Séisme au Maroc, y’a-t-il des risques que cela puisse se passer au Sénégal ? D’aucuns diraient que cela est impossible au Sénégal, et pourtant notre pays se trouve dans une zone à risque. En effet, au large des côtes sénégalaises, se trouvent de nombreuses failles qui sont caractéristiques des zones volcaniques. On peut penser que ces failles sont inactives, il n’en est rien. Dans les années 90, au Laboratoire des rayonnements naturels de la Faculté des sciences et techniques de l’Ucad, nous menions une étude sur la mesure de concentration de radon sur la Corniche-ouest de Dakar. Pourquoi cette étude ? A l’époque, avec des collègues français et américains, nous utilisions la mesure de la concentration du radon dans le sol pour la prévision des séismes. Rappelons que le radon est un gaz radioactif d’origine naturelle inodore et incolore. Il provient de la désintégration de l’uranium et du radium présents dans la croûte terrestre. Plusieurs travaux de recherche ont montré qu’à l’approche d’un séisme, la concentration du radon émanant du sol augmentait drastiquement, ce qui constitue un indicateur d’un phénomène sismique imminent. Ainsi, lors de nos travaux, le rôle traceur du radon était utilisé pour suivre des sites volcaniques comme la Piton de la fournaise aux îles de la Réunion et la faille de San Andreas en Californie.
Cependant, pour avoir des valeurs fiables, il fallait maîtriser l’influence des paramètres atmosphériques sur l’émanation du radon du sol. Sur ce dernier aspect, lors de campagnes de mesures effectuées aux Almadies, nous avions enregistré par deux fois des pics de radon de plusieurs dizaines de fois supérieurs à la normale ! Ce résultat traduisait indéniablement la survenance d’une activité sismique que nous n’avons pas pu confirmer avec les services étatiques, du fait de l’inexistence d’un monitoring de l’activité sismique de nos côtes et au large.
Aujourd’hui, avec l’exploitation prochaine du pétrole, le risque sera accru. En effet, l’injection d’eaux usées issues de l’exploitation pétrolière provoque des tremblements de terre que l’on croyait «petits». Dans le cas d’une exploitation offshore, ces petits tremblements de terre sont qualifiés de micro-tsunamis. Il vient d’être prouvé par une équipe de chercheurs (Ryan Schultz et al., Geophysical Research Letters, March 2023) de l’université de Stanford (Usa) que ces petits tremblements générés par l’exploitation pétrolière sont à l’origine du plus puissant tremblement de terre de l’histoire de l’Alberta (Canada). Ce tremblement de terre survenu en novembre 2022, d’une magnitude de 5,6, ressenti jusqu’à près de 650 kilomètres, a été attribué, par ces chercheurs, à l’activité pétrolière déployée dans la région. Devant ce risque «potentiel», il serait bon que le Sénégal prenne des mesures préventives, car nous ne sommes pas à l’abri. Par principe de précaution, il faut tout d’abord identifier et cartographier l’activité sismique au large des côtes sénégalaises et par la suite, procéder à un monitoring systématique de cette activité sismique, surtout autour des blocs d’exploitation.
Pr Adams TIDJANI
Vice-Président de l’Observatoire Citoyen du Pétrole et du Gaz (Ocig)