La lutte contre la corruption et le recouvrement des biens mal acquis sont au cœur de la politique américaine. Par Bocar SAKHO –

Que dire ? Aux Usa, la lutte contre la corruption est une réalité ancrée dans les politiques publiques. En Afrique, il y a encore du chemin à faire en dépit des programmes de lutte contre le fléau. Mais, de hauts responsables publics arrivent encore à planquer des biens à l’étranger, mais le recouvrement des biens mal acquis à l’étranger permet aux pays spoliés de récupérer une partie de certaines richesses. Aux Usa, le gouvernement a mis en place un système de lutte contre la corruption qui a permis de mettre la main sur certains biens de Yahya Jammeh estimés à des millions de dollars, acquis grâce aux détournements de deniers publics et aux pots-de-vin. A travers des sociétés fictives et des fonds fiduciaires, il a voulu blanchir ses fonds à l’étranger. Mais, il a été rattrapé par «big brother». «Il a même acheté un manoir à Potomac dans le Maryland de plusieurs millions de dollars pour blanchir ces revenus illicites», rappelle Mme Chandana Ravindranath, directrice de la lutte contre la corruption au Conseil national de sécurité des Etats-Unis, qui intervenait dans le cadre du «US Anticorruption efforts virtual reporting tour» organisé par le département d’Etat américain.
Face à cette situation, les avoirs de l’ex-dictateur gambien ont été gelés par les autorités américaines, qui ont aussi bloqué ses visas d’entrée ainsi que ceux de sa proche famille. Ce n’est pas tout, «en 2020, en s’appuyant sur les résultats des enquêtes menées par les fonctionnaires gambiens -et je tiens à souligner que nous avons travaillé en étroite collaboration avec les fonctionnaires gambiens sur ce point-, le ministère de la Justice des Etats-Unis a déposé une plainte au civil visant à obtenir des dommages et intérêts et la confiscation de la propriété du Maryland de Yahya Jammeh», rappelle Mme Chandana Ravindranath.
Grâce à Global Magnitsky act, des mesures de rétorsion ont été prises contre Dan Gertler pour ses activités en République démocratique du Congo. «Et il y a un certain nombre d’autres exemples. Nous nous concentrons sur la corruption au niveau mondial, l’autorité Magnitsky nous permet de le faire dans le cadre de sanctions, et bien sûr, le département de la Justice des Etats-Unis a ses propres sanctions civiles et pénales. Le ministère de la Justice des Etats-Unis dispose également de ses propres autorités civiles et pénales», enchaîne-t-elle.
En matière de recouvrement des avoirs mal acquis, les Usa ont procédé à la restitution «transparente» de ces biens. En collaboration avec ses partenaires étrangers, les Etats-Unis ont ciblé plus de 3,4 milliards de dollars issus de la corruption. «Nous avons confisqué plus de 1,7 milliard de dollars de ces avoirs et avons restitué et aidé à la restitution de plus de 1,6 milliard de dollars aux pays victimes. Il s’agit de fonds retirés des mains de criminels et de kleptocrates, et ils ont été restitués à ces pays pour financer les écoles, les routes et les hôpitaux dont ils ont besoin», glisse James A. Walsh, premier adjoint au directeur du Bureau of International narcotics and law enforcement affairs.

Renforcement des partenariats
Il faut savoir que le 6 décembre 2021, la Maison Blanche a mis en place la Stratégie américaine de lutte contre la corruption. Elle va permettre de corriger «les lacunes du système» pour rendre encore plus ardue la «dissimulation des biens mal acquis» sur son territoire avec le renforcement de la transparence dans les transactions immobilières pour rendre plus difficile tout risque de blanchiment de fonds. «Il s’agit notamment de moderniser, de coordonner et de financer les efforts du gouvernement américain pour prévenir la corruption ; de lutter contre les financements illicites ; de tenir les acteurs corrompus responsables, de préserver et de renforcer l’architecture multilatérale de lutte contre la corruption ; d’améliorer l’engagement diplomatique et de tirer parti des ressources d’aide étrangère pour mettre en œuvre une politique de lutte contre la corruption», a-t-elle expliqué. «Nous mettrons effectivement en œuvre la loi fédérale obligeant les entreprises américaines à signaler leur bénéficiaire effectif, ou leur véritable propriétaire de l’entreprise, ce qui rendra plus difficile pour les acteurs corrompus de se cacher derrière des structures d’entreprise opaques», ajoute Mme Ravindranath.
Aujourd’hui, le Président Biden, qui a organisé le Sommet sur la démocratie en décembre dernier, a demandé aux partenaires d’intensifier la lutte contre la corruption. Selon James A. Walsh, du Bureau des affaires internationales de stupéfiants et de l’application de la loi, de «nombreux dirigeants ont annoncé de nouveaux engagements en matière de lutte contre la corruption dans leur pays et à l’étranger». «Par exemple, certains pays ont promis d’élaborer ou de réviser leur législation anticorruption afin d’en renforcer l’application. D’autres ont mis l’accent sur la transparence des marchés publics ou sur leurs efforts pour lutter contre la corruption à l’étranger. Nous travaillons avec nos partenaires pour concrétiser ces engagements. La Stratégie américaine de lutte contre la corruption met particulièrement l’accent sur la corruption transnationale et appelle à des partenariats internationaux pour contrer cette menace transnationale», glisse James A. Walsh.
L‘initiative Democracies against safe havens (Dash) va renforcer les capacités des gouvernements partenaires pour lutter contre la dissimulation des biens mal acquis et renforcer les trains de sanctions contre des acteurs de la corruption.
Autant de préoccupations qui nécessitent le renforcement des cadres nationaux de lutte contre la corruption, sur la fin des pratiques commerciales opaques, la traque des biens mal acquis. «Il faut améliorer la capacité des pays non seulement à prévenir, mais aussi à détecter et à enquêter sur les acteurs et les réseaux de corruption», note Shannon N. Green, Directrice exécutive de la task-force de la lutte contre la corruption à l’Usaid et Conseillère principale de l’administrateur de l’Usaid. Pour la diplomate, «le succès de la lutte contre la corruption passe par une approche collaborative et coordonnée, non seulement au sein du gouvernement américain, mais aussi avec tous nos partenaires et parties prenantes qui sont investis dans cette mission». Evidemment !
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