Dans un article intitulé «Dérives institutionnelles et enjeux démocratiques» signé de quatre (4) professeurs dits agrégés (source : Sénégal7) au lieu de cinq (5) annoncés, des institutions de la République et les Forces de défense et de sécurité (Fds) ont été décrites en des termes indignes de personnes de leur rang académique du fait de leur caractère insultant pour qui connait le professionnalisme et la notoriété internationale de nos Fds. Après avoir mis en doute tout ce qui confirme la forme républicaine de l’Etat du Sénégal et son mode d’accès démocratique au pouvoir, ils ont estimé que le Sénégal d’aujourd’hui est un royaume de la période du moyen-âge, en parlant de «vassalisation de la magistrature, caporalisation de l’Adminis­tration (recteurs d’universités sénégalaises, gouverneurs, préfets, Agent judiciaire de l’Etat, Administration pénitentiaire…), féodalisation des Forces de défense et de sécurité (police et gendarmerie)».

Il y a dans ces termes, une double caractérisation : celle faite à l’Etat du Sénégal qui serait féodal, et celle considérant les magistrats, les recteurs, les autorités administratives et les membres des Fds comme de simples vassaux. A l’attention du Sénégalais lambda, pour la juste information duquel nous intervenons, la signification des termes choisis à dessein (ne sont-ils pas des professeurs agrégés ?) se doit d’être précisée : l’Etat du Sénégal serait féodal depuis 2012 selon ces professeurs, le Président Macky Sall aurait institué «un système politique reposant sur le fief, une terre ou un bien immobilier concédé par un suzerain (roi, seigneur) à son vassal, lequel est tenu en échange de lui fournir foi et hommage». En d’autres termes, la République est devenue un royaume organisé sur le «partage de revenus et pouvoirs» entre un seigneur omnipotent et des fidèles dépositaires de privilèges concédés par ce dernier. La comparaison ferait au pire sourire, si ce n’est de laisser indifférent plus d’un, si elle provenait des politiciens, étant donné le contexte pré-électoral du moment. Mais elle est des plus grotesques de la part de prétendus et prétentieux intellectuels de ce niveau, parlant d’un pays qui a connu une double alternance pacifique saluée par la Communauté internationale et qui, avec les dernières élections locales et législatives, a vu les plus grandes collectivités territoriales tomber entre les mains de l’opposition et survenir une répartition inédite des députés entre la coalition au pouvoir et l’opposition.

Concernant les Fds du Sénégal, dire qu’elles sont «féodalisées» est une insulte. Elles qui ont inscrit les plus belles pages de notre histoire et continuent de nous honorer dans tous les théâtres d’opérations de maintien de la paix des Nations unies, jusque dans certains de ses organes et organismes. Vous faites preuve de la plus grande ignorance de leur histoire dans la construction et le renforcement de l’Etat de Droit au Sénégal. De la crise de 1962 à nos jours, en passant par toutes les crises sociales et politiques, vous n’êtes pas nombreux à ignorer que la stabilité de notre pays à travers la pérennité de ses institutions et la paix sociale, sont en grande partie tributaires de la haute conscience républicaine et du professionnalisme de nos Fds. Quand le Haut-commissariat des droits de l’Homme des Nations unies qualifiait d’«usage excessif de la force» l’action des Fds de France contre les «gilets jaunes», rien n’a été à redire contre les nôtres qui étaient dans les mêmes missions de maintien de l’ordre contre non pas des travailleurs en revendications syndicales comme en France, mais contre des actes de pyromanie, de vandalisme et même de terrorisme. Elles ont gardé toute leur sérénité dans cette situation chaotique, provoquée par celui qu’ils défendent, pour ne pas faire face, devant la Justice de son pays, aux graves accusations d’infractions aux mœurs.

Messieurs les «professeurs», vous soutenez sans aucune démonstration logique ou de preuve «palpable», que ces hommes et femmes des Fds, qui ont prêté serment devant le drapeau, sont sujets-disciples d’un seigneur adoré qui s’appellerait Macky Sall. Com­prenez que le temps du «y’a bon Banania» des Tirailleurs sénégalais est révolu, bien avant nos indépendances. Aujourd’hui plus qu’hier, se trouve dans les rangs des Fds et à tous les niveaux, du personnel hautement qualifié, diplômé universitaire et expert dans tous les domaines des sciences modernes. L’institu­tion d’un Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds) et les produits des travaux de recherches dans ce cadre illustrent la qualité intellectuelle des membres des Fds. Des thèses de doctorat (dont celui du Colonel Doudou Sall en sciences managériales), des articles et travaux d’atelier sur le thème de l’exemple de professionnalisme des Fds dans la construction de l’Etat de Droit au Sénégal sont autant d’études intellectuelles qui battent en brèche vos idées. Mieux que vous, les membres des Fds sont trempés dans les valeurs traditionnelles ancestrales institutionnalisées dans leurs établissements de formation, faisant d’eux des citoyens modèles en ces temps de dérives verbales et comportementales à l’encontre même du sacré (violences dans la ville sainte de Touba, injures adressées aux chefs religieux).
Si, comme tout citoyen, vous avez pu librement et en toute impunité exprimer votre opinion (c’est de cela qu’il s’agit) à travers un article publié par les médias, les universitaires que vous êtes de surcroît, ne devaient pas se poser la question de l’existence ou non d’une démocratie et d’un Etat de Droit au Sénégal. Vos étudiants qui vous ont lus, se demanderont certainement quels sont les (nouveaux) critères d’un Etat de Droit qu’il faut retenir : ceux de Hans Kelsen que vous leur avez enseignés ou ceux que vous décrivez dans votre article ?
Vous dites bien : «Il n’y a pire qu’une société doit redouter lorsque le Droit qui est délibéré (décision de Justice rendue) n’est plus appliqué et que la Justice et l’éthique n’en constituent plus les idéaux.» Oh que vous avez raison ! Mais le Pr Boubacar Niang s’est pourtant bien insurgé contre l’application d’une condamnation sur la base d’une disposition pertinente de notre Code pénal pour des faits avérés qualifiés d’exploitation sexuelle en France où il exerce la profession d’avocat et dans tous les pays occidentaux, parce que tout simplement, le Sénégal a choisi pour ces mêmes faits, une qualification autre. Il était en duo avec un de ses confrères français «bon teint» du Barreau de Paris, Maître François Serres, qui a plaidé le consentement de Adji Sarr en oubliant que l’argument du consentement de Nafissatou Diallo n’a pas sauvé Dominique Strauss-Kahn. Qu’en matière d’exploitation et d’abus sexuels, contrairement à la corruption de la jeunesse, l’âge de la victime ne compte pas (Nafissatou Diallo avait 33 ans). En effet, la corruption de mineurs (13 et 16 ans) à l’article 320, et la corruption de la jeunesse (entre 16 et 21 ans) à l’article 324 al.2 de notre Code pénal ne concernent que les filles et garçons de moins de 21 ans. Cette fois, le Pr Niang a élargi son cercle de défenseurs du «cas Ousmane Sonko» avec des collègues sénégalais à la suite des «140 intellectuels». La pertinence d’un argumentaire tiendrait-il au nombre de signatures de sachants coauteurs ? Visiblement, ils sont dans le «tape-à-l’œil» en cherchant à impressionner (par le nombre et le grade) et non à éclairer leurs lecteurs. Eclairer les citoyens pour un sachant, c’est, dans cette «querelle politique», expliquer les points de Droit qui se posent. Le Tribunal d’instance de Ziguinchor a statué au principal, sur la radiation de Ousmane Sonko des listes électorales. Son caractère exécutoire immédiat n’est pas discutable. Toutefois, il faut noter :

la décision est fondée sur la preuve non apportée devant le Tribunal par l’Agent judiciaire de l’Etat, de l’accomplissement des formalités de publicité de la condamnation de Sonko dans l’affaire Sweet Beauté conformément à l’article 211 du Code de procédure pénale (Cpp) qui conditionne les déchéances, dont celle d’être électeur et être éligible (Article 212 du Cpp) ;

«Preuve non apportée» ne signifiant pas (en réalité) inexistence effective, si le ministre de la Justice a dressé et envoyé à la Direction générale des élections (Dge) la liste des personnes condamnées à des peines entraînant privation desdits droits après que toutes les formalités de publicité requises en la matière ont été effectuées, réinscrire Ousmane Sonko reviendrait à renoncer à se conformer aux dispositions de l’article 212 du Cpp et L.40 du Code électoral ;

La Chambre administrative de la Cour suprême, dans son ordonnance en référé n°23 du 6 octobre 2023, a jugé conforme à la loi, le refus par la Dge de remettre les fiches de parrainage au mandataire de Ousmane Sonko sur la base de ses missions de contrôle des inscrits et non-inscrits sur le fichier électoral. Par voie de conséquence, on peut en déduire qu’elle valide du coup la radiation de ce dernier elle-même fondée sur une condamnation non anéantie par l’arrestation du contumax.

Sous ce rapport, ne pas reconnaître et dire qu’il y a bel et bien une situation de difficulté juridique d’application de la décision du Tribunal d’instance de Ziguinchor, amène à se poser des questions sur la bonne foi de ces professeurs.
Concernant la Magistrature, également salie par ces cinq professeurs (mousquetaires ?), il y a lieu de noter que le seul Tribunal d’instance de Sédhiou a «délibéré» entre janvier et août 2023 sur près de onze mille (11 000) dossiers, sans bruit et dans la sérénité. En faisant le rapport statistique entre les décisions rendues en toutes matières par l’ensemble des juridictions de ce pays et le nombre de cas décriés dans la presse, qui sont uniquement les affaires pénales d’hommes politiques, il est insoutenable de qualifier ainsi la Magistrature du Sénégal.

En définitive, on est en droit de penser que c’est plutôt la perception de ces «professeurs» du Sénégal, qui est fondée sur «de l’extraversion et de la schizophrénie». Oui, messieurs les professeurs, vous avez exercé un droit et une liberté fondamentale caractérisant une démocratie et un Etat de Droit. Vous êtes bien dans le pays des élections sans contestations de transparence, de régularité et de sincérité. En soutenant le contraire, vous prenez une position politique, et par conséquent, vous avez abandonné votre science, pour paraphraser Max Weber. Vous devez admettre que ce qui dérive au Sénégal, c’est la citoyenneté, c’est l’abus et le libertinisme dans l’exercice des droits et libertés consacrés, mais limités par notre Constitution. Il y a dérive quand, au nom de la liberté d’expression ou de presse, on insulte ou diffame, mais le pire, c’est quand des intellectuels s’y mettent en fermant les yeux sur les actes de destruction des «temples du savoir» que sont les écoles et universités. Ne voyez-vous pas les menaces que le prétexte du droit de grève fait peser sur les apprenants ? Tous ces faits ne vous ont pas émus et vous vous attaquez aux fondements du seul ilot de stabilité et de cohésion sociale de la sous-région. Je ne vous souhaite pas bonne chance.
Sankoun FATY
Colonel de Gendarmerie
à la retraite
Acteur de la Société civile
de Sédhiou
sdfaty@gmail.com