Difficultés d’accès à l’eau potable : Une ressource sous pression

Avec la surexploitation des ressources hydrologiques, la présence de fluor, la salinisation, ajoutées au changement climatique, l’eau est en train de devenir plus qu’une source de vie. Sans plus de contrôle, l’avenir risque d’être plus difficile à gérer pour les populations. L’Association africaine de l’eau et de l’assainissement et l’Ong German Water Partnership exposent les difficultés auxquelles sont confrontés certaines localités, notamment la situation des populations prises en otage par le fluor, la salinisation et la présence d’autres matières organiques.Par Abdou Latif MANSARAY –
L’Association africaine de l’eau et de l’assainissement, en partenariat avec l’Ong German Water Partnership, a regroupé des spécialistes, journalistes, professeurs et acteurs pour se prononcer sur les difficultés d’accès à l’eau auxquelles sont confrontées certaines populations du Nord et du Sud du pays. Selon ces spécialistes qui ont pris part à cet atelier, les eaux de surface constituent la principale source pour l’agriculture, tandis que les eaux souterraines représentent 85% de l’approvisionnement en eau potable domestique dans les zones rurales et urbaines. Seyni Ndoye, professeur au Département de génie civil de l’Ecole supérieure polytechnique de l’université Cheikh Anta Diop, alerte : «Aujourd’hui, la situation est alarmante dans le bassin arachidier. Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous avons des taux de fluor très élevés dans la zone Mbour-Fatick-Thiès-Kaolack. Nous avons fait des travaux et nous avons relevé que les concentrations dépassent très largement les normes de l’Oms au Sénégal où l’inhalation de fluor dépend essentiellement de la quantité d’eau consommée qui, à son tour, dépend donc de la température.» Qu’est-ce qui est à l’origine de cette situation ? «Au niveau de la zone, il y a la roche réservoir qui est à l’origine de cette quantité élevée de fluor», précise-t-il.
Aujourd’hui, les acteurs pensent que chacune de ces ressources est limitée : l’eau de surface ne parvient pas à répondre à la demande pendant les périodes de faibles précipitations, et les eaux souterraines sont menacées par la surexploitation et la pollution. «Une surexploitation des eaux souterraines a été observée dans certaines régions, notamment dans les environs de Dakar. La qualité de l’eau reste un impératif de santé publique mondial, car elle doit répondre aux besoins en eau potable des humains et des animaux. L’eau potable peut être contaminée à partir de diverses sources, en fonction de la géologie locale, de l’hydrogéologie, des caractéristiques géochimiques de l’aquifère, ou en raison d’une pollution anthropique. Pour des pays comme le Sénégal, les impacts du changement climatique imposeront des charges financières supplémentaires. La Banque mondiale estime que ces coûts pourraient dépasser 10% du Pib par an», renseigne M. Ndoye.
Pour Abdoulaye Cissé, hydrogéologue, chef de la Division hydrogéologie à la Direction de la gestion et de la planification des ressources en eau du ministère de l’Hydraulique et de l’assainissement, le changement climatique risque d’exacerber les tensions. «Le Sénégal dispose de ressources en eau souterraines et en eau de surface, mais les ressources souterraines sont plus exploitées. Pour l’alimentation en eau potable, on dit que c’est à hauteur de 80%. Donc, de tous les prélèvements, on constate aujourd’hui que bien que ces ressources contiennent des réserves, celles renouvelables sont quand même très limitées à ce niveau. C’est la raison pour laquelle l’Etat du Sénégal devrait se tourner clairement vers l’exploitation des eaux de surface pour lesquelles nous avons une bonne disponibilité, parce qu’aujourd’hui, on a autour de 22 milliards de mètres cubes par an qui s’écoulent vers la mer», assure-t-il, rappelant que cette eau peut être renouvelable et valorisée pour sécuriser la consommation des populations et permettre de reposer les nappes.
M. Cissé renseigne que le Code de l’eau dit que tout prélèvement des ressources en eau est soumis à une autorisation délivrée par le ministère de l’Hydraulique et de l’assainissement. «Il y a la Police de l’eau au sein du ministère qui est chargée de faire le suivi, le contrôle, mais surtout sensibiliser les populations par rapport à la nécessité d’avoir une autorisation avant de faire des ouvrages, parce que ça permet de mieux gérer la ressource, de mieux contrôler les prélèvements et leur impact. Ce qui pose quand même aujourd’hui beaucoup de difficultés avec la faiblesse des moyens», admet-il.
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