de ces armes contre l’Armée sénégalaise. Ces propos, qualifiés de mensongers et de nature à troubler l’ordre public, ont conduit à sa convocation par la Division spéciale de cybersécurité (Dsc) le 21 août. Après une audition le lendemain, Bougar Diouf a été placé en garde à vue, puis sous mandat de dépôt le 25 août, pour «diffusion de fausses nouvelles». Bougar Diouf, connu pour son franc-parler, a maintenu ses accusations lors de son interrogatoire, se présentant comme un défenseur de l’unité nationale et de l’Etat de Ddroit. Cependant, ses critiques directes contre Sonko semblent être au cœur de sa mise en détention, alimentant les spéculations sur une possible instrumentalisation de la Justice. Ses sorties médiatiques dirigées contre Ousmane Sonko ne l’ont pas aidé.
Membre de la Coalition «Diomaye Président», Bougar Diouf n’est pas un opposant au régime. Pourtant, son emprisonnement pour avoir critiqué le Premier ministre soulève des questions sur la tolérance à la dissidence au sein de la coalition au pouvoir. Pour beaucoup, cette affaire illustre une volonté de faire taire les voix critiques, même parmi les alliés politiques, dans un contexte où la liberté d’expression sur les réseaux sociaux est de plus en plus scrutée.
L’affaire Diouf s’inscrit également dans un climat judiciaire tendu. Une plainte séparée, déposée le 17 juillet 2025 par Ndéné Baguel Mbodj, directeur du Coud, accuse Diouf de diffamation pour des publications l’impliquant dans l’affaire Sonko-Adji Sarr. Bien que distincte, cette plainte renforce l’impression que Diouf est visé pour ses prises de position controversées.
Le procès de Bougar Diouf, prévu aujourd’hui, est attendu avec une grande attention. Il devra répondre des accusations de «diffusion de fausses nouvelles», un chef d’inculpation qui pourrait lui valoir une peine d’emprisonnement. Au-delà du cas personnel de Diouf, ce procès pose la question des limites de la critique politique dans le Sénégal de 2025.
Alors que le Tribunal de Dakar s’apprête à juger cette affaire, les regards sont tournés vers l’issue de ce procès, qui pourrait avoir des répercussions sur la cohésion de la coalition au pouvoir et sur la perception de la liberté d’expression sous le régime de Bassirou Diomaye Faye. Bougar Diouf, emprisonné pour avoir osé critiquer Ousmane Sonko, deviendra-t-il un symbole des tensions entre liberté et contrôle dans le Sénégal contemporain ?
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