Sur la libération de Ousmane Sonko, Mahammed Boun Abdallah Dionne dément Eric Zemmour et regrette l’écho au Sénégal des propos d’un «journaliste raciste». L’ancien Premier ministre minimise la portée de l’arrestation du leader de Pastef dans les manifestations meurtrières de ces derniers jours.
Jusqu’ici le gouvernement sénégalais n’a pas réagi aux propos du journaliste français, Eric Zemmour, qui liait mardi la mise sous contrôle judiciaire de Ousmane Sonko à des pressions de Emmanuel Macron sur Macky Sall. «Les propos de Eric Zemmour sont des mensonges. Vous parlez d’un journaliste mais c’est un ancien Premier ministre qui dit que ce que Zemmour a dit, n’est pas vrai. L’Etat ne fonctionne pas comme ça. Il dit que la France voulait envoyer la Marine. Ce n’est pas possible», a déclaré Mahammed Boun Abdallah Dionne, invité en exclusivité sur Rfm hier. Eric Zemmour, polémiste et chroniqueur à la télévision CNews, avait affirmé : «Selon mes informations, Emmanuel Macron avait hésité et songé envoyer la Marine française, une intervention militaire. Puis, il s’était rétracté. Apparemment, c’est lui qui a fait pression sur le Président (Macky Sall) pour que l’opposant (Ousmane Sonko) soit libéré immédiatement.»
Pour l’ancien Premier ministre du Sénégal, une intervention militaire de la France au Sénégal n’est pas possible. «La plus petite économie du monde où le Président est élu au suffrage universel n’accepterait de subir de pression de qui que ce soit encore moins d’un collègue. Il faut méconnaître l’Etat pour le penser. Ça n’existe pas», a encore ajouté M. Dionne qui regrette que les médias sénégalais reprennent les propos d’un «raciste». D’après lui, le Président Macky Sall travaille à garantir les intérêts du Sénégal. Ejecté du gouvernement en novembre dernier et muet depuis, l’ancien ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence, partage la lecture du chef de l’Etat dans les manifestations violentes qui ont secoué le Sénégal ces derniers jours.
«La contradiction principale des jeunes, c’est un cri de colère»
Sans citer le nom de Ousmane Sonko durant l’entretien de 90 minutes, M. Dionne estime que l’arrestation du leader de Pastef n’est pas le motif de la colère des jeunes. «Je pense que le président de la République a eu le langage qu’il fallait. C’est un langage de vérité. Il a identifié la contradiction principale. Il y en a forcément des contradictions secondaires mais la contradiction principale des jeunes que j’ai écoutés, c’est un cri de colère. Le Président l’a qualifié en disant comprendre la colère des banlieues dans leur mal vivre», a analysé le dernier Premier ministre du Sénégal. Selon lui, le président de la République «va encore surprendre les Sénégalais qui vont comprendre qu’il a eu la bonne lecture et les a entendus». Il invite cependant Macky Sall à cultiver l’apaisement et la stabilité. Apaisement signifie-t-il la libération des opposants et activistes ? Mahammed Dionne est formel : «Il y a des choses que le Président peut pardonner et d’autres non. Des gens sont venus à la Rfm pour incendier des véhicules, d’autres ont saccagé des magasins, des stations-services, des marchés, des symboles de l’Etat comme des postes de gendarmerie, de police… Là, justice doit se faire.» Aussi, l’ancien chef du gouvernement «condamne les actes de pillage et les saccages». D’ailleurs, a-t-il souligné, «le marché a déjà sanctionné le Sénégal». Il explique que les taux d’intérêt pour emprunter sont passés de 5% à 7%. «On va continuer à se battre jusqu’à ce que ce taux monte à 17% comme dans certains pays ? A la longue, on ne pourra plus financer les projets du Président», a-t-il conclu.