Mis en place ce 05/04/2024, le nouveau gouvernement qui se veut de proximité, d’innovation et d’efficacité, dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, s’est fixé des piliers majeurs pour faire face aux préoccupations pressantes des Séné-galais et des Sénégalaises.

Parmi ces piliers majeurs on peut citer : la jeunesse, l’éducation, la formation, l’entreprenariat et l’emploi des jeunes et des femmes, la lutte contre la vie chère et l’amélioration des conditions de vie des populations.

Pour relever les défis précités, le secteur primaire au sens large du terme reste un écosystème incontournable dans toutes les stratégies qui seront éventuellement mises en place par l’équipe de M. Ousmane Sonko.

Le parti Fepp tawfekh félicite la décision pertinente du nouveau gouvernement en fusionnant les ministères de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage. La décision de créer un Secrétariat d’Etat aux coopératives agricoles et encadrement du paysan est aussi salutaire au regard des enjeux de réorganisation des producteurs ruraux. Toutefois, compte tenu de la complexité du secteur, du niveau de formation des acteurs dont plus de 70% sont des exploitations de type familial, un certain nombre de préalables s’imposent pour asseoir une stratégie durable qui aboutira éventuellement à l’atteinte des objectifs escomptés.

Ces préalables permettent :
• aux instituions financière de mettre en place des schémas de financements sécurisant en proposant des produits et services à tous les acteurs des différentes chaînes de valeur à travers des modèles intégrés (contractualisation, warrantage, système de récépissé d’entrepôt, l’affacturage. etc.) ;
• de faciliter aussi l’interrelation et l’interaction entre les différents segments grâce à leur professionnalisation ;
• aux décideurs d’identifier clairement les besoins des acteurs et d’avoir plus de visibilité sur le fonctionnement des filières agricoles afin de proposer une politique agricole qui répond parfaitement aux besoins desdits acteurs ;
• a structuration des chaines de valeurs agricoles et agroalimentaires.
Le renforcement et la mise en place d’organisations de producteurs/entrepreneurs est un des piliers pour déclencher une dynamique organisationnelle dans le monde rural. En d’autres termes, le manque d’organisation des producteurs à la base dans les différentes zones agro-écologiques constitue un goulot d’étranglement qui pourrait freiner toute initiative de développement et de politique publique dans le secteur agricole. Dans ce sillage, la nouvelle équipe gouvernementale gagnerait, de concert avec les structures d’appui technique, la Dapsa et le secteur privé, à caractériser en toute rigueur les exploitations agricoles et agroalimentaires dans les différentes zones agro-écologiques du pays. A date, des visites de terrain et des entretiens effectués avec les acteurs ont permis de déceler beaucoup de défaillances dont le manque de formation, l’absence notoire de dynamique organisationnelle, surtout sur les filières horticoles et céréalières, absence d’interrelation entre les acteurs, faiblesse du maillon de la transformation, des entités agricoles informelles (non inscrites au registre de commerce, sans Ninea etc.). En définitive, l’organisation du secteur agricole facilitera : la distribution des intrants agricoles, l’identification des besoins en formation des acteurs, la mise en place de modèles d’agrobusiness inclusifs, l’identification des besoins en financement, l’implication du secteur privé, la mise en place de schémas de financement sécurisés pour les institutions financières, la mise en œuvre de toute initiative de développement en général, etc. Cette organisation facilitera la création de coopératives agricoles, de Gie de productions, d’entreprises agricoles ou toute autre forme d’organisation juridiquement reconnue. Enfin, une bonne connaissance de la structuration et de la coordination des chaînes de valeurs agricoles peut réduire les risques et les réticences des institutions financières à consentir des prêts au secteur agricole.

En somme, à l’état actuel, notre agriculture est confrontée à un défaut relatif à son modèle économique. A cela viennent s’ajouter la faiblesse de la dynamique organisationnelle à la base, le caractère familial de nos exploitations agricoles, nos habitudes alimentaires, la faiblesse du maillon de la transformation, etc. Dans le court terme, il urge de fortifier davantage les exploitations en coopératives très fortes et bien structurées en encourageant toutes les initiatives relatives à l’innovation.

• Quels services agricoles pour accompagner l’innovation agricole ?
Depuis plusieurs décennies, pour accompagner le monde rural, l’Etat a mis en place plusieurs structures d’appui technique à travers les différentes zones agro-écologiques du pays. Elles fournissent aux Op les services de renforcement de capacités, de gestion financière et de conseils. Parallèlement, elles jouent le rôle d’intermédiaire entre les organisations de producteurs et les partenaires pour la définition, la négociation et le suivi des politiques et programmes de développement. Parmi ces différentes structures, on peut citer : l’Ancar, la Drdr, la Saed, la Sodagri, la Sodefitex etc. D’autres structures apportent aussi leurs services et expertises au monde rural pour mieux rentabiliser leurs business à la base. Il s’agit, entre autres, de l’Institut national de pédologie (Inp), la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal (Cnaas), la Banque agricole (Lba), l’Isra, la Direction de l’horticulture (Dhort), etc. Depuis leur création, elles ont toujours joué le rôle d’interface entre les acteurs du monde rural et leurs différents partenaires. Jadis très présentes sur le terrain pour répondre aux besoins du producteur, au fil du temps ces structures deviennent de moins en moins efficaces pour jouer pleinement leurs rôles et répondre aux besoins du monde rural.

Pour mettre en œuvre le programme agricole du gouvernement de M. Ousmane Sonko, un diagnostic institutionnel de ces différentes structures s’avère primordial pour assurer un service de qualité au profit de tous les acteurs des différentes chaînes de valeurs agricoles. Il s’agira de répondre aux questions ci-après : quel est le niveau de motivation du personnel de ces institutions ? Quelles sont les ressources humaines disponibles ? Leur niveau et leur type de formation sont-ils adaptés aux besoins du marché ? Quels sont leurs besoins en fonctionnement ? Quels sont leurs besoins en matériel et en logistique ? Une gestion de carrière est-elle prévue pour les agents de ces entités ? Pourquoi ces agents abandonnent-ils aussi facilement leur structure pour d’autres administrations : cas de l’Isra ?
La réflexion doit également être menée au niveau des associations de base, avec des animateurs préparés sur le plan méthodologique pour permettre une bonne adaptation des outils de diagnostic aux réalités du terrain.
• Le partenariat
Compte tenu des défis auxquels elles sont confrontées, les organisations de producteurs ont besoin de tisser des collaborations avec des partenaires qui pourront leur apporter un appui en démarche et outils méthodologiques. Plusieurs partenaires techniques sont présents sur le terrain. Mais force est de constater que la chaîne de valeur riz, compte tenu de son caractère de première denrée de consommation, est plus choyée en termes de partenariats (Usaid, Jica, Koica, etc.). Certaines chaînes de valeurs comme celles horticoles sont quasiment laissées à elles-mêmes occasionnant des impacts négatifs sur la rentabilité et la valeur ajoutée créée. La chaîne de valeur arachidière, compte tenu des fonds injectés, mérite plus d’attention. Le gouvernement actuel gagnerait à mettre en place un partenariat public-privé (Ppp) afin de booster le maillon de la transformation de certaines filières comme l’arachide, l’oignon, la pomme de terre, la mangue, etc. Ces partenaires peuvent être identifiés à partir de foires, salons, et des rencontres B2B qui pourraient être organisées par les structures d’appui conseil ou d’autres entités dédiées.

Le ministère de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage, accompagné par le Secrétaire général chargé des coopératives, devra encourager les démarches et initiatives qui se veulent innovantes dans la manière de travailler avec les Op. Elles s’appuient en grande partie sur les Ong, projets, partenaires techniques et financiers, etc. Ces entités contribueront fortement à la mise en place de réseaux et d’interactions entre les acteurs des chaînes de valeurs agricoles et agroalimentaires. Dans le cadre de ces partenariats, les acteurs de la chaîne de valeur doivent être au cœur du dispositif. Un dispositif de monitoring devrait aussi être mis en place afin de faciliter les synergies entre les différents projets et programmes, et éviter une mauvaise utilisation des ressources dans le monde rural.
M. Djibril BA
Ingénieur Agroéconomiste
Cadre de Banque
Enseignant-chercheur vacataire à l’Ugb et l’Uab
Doctorant à l’Ugb
Responsable du Parti Fepp Tawfekh à Thiès