Pendant que les performances de Sadio Mané, Lamine Camara et compagnie sont saluées et épiées du côté de Yamoussoukro, loin du tumulte de Dakar, à Deni Birame Ndao, l’on prépare et couve les talents de demain. Directeur technique de Génération foot, Abdoulaye Sarr, ancien sélectionneur des Lions, vous guide à l’intérieur de cette académie dont les résultats sont liés à un processus arrivé à maturité. Ce n’est pas l’improvisation, mais un travail réalisé grâce à une machine installée sur les hauteurs de Deni Birame Ndao. (Itw à regarder sur Quotidien Tv).Aujourd’hui, le football sénégalais triomphe au niveau de toutes les catégories grâce surtout à l’avènement des académies. Vous êtes Directeur technique de Génération foot, expliquez-nous ce processus…

Il ne faut pas décréter les choses, il faut planifier. Nous sommes dans ça avec l’avènement des académies. Je n’ai pas peur de le dire. Là où nous sommes, à Génération Foot, il faut saluer le travail abattu. Je suis un acteur, un témoin, c’est du vrai travail. Et si on parle de Génération Foot, ce sont des infrastructures de qualité. Même en Europe, il y a des structures qui n’ont pas ces infrastructures. Ce sont des choses sur lesquelles repose le succès. Ce sont aussi des cadres de qualité et une grande organisation. Il faut aller pas à pas et être très structuré dans ce qu’on fait. On n’a pas formé les joueurs par hasard. Ici, notre credo, ce n’est pas de former des joueurs, c’est de former des hommes. Leur inculquer des valeurs pour leur intégration harmonieuse dans la société. C’est ça qui est le plus important, parce que le seul joueur ne peut pas faire son projet de vie sans être formaté à l’école des valeurs. Et je pense que de plus en plus, notre école le démontre même avec ses résultats : 100% au Bac pendant trois ans, et on va continuer comme ça. Il faut parler de la scolarité à Génération Foot. Quand les gens pensent qu’ici c’est une machine à former des joueurs, nous, nous disons que c’est une machine à former des hommes.

«Construire son avenir avec passion», qui est votre slogan ?
Il faut retenir tout cela et se dire que notre maigre expérience, nous sommes en train de la mettre ici au service du football sénégalais. Les joueurs sont des Sénégalais et ils appartiennent au Sénégal. Je sais qu’il y a d’autres qui nous emboîtent le pas, et ça c’est pour le bonheur du football sénégalais. Il faudrait encourager l’excellence, et c’est ça qui doit animer les différents acteurs, mais si quelques fois on fait des partis pris, je pense qu’on ralentit le progrès, c’est mon sentiment. Ce ne sont pas des attaques, mais des vérités que je voulais sortir et je profite de votre présence ici. Nous, nous travaillons pour notre pays, et sur le terrain, on fera tout pour que les joueurs venant de notre académie prouvent aux gens qu’ils ont été bien formés, qu’ils sont des citoyens sénégalais et qu’ils ont le sens de la Nation. Le terrain ne ment pas, il n’y a que cette vérité qui existe. Moi, je ne peux pas vous dire avant un match ce qu’il en sera, mais on peut avoir une certitude sur la préparation. Maintenant, le match en lui-même, c’est le domaine des incertitudes. Sur ce plan, voilà notre contribution et aussi souhaiter un excellent parcours à notre Equipe nationale, nous n’avons que cela. Et dire à ces jeunes-là, nos prières les accompagnent.

Aujourd’hui, la colonne vertébrale de l’Equipe nationale est constituée de joueurs de Gf. Lamine Camara est en train de montrer toute l’étendue de son talent à la Can. C’est une pépite ?
C’est une pépite, mais pour le développement d’un joueur, il faut le protéger, faire doucement, n’allons pas vite en besogne. Lamine est encore jeune et a besoin de se bonifier dans sa formation. Il n’a pas tout, mais il est sur le chemin, donc il ne faut pas brûler les étapes. A son âge, on peut avoir de l’espoir et compter sur lui pour demain. Il a encore des choses à apprendre, il faut le protéger si nous voulons en faire notre pépite demain, il y a encore des choses qu’il doit comprendre. Il faut l’encourager, il est sur la bonne voie, et lui souhaiter une longue vie pleine de santé. Si nous sommes dans cet état d’esprit sur dix ans, on sortira des joueurs et le Sénégal pourrait en profiter.

Les perspectives sont bonnes pour le football ?
Les perspectives sont bonnes, et je dis bravo au président Mady Touré (président de Gf). C’est son entêtement et son courage qui font qu’on a aujourd’hui tout ceci. Je remercie aussi notre partenaire officiel, le club de Metz, avec un président qui abonde dans le même sens que le président Touré. Priez pour que ce partenariat soit non seulement gagnant-gagnant, mais profite aussi au Sénégal et au football africain, parce que nous travaillons aussi pour notre continent. Il n’y a pas que des Sénégalais, il y d’autres nationalités à Génération Foot. Il faut que les Sénégalais sachent que ce n’est pas exclusivement réservé aux Sénégalais. La preuve, notre logo, avec la carte de l’Afrique, ce n’est pas pour rien. Nous sommes Génération Foot, mais on travaille pour l’Afrique.

«Je n’oublierai jamais le match Sénégal-France…»
«En Equipe nationale, j’ai fait une centaine de matchs sur le banc avec les différentes sélections, mais le match qui m’a le plus marqué, c’est celui contre la France en Coupe du monde. Le 31 mai 2002, un vendredi, je ne l’oublierai jamais, ça a créé beaucoup d’émotions. Avant le match, je me disais, ce que les journalistes ont dit la veille, lors de notre dernière séance d’entraînement : «Vous là, est-ce que vous êtes venus en Coupe du monde ou bien vous êtes venus vous promener ?» Parce qu’après l’entraînement, les joueurs exécutaient un pas de danse qu’on appelle «le dialgati», et c’est Henry Camara qui dirigeait. Et ils disaient : «Ces Africains-là, ils viennent en Coupe du monde et ils s’amusent.» Mais c’est notre culture, c’est ça qui fait notre identité, et on ne l’a pas oublié. Et à la sortie des vestiaires, après la cérémonie d’ouverture, les jeunes que les joueurs devaient tenir pour entrer dans le stade, quand les joueurs sénégalais sont sortis en premier, ils s’amusaient avec eux. Quand les Français sont venus, ils étaient de glace. Ils n’ont pipé mot et n’ont même pas pris la peine de regarder un peu ces jeunes Coréens qui étaient là avec des yeux hagards. Tandis qu’un groupe s’amusait avec les Sénégalais, les autres étaient là d’une manière placide. Ça montre que ce sont des Sénégalais qui jouent dans le championnat de France en grande partie, qui jouaient avec des joueurs français qu’ils connaissaient. Et la stratégie mise en place sur ce match-là était bien préparée, des mois avant. Le repositionnement de Aliou Cissé devant la défense comme essuie-glace ne s’est pas fait au hasard, ce sont des études qu’on a faites pour avoir un axe central plus haut avec Pape Malick Doop et Lamine Diatta. Sur les flancs, faire tout pour que la France ne rentre pas avec ses latéraux, Lizarazu et autres.»

Propos recueillis par Abdou Rahim KA, Adjoua R. BASSENE (Quotidien TV) et Bocar SAKHO-bsakho@lequotidien.sn