Les élections législatives approchant à grands pas, la fièvre s’est emparée de tout ce monde de soi-disant politiciens. La situation délétère qui en découle n’épargne personne, pas même le chef de l’Etat. Que le président de la République veuille voir sa coalition remporter les élections législatives et en particulier à Dakar, il n’y a rien à y redire ! Qu’une victoire dans la capitale lui tienne si à cœur qu’il en arrive à menacer les ministres investis pour diriger les listes des départements de Dakar de les relever en cas de défaite, rien de plus normal après tout ! Comme sous tous les cieux, c’est sa propre légitimité de chef qui est en cause lorsque des ministres sont battus. Mais ce qui est par contre à la fois surprenant et inadmissible, ce sont les termes guerriers – nous devrions dire mortifères – qu’il a utilisés pour galvaniser ses troupes.
«Gagner ou périr» a-t-il dit. Ne sème-t-il pas là les germes d’une violence à venir où la fin justifierait tous les moyens et où la recherche d’une victoire à tout prix se ferait sur le lit des agressions, coups tordus et autres voies de fait ? De tels éléments de langage ne constituent-ils pas une sorte d’apologie implicite de la violence ? Les évènements récemment survenus à Grand-Dakar sont là pour en attester, quoi qu’en dise l’un de ses ministres-conseillers, une dame, qui s’en est émue en soulignant, à juste titre, que «pour participer à la construction effective de notre pays, il ne s’agit pas d’avoir des biceps ; il s’agit d’avoir des neurones».
Pourtant, ce sont bien les termes excessifs qu’utilisent certains hommes politiques – et pas des moindres – qui cautionnent, à défaut de la générer, cette violence de leurs militants ; une violence que les différentes composantes de la famille libérale et de ses démembrements ont en partage, si ce n’est l’exclusive, force est de le souligner. L’on a même entendu un ministre de la République, fraîchement enrôlé au parti présidentiel et investi comme tête de liste à Dakar, affirmer sans sourciller qu’«il faut douter du patriotisme de celui qui refuse de soutenir Macky Sall». Comme si la politique était une affaire de personnes et non de projets de société, différents ou même divergents certes, mais sereinement argumentés. Si ce n’est pas là un appel à la stigmatisation, voire au pogrom, ça y ressemble étonnamment !…
Monsieur le Président, même si le Sénégal a déjà connu depuis Blaise Diagne des tensions et violences politiques, jamais l’on n’a entendu les différents leaders qui se sont succédé à la tête du pays théoriser aussi ouvertement la violence, au point de s’en référer à une image de combat meurtrier de gladiateurs. Lorsque, par la grâce de Dieu, l’on exerce les plus hautes charges de l’Etat, l’on gouverne par l’exemple, un exemple de sérénité, de maturité et de sagesse, en apprenant à tendre la main et à dialoguer.
Heureusement, cependant qu’il se trouve encore dans les arcanes du pouvoir quelques personnes mesurées – trop rares, hélas ! – qui gagneraient à être entendues, à l’image de cette dame ministre-conseiller qui a eu la sagesse de dire : «Aujourd’hui, si nous voulons nous réconcilier avec la population, nous devons donner une meilleure image. Une image qui puisse rassurer et cette image est traduite par l’utilisation de notre intelligence à solutionner les difficultés des populations sénégalaises…»
Aussi, Monsieur le Président, puissiez-vous trouver l’inspiration nécessaire, afin que votre obsession pour l’obtention d’un second mandat ne se traduise pas par des dérapages et raidissements pouvant remettre en cause, non pas la paix sociale que nous enviaient tant nos voisins, mais tout simplement l’équilibre précaire qui caractérise aujourd’hui la situation sociopolitique du pays.
Mohamed SALL SAO
Tête de liste de la Coalition «Assemblée bi ñu bëgg»