Woodside – Santos : Sangomar sur la balance

Le destin pétrolier et gazier de notre pays se joue actuellement en Australie, dans les milieux financiers et boursiers où l’opérateur du champ offshore pétrolier sur nos côtes, Woodside Energy, tente laborieusement une fusion-acquisition avec son rival Santos Energy. L’objectif de ce mariage en phase préliminaire de due diligence, c’est de faire du couple Woodside-Santos le plus grand producteur et opérateur de gaz naturel liquéfié d’Australie, 2ème plus grand exportateur de Gnl après les Usa.
Selon les projections, Woodside Energy, en tentant l’acquisition de son rival Santos Energy, se positionne sur le marché du Gnl qui occupera 55% de son activité et seulement 23% pour le pétrole brut, le reste sera le gaz naturel sur gazoduc. Si l’opération réussit, Woodside Energy sera parmi les 6 plus grands opérateurs gaziers et pétroliers du monde devant un géant comme l’italien Eni et juste derrière Qatar Energy, avec une capitalisation boursière de plus de 50 milliards de dollars Us soit, trois fois plus que le Pib du Sénégal.
Bien évidemment, le portefeuille de Woodside dans le monde va peser de tout son poids dans la décision finale de cette méga-fusion ou acquisition qui va combiner les actifs critiques et stratégiques des deux entreprises et les arbitrages qui vont s’en suivre. Dans le portefeuille de Woodside Energy figure en très bonne place le champ Sangomar sur nos côtes, qui attend le navire –Fpso- pour la production du premier baril, repoussée au second semestre de 2024, c’est-à-dire après les élections de février 2024.
Woodside détient une majorité absolue du champ Sangomar situé à 100 km au sud de Dakar, de l’huile surtout et subsidiairement du condensat devraient être extraits de ce projet phare pour l’avenir énergétique du Sénégal, surtout pour les opportunités dans l’aval pétrolier avec le raffinage de l’huile brute par la Sar. Ce sont plus de 230 millions de brut que se partagent la joint-venture Woodside Energy Senegal-Far Sénégal et la holding publique Petrosen.
Techniquement c’est un défi majeur pour un champ pétro-gazier d’une telle configuration en Afrique ; 2 km de profondeur, donc en ultra-profond, couvrant 400 km2 à des profondeurs d’eau sur certains flancs, allant de 700 m à 1 400 m, d’où l’option d’une unité flottante et mobile de type Fpso qui permettra des phases de développement futur sur cet immense périmètre marin.
Malheureusement, le contexte géopolitique entame déjà la rentabilité future du projet Sangomar, avec les tendances à la baisse du baril du pétrole. Selon les prévisions les plus sérieuses, la correction du prix du baril devrait se poursuivre en 2024 et au-delà, avec les productions record de pétrole dans le bassin permien américain, aussi l’impact des mesures sur le climat auquel les opérateurs d’énergie fossile ont souscrit juste avant-hier durant la Cop28 à Dubaï.
Quelle que soit l’issue des chamboulements en cours en Australie, il est clair que le projet Sangomar garde toute sa pertinence dans la stratégie de Woodside Energy. Cependant, notre pays devrait envisager à l’avenir des schémas alternatifs pour faire de Petrosen l’opérateur majeur sur notre bassin sédimentaire, en augmentant ses capitaux propres surtout, et en renforçant ses capacités scientifiques et techniques, comme la Norvège. Les aléas du capitalisme mondial et cette nouvelle phobie du fossile seront autant d’obstacles pour le financement adéquat des futurs projets d’hydrocarbure sur le continent, il nous faut donc urgemment envisager des alternatives nationales ou même sous-régionales, donc endogènes -maîtrisables et prévisibles- si nous voulons faire profiter à nos populations de nos richesses en hydrocarbures.
La phase de consolidation en cours dans le secteur pétrolier et gazier dans le monde, sur fond de transition énergétique dans un contexte de baisse tendancielle des cours du pétrole, risque de remettre en cause beaucoup de projets en cours dans le secteur des hydrocarbures, surtout en Afrique où le risque et le coût du capital restent trop élevés. Le capital dicte toujours sa loi et, à défaut de nous adapter, explorons notre propre voie pour l’exploitation de nos richesses du sol et du sous-sol.
Moustapha DIAKHATE
Ex Cons Spec PM
Expert et Consultant Infras